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[CAS PRATIQUE] Mise en place d’un CSE (Droit du travail)

Cours et copies > Droit du travail


Voici un cas pratique en droit du travail portant sur l’organisation et les conditions de mise en place d’un comité social et économique (CSE) au sein d’une entreprise. Découvrez cette copie qui a obtenu la note de 17/20🔥 .

 

Sommaire :


 

N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊


💡 Nous avons aussi placé des annotations pour vous aider : problème de droit majeure, mineure, conclusion.


 

Sujet du cas pratique : L’entreprise « 100 Bon », ayant son siège social à La Défense, bien implantée dans le secteur de la parfumerie, emploie 1 800 salariés répartis sur 300 magasins. Par accord collectif, il a été décidé de la mise en place d’un CSE unique, les magasins ayant reçu très peu d’autonomie de gestion (le recrutement, la rupture du contrat, la gestion de carrière étant décidés par le directeur des ressources humaines localisé au siège social).


Cet accord collectif prévoit également l’installation de 3 commissions du CSE : une commission Économique, une CSSCT, une commission Formation/Emploi/Mobilité. Il stipule enfin la désignation de 120 représentants de proximité (soit un pour 2 ou 3 magasins).


En 2020, l'entreprise a pour projet d'évoluer pour rendre les magasins plus attractifs. Pour cela, elle réalise une étude préalable auprès d'un cabinet spécialisé qui, au regard de l'image et de l'identité visuelle de l'entreprise, recommande les aménagements suivants :

  • Moderniser l'agencement de chaque magasin (chaque magasin agencé de la même manière), notamment avec un nouveau positionnement des parfums à forte valeur ajoutée, un nouveau mobilier plus « tendance » (utilisation de nouveaux matériaux écologiques) ;

  • Modernisation du système de sécurité à l'entrée pour éviter les vols ;

  • Modifier la tenue des salariés et/ou prévoir le port d'un emblème marqueur de l'identité de l'entreprise, reconnaissable par les clients ;

  • Créer une couleur identitaire : la couleur de tous les magasins, de l'Entreprise.


Tout ceci pourrait être effectué selon un planning prévisionnel sur 12 mois. La Direction générale vous demande :


1/ Comment structurer le dialogue avec les élus du personnel. Elle précise : « j'attends de vous que vous me disiez s'il faut simplement informer le CSE, si oui sur quoi ? Faut-il solliciter les représentants de proximité, si oui, sur quoi, comment ? Mais aussi : existe-t-il des délais pour informer/consulter ? Ainsi que tout ce que le droit du travail impose.


2/ Si le fait de ne pas avoir évoqué la volonté de l'entreprise d'apporter du changement lors de la consultation sur les orientations stratégiques menées en octobre 2019 peut perturber le projet. Lors de cette consultation, il a simplement été acté un possible changement de « look » de l'entreprise d'ici à quelques années.


I/ La mise en place d’un CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés


A) Les mesures de mise en place


[Problème de droit] Dans quelles mesures un CSE et ses commissions doivent-ils être mis en place dans les entreprises de plus de 50 salariés ?


sondage methode cas pratique

[Majeure] En droit, l’article L2311-2 du Code du travail énonce qu’un CSE est mis en place dans les entreprises d’au moins onze salariés sur 12 mois consécutifs. La désignation des élus du personnel, membres du CSE, se fait par voie d’élections organisées dans l’entreprise.


Traditionnellement, il est possible de distinguer le CSE restreint et le CSE plénier. Le CSE restreint comprend moins de 50 salariés et le CSE plénier au moins 50 salariés. Les attributions du CSE ne sont pas les mêmes s’il est plénier ou restreint. Le CSE plénier dispose de la personnalité juridique au contraire du CSE restreint.


Selon l’article L1214-1 du Code du travail, le CSE comprend l’employeur et une délégation du personnel comportant un nombre déterminé par décret du Conseil d’État en fonction de l’effectif de l’entreprise. Le nombre de membres peut être modifié par accord dans les conditions de l’article L2314-7 du Code du travail. Si rien n’est modifié par accord alors il convient de se reporter à l’article R2314-1 du Code du travail.


À partir d’un certain seuil, la mise en place de certaines commissions devient obligatoire, d’autres ne restent que facultatives quel que soit le seuil si elles ont été écartées par voie d’accord collectif. Elles ne sont obligatoires que s’il n’y a aucun accord collectif qui les écartent.


Le CSSCT doit être mis en place dans les entreprises d’au moins 300 salariés comme l’énonce l’article L2315-36 du Code du travail. C’est obligatoire et il n’est pas possible d’y déroger. Cette commission est construite sur le modèle du triptyque des ordonnances Macron du 22 septembre 2017.


Aux commissions légalement obligatoires, d’autres peuvent être ajoutées ou écartées par voie d’accord collectif d’entreprise conclu dans les conditions du droit commun. De ce fait, il appartient aux négociateurs de fixer la composition, la mission et les moyens de ces commissions.


Il faut un accord collectif, ou au moins un règlement intérieur qui prévoit les modalités de fonctionnement. Un accord collectif d’entreprise peut prévoir une commission supplémentaire pour l’examen de problèmes particuliers. Les entreprises peuvent choisir de maintenir par voie d’accord certaines commissions, d’en écarter d’autres ou d’opérer des regroupements des commissions qui sont énoncés aux articles L2315-46 et suivants du Code du travail.


[Mineure] En l’espèce, l’entreprise « 100 Bon » est une grosse entreprise composée de 1800 salariés. De ce fait, la question de la mise en place d’une CSE ne se pose pas : elle est obligatoire.


Il n’est pas exposé dans les faits dans quelles conditions ont été effectuées les élections des élus du personnel, ni combien il y a en a. À défaut d’accord sur le nombre, il est possible de considérer qu’il y a 21 titulaires et donc 21 suppléants. Comme exigé, un CSSCT a été mis en place par voie d’accord collectif.


L’entreprise a également fait le choix de mettre en place une commission économique et une commission Formation/Emploi/Mobilité dans le même accord collectif qui instaure la CSSCT. Il est possible de déduire qu’elle a écarté la mise en place d’autres commission par ce même accord.


[Conclusion] Donc, un CSE unique a été mis en place ainsi que trois commissions conformément aux dispositions du Code du travail.


 

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B) L'organisation


[Problème de droit] Comment s’organise la mise en place d’un CSE lorsque l’entreprise dispose de plusieurs établissements ?


[Majeure] En droit, l’article L2313-1 alinéa 2 du Code du travail énonce que : « Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts ». En cas de pluralité d’établissement, il y a donc des CSE d’établissements et un comité social économique central.


Il est précisé dans l’article suivant, l’article L2313-2, que l’accord collectif d’entreprise détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts selon les modalités des accords de l’article L2232-12 du Code du travail ou, à défaut, selon celles qui sont énoncées dans l’article L2313-3 du Code du travail.


Ce n’est qu’en l’absence d’accord collectif, (mais « à l’issue d’une tentative loyale de négociation », Cass. soc., 17 avril 2019) mentionné dans les deux précédents articles, que l’article L2312-4 du Code du travail s’applique : l’employeur peut fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.


Un arrêt de la chambre sociale du 19 décembre 2018, confirmé par un arrêt du 22 janvier 2020, précise que l’autonomie peut se caractériser en fonction de la délégation de compétence dont dispose le responsable de l’établissement, de sa gestion du personnel et de l’autonomie du service.


Selon l’article L2313-5 du Code du travail, en cas de litige, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par la DREETS. Dans les différents textes, il est énoncé que c’est l’accord collectif qui décide du nombre et le périmètre d’établissements distincts, or aucun minimum ni de maximum n’est prévu pas ces textes. Il est donc possible de se demander si un accord collectif peut reconnaitre aucun établissement.


[Mineure] En l’espèce, il est rapporté que la mise en place d’un CSE unique a été décidé par accord collectif du fait que les magasins ont très peu d’autonomie de gestion. Il est précisé que le recrutement, la gestion de carrière et la rupture du contrat sont décidés par le directeur des ressources humaine localisés au siège social de l’entreprise à La Défense.


De ces exemples, il ressort clairement un manque d’autonomie des magasins de l’entreprise. Il n’est pas précisé si le CSE unique a été mise en place après une réelle négociation pour la mise en place de CSE d’établissements distincts.


En effet, la prise en compte de l’autonomie ou non de gestion des établissements ne se fait qu’en l’absence d’accord par la direction générale dont il lui revenait le pouvoir de fixer le nombre et le périmètre des CSE d’établissements. De ce fait, il est possible de se demander si, dans l’entreprise, une tentative de conclusion de mise en place d’un CSE par établissement a été tentée.


Dans tous les cas, un accord collectif a été conclu dans l’entreprise instituant un CSE unique et central et nous n’avons pas plus d’informations sur les circonstances, ni sur les modalités dans lesquelles a été conclu cet accord collectif.


[Conclusion] Donc, il est possible de conclure que la mise en place d’un CSE unique, bien qu’il y ait 300 magasins dirigés par l’entreprise, soit valable.


 

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II/ Le dialogue avec les élus du personnel


[Résumés des faits, qualifiés juridiquement] La direction générale de l’entreprise « 100 Bon » se pose des questions quant à la structuration du dialogue avec les élus du personnel, notamment sur l’information du CSE, sur la nécessité ou non de solliciter les représentants de proximité et dans quelles mesures, mais aussi sur la procédure et sur les impératifs exigés par le Code du travail.


A) La consultation ponctuelle


[Problème de droit] Dans quels domaines est-il nécessaire de consulter l’avis du CSE pour la mise en place d’un projet dans une entreprise de plus de 50 salariés ?


[Majeure] En droit, l’article L2312-15 du Code du travail dispose : « Le comité social et économique émet des avis et des vœux dans l'exercice de ses attributions consultatives ».


L’article L2315-23 du Code du travail précise que le CSE plénier est doté de la personnalité juridique. Il a pour mission : « d’assurer l’expression collective des salariés ». Le CSE plénier dispose d’une compétence consultative de manière récurrente (article L1212-37 du Code du travail), mais également de manière ponctuelle.


Le domaine de consultation du CSE est très large, c’est presque l’idée d’une consultation généralisée. L’article L2315-17 du Code du travail prévoit six cas où la consultation doit être menée par l’employeur.


Un second texte vient compléter le domaine de consultation du CSE plénier, c’est l’article L2312-8 du Code du travail. Il énonce en son I que : « Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions ».


Le CSE doit donc être consulté pour les projets qui touchent à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle, aux techniques de production au regard des conséquences environnementales de ces décisions. Le CSE dispose également d’une compétence en matière de santé, comme l’énonce l’article L2312-9 du Code du travail.


Le champ consultatif est extrêmement large. La consultation du CSE doit se faire au moment où l’employeur a une idée suffisamment déterminée et arrêtée mais qu’elle reste susceptible d’évoluer en pratique, particulièrement par la consultation des membres du CSE, même si l’avis de ce dernier n’est que simple, et que l’employeur n’est pas tenu de le suivre.


Il faut que le projet de l’employeur ait une portée collective. Cela a été rappelé dans plusieurs arrêts sous l’ère des anciennes instances représentatives du personnel (Cass. crim., 14 février 1989). Cependant, il est fort probable que ces anciennes jurisprudences se maintiennent sous l’ère du nouveau CSE. Le projet envisagé ne doit pas revêtir un caractère ponctuel ou temporaire.


À noter que le non-respect de la consultation du CSE peut entrainer la constitution d’un délit d’entrave prévu à l’article L2317-1 du Code du travail. La sanction de l’entrave en ce qui concerne le fonctionnement du CSE, soit les missions exercées par celui-ci, est d’une amende de 7500 euros, doublée en cas de récidive.


[Mineure] En l’espèce, l’entreprise « 100 Bon » a pour projet de rendre les magasins plus attractifs, notamment en modernisant l’agencement de chaque magasin, la modernisation du système de sécurité à l’entrée pour éviter les vols, la modification de la tenue des salariés et la création d’une couleur identitaire. La direction générale souhaite savoir si ce projet requiert la consultation du CSE.


La réponse à cette question est assurément positive. En effet, la consultation du CSE doit se faire dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail. Concernant la gestion et l’évolution économique, il est possible que cela se fasse indirectement.


En effet, les nouveaux agencements de l’entreprise ont, au-delà d’un but seulement esthétique, l’objet de développer l’entreprise. Également, concernant l’organisation du travail, il est indiqué que la tenue des salariés sera modifiée. Il n’est pas mentionné si déjà actuellement les travailleurs portent un uniforme ou une tenue spéciale pendant leurs heures de travail.


Il n’y a pas plus d’informations au sujet de la future nouvelle tenue des salariés, on sait juste que c’est pour les rendre reconnaissables par les clients. Si c’est un changement significatif de tenue, il faudra prévoir un moyen pour les salariés de s’habiller et de se déshabiller. De là, cela peut impacter l’organisation du travail car il faudra prévoir un temps d’habillage et déshabillage.


Il est indiqué que la modernisation de chaque magasin est prévue avec un nouveau positionnement des parfums, cela va surement toucher également la santé mais surtout la sécurité des salariés en raison de la modification des meubles et de l’agencement. L’employeur, en fonction des différents sujets abordés, devra prévoir des temps distincts dans les réunions avec le CSE pour chacun d’entre eux.


De ce fait, le CSE devra rendre plusieurs avis : pour la gestion et à l’évolution financière de l’activité économique étant donné que cela l’impacte indirectement, concernant l’organisation du travail mais également pour la santé et la sécurité des salariés. Il s’agit d’un projet collectif qui concerne tous les magasins de l'entreprise (et touchent donc les 1800 salariés) et qui, aux vues de l’ampleur du projet, est permanent.


[Conclusion] Donc, il convient de consulter le CSE car le projet rentre dans le domaine de consultation de ce dernier.

B) Les procédures


[Problème de droit] Quels sont les délais et les informations dont le CSE dispose pour rendre son avis sur un projet ?


[Majeure] En droit, le CSE est convoqué par l’employeur à l’appui d’un ordre du jour, co-établi avec le secrétaire du CSE. Cet ordre du jour doit mentionner les points qui doivent être discutés. Notamment s’il y a plusieurs thèmes, cela donnera deux temps lors de la consultation qui pourra donner lieu à deux avis distincts du CSE.


L’article L2312-15 du Code du travail énonce que pour exercer ses compétences consultatives, le CSE doit disposer d’un délai d’examen suffisant et des informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l’employeur.


Quand un CSE plénier est mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la plupart des informations doivent être mentionnées dans la base de données économiques et sociales (BDES) prévue à l’article L2312-8 du Code du travail. Le contenu de la BDES se trouve aux articles R2312-21 à R2312-23 du Code du travail. C’est obligatoire et c’est assez complexe à mettre en œuvre car il y a énormément d’informations qui doivent être contenues dans cette base de données.


Il est indiqué dans l’article L2312-15 du Code du travail que le CSE doit disposer d’un délai suffisant pour rendre son avis, or ce délai n’est que très rarement précisé par la loi. Il convient donc de se référer à l’article R2312-5 du Code du travail qui prévoit un délai d’un mois à compter de l’information complète et de deux mois si le CSE a recours à un expert (article R2312-6 du Code du travail).


Par accord collectif, il est possible de modifier le délai. Le recours à un expert par le CSE est prévu par l’article L2315-94 du Code du travail : « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement, en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 ; ou dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle ».


Dans le cas d’un « projet important modifiant les conditions de travail, la santé et la sécurité », l’expertise demandée sera financée à 80% par l’employeur et à 20% par le CSE. Les délais de consultation sont des délais préfixes, insusceptibles d’interruption et de suspensions, comme le précise l’arrêt de la chambre sociale du 21 septembre 2016.


Lorsque l’information/consultation se base sur la BDES et qu’il n’y a pas de BDES (ou une BDES incomplète), le point de départ n’a pas commencé à courir. Il commencera à courir au moment où la BDES existera. Selon l’alinéa 4 de l’article L2312-15 du Code du travail, le CSE, s’il considère ne pas disposer d’informations suffisamment importantes, ou d’un manque d’informations, pourra saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond.


Toutefois, comme il est précisé à l’alinéa suivant, cette saisine n’a pas pour objet de prolonger le délai dont dispose le CSE. Le CSE doit saisir le président du tribunal judiciaire avant l’expiration du délai qui leur incombe comme le rappelle l’arrêt du 26 février 2020. S’il considère que l’information est insuffisante, il peut proroger le délai. Une fois le délai expiré, l’avis du CSE est réputé donné (et il est donc inévitablement négatif), selon l’article R2316-1 du Code du travail.


[Mineure] En l’espèce, le CSE de l’entreprise « 100 Bon » dispose d’un délai d’un mois, ou deux mois s’il décide de recourir à un expert, pour rendre ses avis. Il semblerait qu’il puisse avoir recours à un expert car le projet de modifier les conditions de travail et les dispositions pour recourir à un expert se recoupent avec le domaine de la consultation.


De ce fait, les membres du CSE peuvent recourir à un expert face au projet de l’entreprise. Il faudra tout de même s’assurer, si le CSE recourt à une expertise, que celui-ci dispose bien du budget, car pour ce type d’expertise, il y a une partie à la charge du CSE. Le délai de consultation du CSE peut être allongé par voies d’accord, mais nous n’avons pas d’indication à ce sujet dans l’accord.


Il faudra que la direction générale prenne le soin d’aller vérifier si l’accord collectif n’instaure pas d’autres délais. L’entreprise a 1800 salariés, elle doit normalement avoir mis en place une BDES. Il est très important qu’elle soit correctement mise en place, car le délai de consultation ne pourra courir que si cette dernière existe. La direction générale devra donc vérifier que la BDES est correctement mise en place dans son entreprise.


Il convient d’être assez vigilant quant aux informations qui seront transmises au CSE, ces dernières doivent être complètes car sinon ce dernier pourra saisir le président du tribunal judiciaire (en l’occurrence celui de Paris étant donné que le siège social de l’entreprise se situe à la Défense).


[Conclusion] Donc, le CSE devra disposer de toutes les informations utiles. Ils auront un délai de 1 mois (ou 2 mois s’ils souhaitent recourir à un expert) pour rendre leur avis. Mais pour que le délai commence à courir, il faut que la BDES soit correctement établie.

💡 Bon à savoir : vous pouvez trouver une copie corrigée d'un cas pratique sur la modification de la rémunération d'un salarié sur notre site.

C) Les attributions


[Problème de droit] Les représentants de proximité doivent-ils être sollicités ?


[Majeure] En droit, avec la suppression des délégués du personnel par l’ordonnance du 22 septembre 2017, les salariés ont été privés d’élus proches d’eux. De ce fait, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a également autorisé la présence de représentants de proximité par l’article L2313-7 du Code du travail.


En effet, par voie d’accord définie à l’article L2313-2 du Code du travail, il est possible de mettre en place des représentants de proximité. C’est l’accord qui va définir les attributions de ces représentants, les modalités de leur désignation, leur nombre et leurs modalités de fonctionnement.


Il est juste précisé dans l’article L2313-7 du Code du travail au dernier alinéa que : « Les représentants de proximité sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité ». Il revient donc quasiment exclusivement à l’accord de régler les questions relatives aux représentants de proximité.


La désignation des représentants de proximité est nécessairement effectuée par les membres élus du CSE. L’étendue de leur fonction est librement définie par les parties dans l’accord, sous une réserve : le législateur impose qu’y soit intégrées les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail (Bernard Teyssié, Droit du travail Relations collectives).


Gilles Auzero, Dirk Baugard et Emmanuel Dockès, dans le Précis Droit du travail, ont écrit que : « On peut penser que l’accord ne devrait pas aboutir à déposséder le CSE des attributions que la loi lui reconnait expressément ». Les représentants de proximité ne seraient donc que des relais du CSE. Cette configuration est aussi supportée par le fait que, si le législateur avait voulu leur donner plus de pouvoirs, il aurait fallu préciser que le CSE pouvait déléguer certains de ses pouvoirs aux représentants de proximité.


[Mineure] En l’espèce, il est indiqué que les représentants de proximité ont été mis en place par voie d’accord dans l’entreprise. Il n’y a pas d’indication quant au contenu précis de cet accord, notamment en ce qui concerne les attributions de ces représentants de proximité.


L’entreprise a désigné 120 représentants de proximité, soit un pour 2 ou 3 magasins. Les parties à l’accord étaient libres de choisir le nombre de représentants de proximité qu’elles souhaitaient mettre en place. Les représentants de proximité n’ont en principe de pouvoir que ce que l’accord dans l’entreprise « 100 Bon » lui a donné.


De ce fait, la direction générale n’est pas obligée de les consulter dans le cadre de la consultation ponctuelle sur le projet d’évolution des magasins pour les rendre plus attractifs, bien que cela reste une possibilité.


[Conclusion] Donc, la direction générale n’est pas obligée de consulter les représentants de proximité dans le cadre de la consultation ponctuelle.



D) Les commissions


[Problématique] Comment s’agence la consultation lorsqu’il y a la présence d’autres commissions au sein du CSE ?


[Majeure] En droit, dans les entreprises de plus de 300 salariés, la seule commission obligatoire est celle de la CSSCT comme l’énonce l’article L2315-36 du Code du travail. Comme énoncé plus haut, la CSSCT fonctionne selon le modèle du triptyque des ordonnances Macron du 22 septembre 2017. La mise en place et le fonctionnement de cette commission est réglé par accord (article L2315-41).


Il y a une très grande liberté qui est dévolue aux parties à l’accord : la commission n’a de pouvoir que ce que l’accord décide de lui laisser. Aux commissions légalement obligatoires, d’autres peuvent être ajoutées par voie d’accord collectif d’entreprise conclu dans les conditions du droit commun.


De ce fait, il appartient aux négociateurs de fixer la composition, la mission et les moyens de ces commissions. Cette possibilité est laissée à l’article L2315-45, alinéa 1 du Code du travail : « Un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 peut prévoir la création de commissions supplémentaires pour l'examen de problèmes particuliers ».


Le fonctionnement et les modalités seront eux aussi définis dans l’accord qui met en place ces commissions non obligatoires, ou au moins par le règlement intérieur du CSE. Les commissions ne sont mises en place que pour des sujets spécifiques, elles n’ont pas la personnalité juridique.


Les commissions peuvent rendre des comptes-rendus, sur la base desquels le CSE rendra un avis mais en aucun cas la commission n’aura le pouvoir consultatif et donc la possibilité de rendre un avis.


L’article L2312-8 du Code du travail énonce que c’est bien le CSE en lui-même qui doit être consulté dans le cadre des consultations ponctuelles et non pas les commissions qui a ont été mises en place. Il n’est pas possible de déléguer la compétence générale du CSE.


[Mineure] En l’espèce, l’entreprise « 100 Bon » a mis en place trois commissions : la CSSCT, une commission économique et une commission Formation/Emploi/Mobilité. Ces dernières ont été mises en place par voie d’accord. Nous n’avons pas de précision quant au contenu de cet accord, notamment sur les modalités de fonctionnement de ces trois commissions.


En effet, il revenait aux partenaires sociaux de l’entreprise de définir leur mise en place et leur fonctionnement dans l’accord, chose qu’ils ont surement faite mais à laquelle nous n’avons pas accès. Ce ne sont pas les commissions qui sont compétentes pour être informées et consultées.


En effet, il revient au seul CSE de l’entreprise de rendre un avis sur le projet de réaménagement des magasins pour qu’ils soient plus attractifs. Les commissions n’ont donc pas à être consultées.


De plus, dans les trois commissions, seule la CSSCT est impactée directement par ce projet en raison des enjeux liés à la circulation et à la sécurité dues à la modernisation de l’agencement de chacun des 300 magasins.


Le CSE peut tout de même demander à la CSSCT d’analyser le projet vu qu’elle est la plus spécialisée là-dedans. Cependant, ce n’est pas la CSSCT qui donnera l’avis, elle ne fait qu’aider la mission du CSE pour une meilleure réalisation du processus consultatif.


[Conclusion] Donc, le CSE est le seul à devoir être informé et à devoir rendre un avis.

💡 Bon à savoir : si vous rencontre des difficultés sur la notion de licenciement, sachez que nous avons un cas pratique corrigé par un enseignant d'université sur le licenciement, abordant les notions de faute, motif disciplinaire et insuffisance professionnelle.

III/ Les consultations annuelles obligatoires


[Résumés des faits, qualifiés juridiquement] La direction générale s’inquiète de savoir si le fait de ne pas avoir évoqué la volonté de l’entreprise d’apporter du changement lors de la consultation sur les orientations stratégiques menées en octobre 2021 peut perturber le projet. En effet, il a simplement été évoqué un possible « changement de look » de l’entreprise.


Les contraintes


[Problème de droit] La direction générale est-elle contrainte par ce qui a été dit ou non lors des consultations annuelles obligatoires ?


[Majeure] En droit, le CSE doit être consulté de manière récurrente sur certains sujets. En effet, depuis la loi Rebsamen du 17 aout 2015, il y a trois consultations annuelles obligatoires.


Elles sont énoncées à l’article L2312-17 du Code du travail : « 1° Les orientations stratégiques de l'entreprise ; 2° La situation économique et financière de l'entreprise ; 3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi ».


Pour la consultation sur les orientations stratégiques et leurs conséquences (article L2312-24 du Code du travail), l’idée est d’avoir une forme d’anticipation : il est demandé à l’employeur d’anticiper les évolutions du marché et les mutations économiques, en dessinant les orientations stratégiques.


De ces orientations stratégiques, le but est de se projeter sur les conditions de travail futures des salariés. Lors de la consultation sur la situation économique et financière (article L2312-25 du Code du travail), les membres du CSE auront accès à des données chiffrées sur l’entreprise.


La consultation annuelle obligatoire sur la situation économique et financière permet de comparer l’année N aux années N-1 et N+1. La consultation sur la politique sociale (article L2312-26 et suivants du Code du travail) est sans doute la plus importante de toutes les consultations annuelles obligatoires.


Elle concerne tout ce qui a trait à l’évolution des effectifs mois par mois, au type de contrat, au temps de travail, aux conditions de travail, au sein desquelles il y a l’égalité professionnelle hommes/femmes. Les informations de ces consultations sont mentionnées dans la BDES de l’entreprise de l’article L2312-18 du Code du travail.


L’organisation technique de ces consultations récurrentes se fait par voie d’accord comme l’énonce l’article L2312-19 du Code du travail. En cas de défaut d’accord, des dispositions supplétives sont prévues dans le Code du travail à l’article L2312-22 du Code du travail. Lors de ces trois consultations annuelles obligatoire, le CSE émet un avis simple.


Les difficultés liées à l'articulation entre les consultations récurrentes et les consultations ponctuelles est une véritable interrogation dont, pour l’instant, aucune réponse définitive n’est parvenue de la part des juges du quai de l’horloge.


Les juridictions du fond ont pour l'heure adopté des positions différentes (Cour d'appel de Paris, 3 mai 2018, n° 17- 09307 et TGI Nanterre, Pôle civil, 11 juill. 2019, no 19102211, ce dernier arrêt a été cassé mais sur un autre motif que celui de l’articulation entre consultations récurrentes et ponctuelles).


Sous l’empire des anciennes instances représentatives du personnel, la Cour de cassation s'était déjà prononcée sur l'articulation d'une consultation récurrente avec une consultation ponctuelle en jugeant que la régularité de la seconde n'était pas subordonnée à ce que la première ait été préalablement réalisée, et ce quand bien même l'une et l'autre avaient trait au même objet, en l'occurrence la sauvegarde de l'emploi (Soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525).


Cette solution est transposable à la consultation sur les orientations stratégiques dans la mesure où elle n'est pas soumise à un régime légal distinct de celui des autres consultations récurrentes du comité social et économique.


La décision de la Cour d'appel de Paris du 3 mai 2018 est très intéressante en ce qu’elle énonce qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les consultations ponctuelles et les consultations récurrentes.


Elle énonce d’ailleurs que : « l'employeur conserve une entière liberté de soumettre tout projet ponctuel, qui n'est pas la mise en œuvre ou la déclinaison d'une stratégie générale prédéfinie, à la consultation du comité d'entreprise dès le moment où son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche de l'entreprise. La consultation sur les orientations stratégiques est indépendante de toute consultation portant, comme en l'espèce, sur un projet ponctuel de réorganisation d'un service support de l'entreprise ». Il semblerait donc que la consultation ponctuelle soit autonome de la consultation récurrente.


[Mineure] En l’espèce, la direction générale de l’entreprise « 100 Bon » s’inquiète de ne pas avoir évoqué la volonté de l’entreprise d’apporter du changement dans l’aménagement des entreprises lors de la consultation annuelle obligatoire sur les orientations stratégiques menées en octobre 2021 dernier.


En effet, lors de cette consultation, il a juste été mentionné un possible changement de « look » de l’entreprise d’ici à quelques années. Il semblerait que cela ne pose pas de problème car la consultation ponctuelle et récurrente du CSE serait a priori autonomes l’une de l’autre. De plus, lors de la consultation annuelle, l’idée d’un certain changement a quand même été envisagé, ce n’est pas totalement une surprise pour les membres du CSE.


[Conclusion] Donc, l’absence d’évocation du projet ne parait pas poser de problème pour la réalisation du projet et pour la consultation des membres du CSE.


Sarah Blondel


 
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