L'arrêt Nicolo, rendu par le Conseil d'État le 20 octobre 1989, est une décision fondamentale, car le juge administratif reconnait que les traités internationaux priment les lois, mêmes postérieures, dans l’ordre interne. Faits, procédure, prétentions, question de droit, portée juridique… Découvrez la fiche d’arrêt enrichie de l’affaire Nicolo !
Sommaire :
L’arrêt Nicolo du Conseil d’État du 20 octobre 1989 rappelle, conformément à l’article 55 de la Constitution, que les traités internationaux priment les lois, mêmes postérieures, dans l’ordre interne. À cette occasion, il se reconnaît compétent pour réaliser un contrôle de conventionnalité.
Rencontré dès la première année de droit, l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 est un incontournable lorsque vous étudiez la pyramide de Kelsen.
Pierre angulaire du contrôle de conventionnalité, cette décision doit non seulement être connue, mais vous devez établir des liens avec d’autres décisions aussi fondamentales qui portent sur le même thème de près (on pense à l’arrêt Jacques Vabre, évidemment) ou de loin (comme les arrêts Sarran ou encore Fraisse).
Pour mieux comprendre l’affaire Nicolo, nous vous proposons d’abord une rapide présentation, puis sa fiche d’arrêt et son analyse. Vous serez incollables sur les contrôles destinés à la protection de la hiérarchie des normes !
Fiche d’arrêt
La fiche d’arrêt, qui constitue, grosso modo, l’introduction du commentaire d’arrêt, est destinée à présenter une décision.
Elle se compose des faits qualifiés juridiquement, de la procédure qui a abouti à la décision, des thèses en présence*, de la question de droit et de la solution posées par la juridiction.
*Nous avons choisi cette formule qui permet d’inclure tant les moyens des parties que les motifs de la juridiction. Parfois, les enseignants demandent les motifs du juge à la suite de la procédure.
Veillez à respecter la méthodologie exigée par vos enseignants (dans l’idée, on attend tous la même chose, mais parfois, dans des ordres différents ou en utilisant des termes qui changent légèrement, et vous voilà perdus « non, mais notre prof, il attend une méthodologie spécifique »… Pas le moins du monde chers étudiants, mais soit).
Faits de l’arrêt Nicolo
Un électeur conteste les élections européennes du 18 juin 1989 pour irrégularité.
Procédure de l’arrêt Nicolo
L’électeur saisit le Conseil d’État d’une requête en annulation.
Voilà la réaction que vous devez avoir en lisant (et pas en copiant-collant) cet élément : 🤔.
Il a saisi le Conseil d’État ? Directement ? Oui, chers pépins, directement. La Haute juridiction de l’ordre administratif est compétente pour statuer en premier et dernier ressort (pas d’appel possible) en matière d’élection des représentants au Parlement européen (v. art. L. 311-3 1° du CJA).
Thèses en présence de l’arrêt Nicolo
Le requérant invoquait l’incompatibilité de la loi du 7 juillet 1977 avec le traité de Rome de 1957. Autrement dit, il mettait en exergue un conflit de normes. Il argue également que la participation de citoyens français des DOM et TOM (appelés DROM-COM aujourd’hui) rendait les élections irrégulières, car seule la métropole était visée par les textes.
Question de droit de l’arrêt Nicolo
La question de droit ne doit pas être confondue avec la problématique*. Dans l’arrêt Nicolo, le requérant demandait au juge si la participation de citoyens d’outre-mer (en tant qu’électeurs et candidats) rendait l’élection des représentants européens irrégulière.
*La problématique est une question théorique plus générale qui vous permet d’inscrire la décision dans un contexte juridique afin de la commenter et d’en tirer le sens (ce qu’elle signifie), la valeur (son intérêt), et la portée (ce qu’elle apporte juridiquement).
Solution de l’arrêt Nicolo
Le Conseil d’État répond par la négative en considérant que les textes visés incluaient bien les départements et territoires d’outre-mer qui font partie intégrante du territoire de la République qui forme une circonscription unique. Les élections ne sont pas irrégulières et la loi n’est pas en contradiction avec le Traité de Rome.
Nous vous présentons simplement la solution telle qu’elle est établie par le Conseil d’État dans sa décision. En principe, lorsque vous réalisez une « simple » fiche d’arrêt, il faut faire suivre la portée après la solution.
Étant donné que nous développons par la suite l’analyse de l’arrêt Nicolo pour vous aider à mieux comprendre comment réaliser un commentaire d’arrêt, la portée ne sera pas évoquée ici.
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Présentation de l’arrêt Nicolo
L’arrêt* Nicolo du 20 octobre 1989 est une décision par laquelle le Conseil d’État rappelle la supériorité des traités internationaux sur les lois internes, en réalisant, à l’occasion, un contrôle de conventionnalité.
**Nous utilisons le terme « arrêt » à tort, car un Conseil rend des décisions. Mais afin de fluidifier la lecture, nous continuerons cet affront. Vous êtes prévenus.
📚 Méthodologie : Pour mieux saisir un sujet, il est élémentaire de le contextualiser et de le lire de façon analytique afin d’en tirer des indices qui aident à une meilleure inscription de l’arrêt dans le contexte de vos connaissances juridiques. |
Contextualisation de l’arrêt Nicolo
Sieur Nicolo n’avait rien d’autre à faire de sa vie que d’intenter un recours devant le Conseil d’État, à l’aube d'Halloween. Le voici devant la Haute juridiction de l’ordre administratif, le 20 octobre 1989, pour une histoire d’élections européennes (mais on y reviendra, car le contexte qui nous intéresse ici n’est pas celui-ci).
Avant que la décision Nicolo soit rendue par les juges du Palais Royal*, il y avait un semi-vide juridique laissé par le Conseil constitutionnel, d’abord comblé par la Cour de cassation. Avant d’aborder ces questions de contrôle de conventionnalité, on vous propose de remonter à la source de tous ces beaux maux, la hiérarchie des normes.
*Petit synonyme pour éviter de répéter 417 fois « Conseil d’État », mais à utiliser avec parcimonie.
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Quelle est la conséquence de l’arrêt Nicolo sur la hiérarchie des normes ?
La question est très mal formulée, car il n’y a pas de « conséquence » de l’arrêt Nicolo sur la hiérarchie des normes. La décision vient simplement rappeler ce qui est déjà posé par la Constitution (art. 55) : les traités internationaux priment les lois, même si elles leur sont postérieures.
Pour saisir le contexte de l’arrêt Nicolo, il est important de rendre à César ce qui appartient à César. Sans hiérarchie des normes, cette décision n’aurait même pas lieu d’être. Pourquoi ? Parce qu’il n’y aurait tout bonnement rien à protéger, tout simplement.
La hiérarchie des normes est un concept théorisé par le juriste austro-américain Hans Kelsen (H. Kelsen, Théorie pure du droit, traduit par C. Eisenmann, LGDJ, Paris, Bruylant, Belgique, 1999). Reprise (et parfois remise en cause), cette théorie s’impose dans les ordres internes pour structurer les sources du droit.
Le grand homme a permis l’émergence d’un ordre sous forme de « pyramide » (et on ne fait pas de vilain mélange « pyramide des normes », c’est soit la pyramide d'Hans Kelsen, soit la hiérarchie des normes, chers étudiants en droit).
Le système juridique est cohérent et la hiérarchisation s’impose comme un critère de l’État de droit (cet État soumis au droit, ce qui permet d’éviter, entre autres, l’arbitraire, mais ce n’est pas le sujet).
C’est parce qu’au sein même des sources qui composent l’ordre juridique qu’une hiérarchisation existe, qu’il existe une forme de sécurité juridique qui aboutit à assurer cet État de droit (la réalité étant beaucoup plus complexe, notamment avec les questions de circonstances exceptionnelles, mais, une fois encore, ce n’est pas le sujet).
Pour faire court, chaque norme est valide, car elle tire sa légitimité de la norme supérieure, en sachant qu’au sommet de notre triangle se trouve la Constitution, qui est hypothétiquement valide (il n’a pas été cherché très loin, le petit Hans ! La réalité étant que c’est plus complexe et sa légitimité est généralement tirée de son processus d’élaboration, ce qui vous renvoie à vos cours de droit constitutionnel. Tout est lié. Tout. Ce n’est pas un complot, pas du tout).
Pour en revenir à nos petits agneaux, si la décision Nicolo a vu le jour, c’est entre autres parce qu’il est bien beau d’avoir dessiné une jolie pyramide sur papier, mais il faut encore qu’elle soit respectée en pratique.
Donc, pour assurer l’effectivité du respect de la hiérarchisation des normes, des contrôles doivent être opérés*.
💡 Bon à savoir : parce qu’un rappel de cours ne fait jamais de mal, il existe trois types de contrôles.
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L’arrêt Nicolo met en évidence la nécessité d’un contrôle de conventionnalité lorsqu’il y a conflit entre une loi et une norme « conventionnelle » (c’est-à-dire internationale, comme un traité ou une convention).
Vous comprenez, maintenant, pourquoi on parle de « contrôle de conventionnalité » ? Il faut analyser les termes pour en saisir le sens profond, c’est toute la beauté du droit !
Quels liens entre les décisions Nicolo, Jacques Vabre et IVG ?
Alors, quels liens doit-on établir entre Nicolo et les décisions :
- IVG du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975 ;
- Jacques Vabre de la Cour de cassation du 24 mai 1975.
Dans la première décision, les Sages ont refusé d’opérer un contrôle de conventionnalité des lois. En effet, d’après le Conseil constitutionnel, la procédure de contrôle a priori* n’ouvre pas droit à se prononcer sur la conventionnalité d’une loi.
Bien que l’article 55 de la Constitution affirme la supériorité des traités aux lois, il n’implique pas que le respect de ce principe puisse être assuré dans le cadre du contrôle de constitutionnalité qui limiterait l’effectivité des traités internationaux dont l’applicabilité ne dépend pas exclusivement de l’ordre interne.
Or, une loi contraire à un traité n’est pas forcément contraire à la Constitution. Par conséquent, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou accord international.
*Lorsque vous voyez cette expression, vous devez faire le lien avec l’article 61 de la Constitution et ce fameux contrôle de constitutionnalité avant promulgation de la loi.
Et là, naturellement, vous vous dites, « ça alors, mais qui est compétent pour le faire ? 🧐 »
C’est là qu’intervient la Cour de cassation, 5 mois après, pour combler un vide abyssal, laissé par les juges constitutionnels. Depuis le 24 mai 1975, il est acquis que le juge ordinaire peut réaliser un contrôle de conventionnalité et sanctionner, le cas échéant, une loi qui violerait un traité international.
Il a fallu attendre plus de 12 ans pour que le Conseil d’État prenne la même position (apparemment, il n’était pas pressé celui-ci, contrairement aux juges du Quai de l’Horloge).
On pourrait et devrait faire un lien avec les arrêts Sarran (Conseil d’État, 30 octobre 1998) et Fraisse (Cour de cassation, 2 juin 2000), qui affirment la primauté de la Constitution sur les traités internationaux dans l’ordre interne, mais on y reviendra plus tard.
Lecture analytique de l’arrêt Nicolo
Par lecture analytique, nous vous proposons d’analyser les contours de la décision afin de mieux saisir la thématique avant même d’analyser l’arrêt plus en profondeur. La forme dans les grandes lignes, avec l’en-tête, puis le fond, globalement en regardant les considérants identifiés comme « importants ».
L’en-tête
Lorsque l’on évoque « en-tête » de la décision, nous vous invitons à scruter les informations suivantes :
Conseil d’État - ASSEMBLÉE statuant au contentieux ;
N° 108243 ;
Publié au recueil Lebon ;
Lecture du vendredi 20 octobre 1989 ;
Président M. Long ;
Rapporteur M. de Montgolfier ;
Commissaire du gouvernement M. Frydman ;
VISAS.
Oh, mais que d’informations intéressantes ici. Décortiquons à la loupe tels les Enola et Sherlock en puissance que nous sommes 🧐.
Conseil d’État → juridiction qui a rendu la décision. On comprend que c’est un litige en matière administratif qui a été soulevé ;
Assemblée statuant au contentieux → formation de jugement solennelle du Conseil d’État*, on comprend que la décision rendue revêt une importance particulière.
*Elle est composée de 17 juges.
N° 108243 → RÀS pour le numéro de pourvoi ;
Publié au Lebon → information qui appuie l’idée selon laquelle la décision est importante ;
20 octobre 1989 → une date, on en fait quoi ? On la lit avec attention pour contextualiser notre décision, c’est fondamental de savoir resituer un arrêt dans un contexte temporel, car le droit évolue et on n’est jamais à l’abri d’un revirement de jurisprudence. N’est-ce pas intéressant de pouvoir le mettre en évidence lorsqu’il survient ?
D’ailleurs, n’est-ce pas une question à soulever en l’espèce, par rapport à l’arrêt des Semoules notamment (CE, 1ᵉʳ mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France) ?
Non, pas exactement. Il y avait un problème de constitutionnalité soulevé dans l’espèce des Semoules, donc difficile pour le juge administratif de se prononcer, conformément à sa jurisprudence antérieure (CE, 6 novembre 1936, Arrighi). Au moins, les juges du Palais Royal restent fidèles à leur jurisprudence, on ne peut pas le leur reprocher.
Président → RÀS il s’agit du magistrat qui a présidé la séance. Vous n’aurez pas grand-chose à faire de cette information, sauf si vous désirez lui envoyer des fleurs (même s’il est peut-être trop tard pour cette espèce) ;
Rapporteur → il s’agit du magistrat qui a instruit l’affaire. Là encore, vous n’aurez que faire de cet élément ;
Commissaire du gouvernement* → là, ça devient intéressant. Il s’agit d’un intervenant qui donne son avis sur l’affaire dans un rapport. On parle des « conclusions » du commissaire du gouvernement.
Vous pouvez parfois trouver ces conclusions, ce qui est très intéressant pour mieux saisir les implications d’une affaire. Faire du droit, c’est être curieux, chercher, trouver, approfondir. Pas juste prendre des notes comme un robot en CM et chercher 2 ou 3 réponses sur ChatGPT.
*Pour ne pas faciliter les choses, vous trouverez aujourd’hui la mention « rapporteur public » qui fait référence à ce qu’était le commissaire du gouvernement à l’époque.
VISAS → la décision en comporte de nombreux. Les visas sont tous les éléments qui commencent par « vu ».
Le juge établit tous les éléments de droit et de faits sur lesquels il fonde sa décision. Pour vous, chers étudiants en quête d’indices, il s’agira surtout de vous intéresser aux fondements juridiques (et éventuellement d’aller les lire).
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