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[COURS] Pyramide de Kelsen et hiérarchie des normes


La pyramide de Kelsen, et non pas la pyramide de Khéops, a été théorisée par Hans Kelsen. Même si elle ne fait pas partie des sept merveilles du monde, cette pyramide est une des merveilles du droit : un principe fondamental dont la compréhension vous facilitera grandement la tâche dans vos révisions de cours. En effet, autour de cette théorie gravite un certain nombre de notions très importantes comme la Constitution, les directives, les règlements, etc.🔺

 

Sommaire :


 

La pyramide de Kelsen établit une hiérarchie des normes juridiques, les classant selon leur niveau d'autorité. Chaque norme doit être en conformité avec celle qui la surplombe dans la hiérarchie. 

De cette théorie découle le concept de la hiérarchie des normes, où la Constitution et le bloc de constitutionnalité occupent le sommet.


Cette théorie permet de hiérarchiser les différentes normes dans des blocs (étages, couches, niveaux, etc.) en fonction de la qualité de leur auteur (constituants, législateurs, autorités administratives…).


Selon Gérard Cornu, dans son ouvrage Vocabulaire juridique, association Henri Capitant, les normes sont « dans la théorie de Kelsen, des éléments coordonnés et hiérarchisés qui constituent un système de droit ou ordonnancement juridique, dans lequel les normes supérieures engendrent directement les normes inférieures ».


Pour protéger cet ordre, il existe un contrôle de conformité qui peut s’exercer de différentes manières. Alors, prêt à devenir incollable sur cette notion de cours d'Introduction au droit ?


❤️ Le saviez-vous ? Certains professeurs et juristes distinguent les notions « norme » et « règle » ; ici, elles seront utilisées comme des synonymes pour ne pas vous mélanger les pinceaux.

C’est quoi la pyramide de Kelsen ?


🖐 La pyramide de Hans Kelsen est une hiérarchisation (ou un classement) des normes juridiques dans laquelle chaque norme est nécessairement conforme à la norme supérieure pour être applicable.

Au sommet de la pyramide de Kelsen se trouvent la Constitution et le bloc de constitutionnalité. Puis se trouve en dessous le bloc de conventionnalité, puis le bloc de légalité et tout en bas le bloc réglementaire.


pyramide normes Hans Kelsen
La hiérarchie de Hans Kelsen

A - Qui est Hans Kelsen ?


Hans Kelsen, né le 11 octobre 1881 à Prague, est un philosophe, avocat, juge et professeur d’université (rien que ça !). Il est à l’origine du normativisme, un courant de pensée qui prône une vision du droit objective et rationnelle où toutes les normes sont hiérarchisées entre elles. C’est l’idée du rationalisme et du positivisme juridique. Toute sa pensée, Hans Kelsen l’a écrit dans plusieurs ouvrages, dont le plus notable est sans doute La théorie pure du droit, publié en 1933.


B - Un principe fondamental du droit français


Cette théorie est souvent schématisée sous forme pyramidale : une représentation schématique de l’ordonnancement juridique avec un sommet comprenant les normes fondamentales auxquelles toutes les autres doivent se conformer. La hiérarchie des normes est une notion fondamentale dans le droit français et il est très important de le connaître. En effet, tout le système juridique français se fonde sur cette hiérarchie.


C - Quel critère pour instaurer cette hiérarchie des normes ?


Le principal critère est organique, c'est-à-dire que les normes sont hiérarchisées en fonction de leur auteur (les constituants, les législateurs, les autorités administratives, etc.).


Il existe également le critère matériel. Critère plus complexe que le premier, il s’agit de s’intéresser à la norme en elle-même : À quoi s’intéresse-t-elle ? De quel sujet traite-t-elle ? Il faut voir s’il s’agit d’une règle générale (les lois par exemple) ou une règle individuelle (un arrêté de nomination d’un fonctionnaire par exemple). Ce critère est souvent considéré comme subsidiaire par rapport au premier.


Selon le juriste Hans Kelsen, toute norme juridique reçoit sa validité d'une norme supérieure, d'où la conception pyramidale. Il ne s'intérésse pas au critère substanciel et se rattache au courant normativiste, selon lequel une loi est valide seulement lorsqu'elle respecte les conditions d'édictions de la norme supérieure. En l'occurence, celles de la Constitution.

❤️ Le saviez-vous ? Initialement, Hans Kelsen avait avancé l'idée d'une norme fondamentale, comme fondement de tout ordre juridique, appelée Grundnorm. Au sens juridique, celle-ci n'existe pas. Il s'agit d'une théorie qui permet simplement de comprendre que tout ordre juridique est valide du fait de l'existence d'une norme fondamentale. En France, c'est bien la Constitution qui est au sommet de l'ordre juridique.

Pourquoi ne pas prendre la conception de Hans Kelsen ? Il y a plusieurs raisons à cela, tout d’abord, Hans Kelsen ne se fonde pas sur le système juridique français dans ses ouvrages, et ne prend donc pas en compte les spécificités françaises.

Ensuite, à l’époque où il a décrit la théorie de la pyramide des normes, le monde n’était pas celui qu’on connaît aujourd’hui (par exemple, il n’existait pas d’Union européenne). Les différentes conceptions aujourd’hui retenues par la doctrine française ne sont que l’adaptation de cette théorie de la hiérarchie des normes.



I/ Les différentes normes qui composent la pyramide de Kelsen


A - Pourquoi hiérarchiser les normes ?


🤷‍♂️ L’organisation, la structuration et la hiérarchisation sont les maîtres mots de cette théorie. A notre époque, chaque année, des centaines de projets de propositions de lois sont discutées et votées, des traités internationaux sont signés, des milliers de décrets et d’arrêtés sont pris. Il est parfois difficile de s’y retrouver face à tant de normes différentes, tant pour les citoyens que pour les pouvoirs publics.


La théorie de la hiérarchie des normes de Kelsen vient de cette idée de structurer le droit pour mieux le comprendre et l’appliquer. Cette organisation protège l’État de droit et assure la sécurité juridique [Ndlr : voir une dissertation corrigée sur la valeur juridique du principe de la sécurité juridique].


Avoir une organisation des normes permet de savoir lesquelles utiliser dans quelles circonstances, mais surtout de savoir ce qu’il faut faire en cas de normes contradictoires. Cette pyramide permet de résoudre les conflits de normes, ce qui n'est pas sans utilité quand on sait à quel point elles sont nombreuses !

💡 Bon à savoir :

C’est quoi la sécurité juridique ? Il n’existe pas vraiment de définition officielle de ce qu’est la sécurité juridique. Il existe une sécurité juridique dans un pays lorsque les normes sont stables (elles ne doivent pas changer tous les quatre matins), elles sont accessibles pas les citoyens et elles ne sont pas contradictoires entre elles (d’où l’utilité de la pyramide). Le citoyen doit pouvoir se reposer sur les différentes règles sans s’inquiéter. En permettant de résoudre les conflits de lois, la pyramide des normes assure donc une certaine sécurité juridique.


C’est quoi l’État de droit ? L’État de droit est intimement lié à la hiérarchie des normes. En effet, l’idée d’un État de droit a aussi été théorisée par Hans Kelsen. Il le définit comme tel : c’est un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée ». Un État de droit est un régime politique dans lequel l'État se soumet au droit qu'il édicte. Ce concept s'oppose à la notion de pouvoir arbitraire. Il est donc possible de déduire que sans hiérarchie des normes, un État de droit ne peut exister.

Une hiérarchie des normes serait totalement inefficace s’il n’existait pas de contrôle efficace. Un contrôle de conformité des normes inférieures vis-à-vis des normes supérieures est effectué par différents organes afin de faire respecter cette hiérarchie. Si une norme n’est pas conforme, elle sera soit écartée ou abrogée en fonction du type de contrôle.


Pamplemousse magazine a retenu une conception de la pyramide en quatre étages (Hé oui, il en existe d’autres sinon ça serait trop simple, mais ça on en reparle dans la suite de l’article) :

  • Au sommet, le bloc de constitutionnalité

  • Au troisième étage, le bloc de conventionnalité

  • Au deuxième étage, le bloc de légalité

  • Au 1er étage (ou le rez-de-chaussée) le bloc réglementaire

💡 Petite astuce vitaminée : N’hésitez surtout pas à imager vos cours avec des graphiques et des schémas. Par exemple, la pyramide de Kelsen, une notion vue donc en cours d'Introduction au droit, se comprend et se retient beaucoup plus facilement lorsqu’elle est imagée.

B - Le bloc de constitutionnalité


De nombreux pays appliquent la théorie de la hiérarchie des normes et donc les principes issus de la pyramide de Kelsen.


En France, la Constitution de la Vème République du 4 octobre 1958 constitue le sommet de la pyramide.


La Constitution est soumise au droit international comme en dispose l'alinéa 14 du Préambule de la Constitution : « la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international », qui a valeur constitutionelle.


Le texte même de la Constitution est composé de 89 articles.


Depuis la décision du 16 juillet 1971 « liberté d’association » du Conseil constitutionnel, le panel du contrôle des juges Constitutionnels s’est élargi. Par cette décision, le Conseil constitutionnel ne contrôle plus la constitutionnalité des lois par rapport aux seuls 89 articles, mais aussi par rapport au préambule de la Constitution. Ce dernier fait référence au préambule de la Constitution de la IVème République du 27 octobre 1946 et à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789.


Plus tard, viendra s’ajouter dans ce préambule la Charte de l’environnement de 2004.


Ce bloc de constitutionnalité constitue le sommet de la pyramide et les normes le composant sont donc les normes suprêmes. D'ailleurs, le concept du bloc de constitutionnalité a été particulièrement repris par Louis Favoreu, qui s'inspirait du bloc de légalité.

Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »

1. La Constitution du 4 octobre 1958


La Constitution du 4 octobre 1958 est celle qui fonde la Vème République. La Constitution regroupe les règles fondamentales « fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent en lui imposant des limitations », Gérard Cornu, association Henri Capitant, Vocabulaire juridique. Le socle de règles qui régit les pouvoirs publics se trouve donc dans ce texte.


2. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen


La DDHC du 26 août 1789 est un des premiers textes reconnaissant les libertés naturelles et citoyennes des Hommes. Ce texte inspirera par la suite la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 rédigée par René Cassin. C’est la déclaration qui vaut à la France d’être appelée « le pays des droits de l’Homme ».


Mais que trouve-t-on dans cette déclaration ?

La DDHC est composée de 17 articles portant sur les droits naturels de l’Homme (listés dans l’article 2, et détaillés dans les articles 3 à 6) et sur les droits des citoyens. Les droits naturels sont la propriété, la sûreté et la liberté. Ils sont dits naturels car ces droits existaient bien avant l’apparition de quelconque société. Ils sont inhérents à la qualité d’être humain. Les droits du citoyen ne sont pas naturels car ils supposent que la société soit déjà constituée. Ce sont des droits politiques qui ont pour but de surveiller ou prévenir les déformations qui pourraient corrompre la société. Ce sont des droits qui permettent de limiter le pouvoir de l’État.

💡 Petit conseil : En troisième année de licence de droit dans la plupart des facultés, se tient un cours intitulé « libertés fondamentales » ou « libertés publiques ». Pamplemousse vous conseille fortement de prendre ce cours même si vous êtes privatiste ! Ce cours prépare au grand oral pour l’examen du CRFPA (pour devenir avocat) et à d’autres concours juridiques.

3. Le Préambule de la Constitution de 1946


La Constitution du 27 octobre 1946 n’aura pas duré très longtemps à l’échelle de l’histoire de la France (seulement 12 ans), mais elle aura laissé derrière elle un des textes les plus importants en matière de libertés publiques : son préambule.


Composé de 18 alinéas, ce texte proclame les principes particulièrement nécessaires à notre temps (PPNT) et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR).


Alinéa 1 et 2 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « 1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. 2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après »


C’est quoi les PFRLR ? Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (essayez de le répéter 10 fois le plus vite possible !). Locution un peu mystérieuse utilisée par les constituants de 1946.


Cette notion avait d'abord été introduite par le Conseil d'état dans l'arrêt du 11 juillet 1956 « Amicales des annamites de Paris » puis par le Conseil Constitutionnel dans sa décision « liberté d’association » du 16 juillet 1971.


Du coup, qu’est-ce que c’est ? Malheureusement (sinon ça serait trop facile), il n’y a pas de définition précise. Le Conseil constitutionnel en a dégagé 11 depuis 1971.

Dans la décision « lois d’amnistie » du 20 juillet 1988 du Conseil constitutionnel, ce dernier liste trois critères pour qu’un principe soit reconnu comme un PFRLR :

  • Il faut qu’il soit issu d’une loi républicaine, ce qui exclut les lois votées sous le régime de Vichy (1940-1944).

  • Il faut que cette législation soit intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution du 27 octobre 1946.

  • Cette législation doit avoir été appliquée de manière continue et sans exception.


Le Conseil constitutionnel dégagera un quatrième critère dans sa décision « mariage des personnes de même sexe » du 17 mai 2013. Une loi peut constituer un PFRLR si et seulement si elle intéresse les droits et libertés fondamentales, la souveraineté nationale [Ndlr : voir une dissertation corrigée sur la souverainteré et sa compatibilité avec l'État de droit] ou l’organisation du pouvoir public.

❤️ Le saviez-vous ?Les opposants de la loi pour le mariage pour tous soutenaient que le mariage entre une femme et un homme était un PFRLR. De ce fait, ils demandaient au Conseil constitutionnel de déclarer inconstitutionelle la loi qui autorise le mariage entre les personnes de même sexe car contredisant le prétendu PFRLR. Cependant, le Conseil constitutionnel écarte cette allégation dans sa décision de 2013. Le mariage entre un homme et une femme n’est donc pas un PFRLR car il ne concerne ni les droits et libertés fondamentales, ni la souveraineté nationale, ni l’organisation des pouvoirs publics.

Les PPNT c’est quoi ? Les principes particulièrement nécessaires à notre temps, vous avez suivi ? Moins de difficulté avec cette notion qu’avec les PFRLR, les PPNT sont listés dans les alinéas 3 à 18 du préambule de la Constitution de 1946. Il existe une liste exhaustive.


Il est possible de dégager trois types de PPNT : ceux qui viennent préciser et compléter les concepts dégagés par la DDHC de 1789, ceux qui consacrent les droits économiques et sociaux et pour finir ceux relatifs au droit international.


4. La Charte de l’environnement


Dans le bloc de constitutionnalité se trouve aussi la Charte de l’environnement qui est le texte le plus récent parmi toutes les normes énoncées précédemment. La Charte de l’environnement, adoptée le 24 juin 2004 et promulguée le 1er mars 2005 (c’est aussi à cette date qu’elle bénéficie de la valeur constitutionnelle, elle a été intégrée au bloc de constitutionnalité), est un texte composé de 10 articles protégeant les droits et principes fondamentaux relatifs à l’environnement.


L’objectif était d’inscrire “une écologie humaniste au cœur de notre pacte républicain, par l'adoption [de cette] Charte (...) adossée à la Constitution” (projet de loi constitutionnelle n° 992 relatif à la Charte de l'environnement ).


5. Les objectifs à valeur constitutionnelle


Les objectifs à valeur constitutionnelle (OVC) sont des objectifs dégagés par le Conseil constitutionnel aux fins d’orienter le législateur et font aussi partie du bloc de constitutionnalité.


Les OVC sont des outils utilisés par le Conseil constitutionnel afin de limiter ou de concilier certaines libertés ou principes protégés Constitutionnellement. Par exemple, pendant la période de pandémie, l’objectif de protection de la santé publique légitimait la restriction de certaines libertés, telles que celle d’aller et venir. Ce n’est pas une norme mais une orientation vers laquelle le législateur est obligé d’aller. Quelques exemples d’OVC :

  • La protection de la santé (Cons. const. 16 mai 2012)

  • La lutte contre la fraude fiscale (Cons. const. 29 déc. 1999)

💡 Bon à savoir : Si vous voulez en savoir plus à ce propos, une professeure a conseillé les travaux de V. P De Montalivet. Il s'agit d'une thèse, que vous pouvez consulter pour approfondir le sujet.

6. Les principes à valeur Constitutionnelle :


Un principe à valeur constitutionnelle est un principe dégagé par le Conseil constitutionnel, tiré de textes à valeur Constitutionnelle. Ils sont nés de la jurisprudence dudit Conseil/Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori et a posteriori (ces deux types de contrôle seront expliqués un peu plus tard dans l’article) !


Voici quelques exemples de PVC :

  • La liberté d'entreprendre (Cons. const. 16 janv. 1982)

  • La liberté d'aller et de venir (Cons. const. 12 juill. 1979)

  • La fraternité (Cons. const. 6 juill. 2018)


 
 

C - Le bloc de conventionnalité


Le bloc de conventionnalité, au troisième étage de la pyramide de Kelsen, comprend les traités internationaux signés et ratifiés par la France.


Il faut aussi rajouter à cela les traités européens, et surtout, ceux de l’Union européenne. Il est possible de déduire que le bloc de conventionnalité se situe en dessous de la Constitution en raison de l’article 54 de cette dernière.

Article 54 de la Constitution : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. »

1. Les traités internationaux


Les traités internationaux sont des textes ratifiés par des États signataires afin que ceux-ci aient des effets juridiques dans l’ordre interne (dans le pays). Il s’agit par exemple de la très célèbre Convention européen de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH), ratifiée par la France le 3 mai 1974. Cette convention a été signée par 46 États (la Russie a cessé d’être membre du Conseil de l’Europe, et de ce fait, de la CESDH également).


📺 Point actualité : « Les députés russes ont adopté mardi 7 juin en troisième et dernière lecture une loi autorisant la Russie à ne plus appliquer les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), après l'exclusion du pays du Conseil de l'Europe en mars » - Le Figaro.


Au texte de la CESDH, il faut également ajouter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui veille au respect de l’application de la convention par les États signataires.

Article 19 de la convention : « Afin d'assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la présente Convention et de ses protocoles, il est institué une Cour européenne des Droits de l'Homme ».

La CEDH peut être saisie par des particuliers lorsque ceux-ci sont victimes d’une violation des droits protégés par la Convention par l’Etat. Elle peut également être saisie par un Etat lorsque celui-ci considère qu’un autre État signataire viole la CEDSH (ce recours n’a quasiment jamais été utilisé). Chaque arrêt rendu par la Cour a une force obligatoire pour tous les Etats (et pas seulement celui concerné par l’arrêt), c’est ce qu’énonce l’article 46 de la Convention.


💡 Attention chers pépins, il ne faut surtout pas confondre : CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il s’agit de la juridiction.

CESDH : Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Il s’agit du texte protégé par la CEDH.


2. Le droit de l’Union européenne

Le droit européen n’est pas à négliger car il représente une part très importante du droit interne (le droit français). Dans l’ordre juridique européen, il est possible de distinguer le droit primaire et le droit dérivé.


Le droit primaire représente les traités fondateurs de l’Union européenne, ceux qui régissent son fonctionnement et ses organes. Parmi eux, on peut citer le Traité de Lisbonne signé en 2007 (le dernier grand traité modifiant profondément l’Union) ou encore le très célèbre (mais imprononçable) Traité de Maastricht signé en 1992.


Le droit dérivé est quant à lui un peu plus fourni, il s’agit exclusivement de normes juridiques prises par les organes de l’Union européenne. Parmi elles, les règlements et les directives sont les plus importants. Le règlement est un acte juridique européen ayant une portée générale et il est directement applicable dans tous les États membres. Il n’est pas nécessaire que les États membres interviennent en adoptant une loi de transposition au contraire des directives.

Ces dernières n’ont pas d’effet direct et lient les Etats membres quant aux résultats attendus. Les Etats membres doivent transposer la directive dans leur propre ordre juridique interne via une loi de transposition.


Il est également important de souligner la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dont l’objectif est de garantir « le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités ». Tout comme la CEDH, lorsqu’un arrêt est rendu à l’encontre d’un État membre, il concerne également les autres États membres.


D - Le bloc de légalité


Le bloc de légalité comprend tous les types de loi qui existent. La loi a toujours eu une importance considérable en France. En témoigne les articles 4 et 6 de la DDHC : « [les bornes aux libertés] ne peuvent être déterminées que par la Loi » et « La Loi est l'expression de la volonté générale ».


Seulement la loi et le législateur ont perdu de leur magnificence au fil des siècles, et de nombreux auteurs soulignent un déclin substantiel de la loi. Il n’empêche que le bloc de légalité est au deuxième étage de la pyramide. Ce bloc est sûrement celui qui touche le plus directement les Français en ce que de nouvelles lois sont discutées ou votées chaque jour et qu’elles rythment le quotidien de l’actualité. Parmi les dizaines de milliers de lois qui sont actuellement en vigueur en France, il y en a plusieurs types : les lois organiques, les lois référendaires, les lois ordinaires et les ordonnances et sous certaines conditions les ordonnances.

❤️ Le saviez-vous ? Selon le site vie-publique.fr, au 25 janvier 2019, il existait 84 619 articles législatifs en vigueur. Ce chiffre colossal, car il faut le rappeler « nul n’est censé ignorer la loi », est continuellement en hausse chaque année, c’est l’inflation législative.

1. Les lois organiques


Une loi organique a pour objectif de régir l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics en fonction de ce qui est écrit dans la Constitution. La Constitution fait directement référence à ces lois organiques. Selon le site de la vie-publique.fr : « Trente-et-un articles de la Constitution renvoient à des lois organiques afin de préciser certaines dispositions du texte ». Le processus d’adoption de ces lois est régi par l’article 46 de la Constitution.

Article 46 de la Constitution : « Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes : Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. La procédure de l'article 45 est applicable. Toutefois, faute d'accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres. Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution. »

Dans certaines conceptions de la pyramide de Kelsen, les lois organiques forment en elles-mêmes un étage et se trouvent au-dessus du bloc de légalité.


2. Les lois référendaires


Les lois référendaires sont celles qui sont adoptées après une proposition directe au peuple d’un projet de loi. Elles sont donc issues d’un référendum. Un référendum est un mécanisme par lequel le peuple se positionne par rapport à un projet législatif ou constitutionnel. Les citoyens en âge de voter peuvent répondre soit par oui, soit par non. De ce fait, le projet est soit approuvé, soit rejeté.


Les lois référendaires sont régies par l’article 11 de la Constitution et ne peuvent concerner que la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

❤️ Le saviez-vous ?9 référendums ont été organisés en France depuis l’instauration de la 5ème République. Le général Charles de Gaulle a beaucoup utilisé cette pratique (4 des 9 référendums ont été organisés sous son impulsion).

3. Les lois ordinaires


Les lois ordinaires sont les plus nombreuses Ce sont les lois qui sont issues du Parlement et portent sur le domaine de l’article 34 de la Constitution et qui suivent, pour être votées, la procédure de la navette parlementaire.


4. Les ordonnances

Les ordonnances sont de plus en plus nombreuses ces dernières années, et ont été un élément crucial pour faire passer des textes pendant la période de la pandémie de la Covid-19. Les ordonnances sont des textes votés et décidés par le gouvernement après le vote de loi d’habilitation par le Parlement délimitant leur compétence. Les ordonnances ne respectent pas le processus de la navette parlementaire (c’est le processus classique d’édiction d’une loi) : elles sont donc beaucoup plus rapides à être votées. Le régime des ordonnances est prévu à l’article 38 de la Constitution.

Article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »

Les ordonnances sont un peu un cas particulier dans la pyramide de Kelsen car leur place dans la pyramide est susceptible d’évolution. Pour que les ordonnances aient une valeur législative, il faut qu’une loi de ratification soit votée par le Parlement. Avant le dépôt d’une loi de ratification, les ordonnances n’ont donc qu’une valeur réglementaire car c’est un texte qui provient de l’exécutif. En l’absence de dépôt, et une fois que le délai instauré par la loi d’habilitation a expiré, elles n’ont plus de valeur juridique, elles sont abrogées automatiquement. Après le vote de la loi de ratification, les ordonnances obtiennent le précieux sésame, leur permettant d’avoir une valeur législative et d’ainsi se situer au deuxième étage de la hiérarchie des normes.


E - Le bloc réglementaire


Selon Vocabulaire juridique de Gérard Cornu, association Henri Capitant (et oui encore lui), un règlement est un « texte de portée générale émanant de l’autorité exécutive par opposition à la loi votée par les assemblées législatives ». C’est le bas de la pyramide. Les normes appartenant au bloc réglementaire doivent donc respecter le bloc de constitutionnalité, le bloc de conventionnalité et le bloc de légalité. Les règlements qui émanent du gouvernement sont prévus à l’article 37 de la Constitution.

Article 37 de la Constitution : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent. »

Vous vous doutez bien qu’il n’y a pas qu’un seul type de règlement !


1. Les décrets


Les décrets sont des règlements unilatéraux pris par le président de la République et par le Premier ministre. Les décrets peuvent poser des règles impersonnelles et générales (par exemple des décrets qui viennent préciser et/ou compléter une loi). Les règlements peuvent également être individuels, par exemple certains fonctionnaires sont nominés par décret. Il existe différents types de décrets en fonction de la procédure à suivre.


  • Décrets délibérés en conseil des ministres :

Les décrets délibérés en Conseil des ministres sont sans doute les plus importants car ils sont signés par le président de la République. Il est possible de les reconnaître par la mention au visa du texte : « le conseil des ministres entendu ».


  • Décrets pris sur avis en conseil d’Etat :

Ils sont signés par le Premier ministre mais pour qu’ils soient valables, ils doivent être pris après avis du Conseil d’Etat. A noter que c’est un avis facultatif mais que bien souvent, le gouvernement suit cet avis. Au visa du texte, il y aura la mention : « le Conseil d’État entendu ».


  • Décret simple :

Les décrets simples sont, eux aussi, signés par le Premier ministre, ce sont les plus nombreux, car moins contraignants au niveau de la procédure. Ils ne sont pas soumis à un avis du Conseil d'État mais le gouvernement peut toutefois décider d’y avoir recours.


2. Les arrêtés


Les arrêtés sont des règlements qui sont pris par des autorités administratives, telles que les maires, les ministres, le Premier ministre ou les préfets. Tout comme les décrets, les arrêtés peuvent être généraux ou individuels.


3. Quid des directives administratives et des circulaires ?


Les directives administratives (pas les directives européennes, attention à ne pas se tromper) et les circulaires sont très souvent oubliées, pourtant il s’agit bien de règlement, d’actes administratifs. Ils sont pris par une autorité administrative. Leur valeur juridique fait souvent débat, notamment en raison de leur force juridique, s’ils font grief ou non (cette question n’est pas très importante pour la pyramide de Kelsen, mais elle l’est plus pour comprendre d’autres notions, telles que le recours pour excès de pouvoir. N’hésitez pas à contacter Pamplemousse Magazine si vous souhaitez un article sur ce sujet).


Les directives administratives sont destinées aux agents administratifs et aux fonctionnaires pour les orienter et donner la marche à suivre. Une circulaire est un acte par lequel un chef de service administratif va exposer à ses agents le contenu et la signification d’une nouvelle loi et leur décrire les conclusions qu’il en faut en tirer. En principe, une circulaire n’est qu’un texte d’explication.

💡 Bon à savoir : Nous avons sur le site une fiche d'arrêt enrichie de l'arrêt Sarran abordant la notion de hiérarchie des normes.

F - La jurisprudence au sein de la pyramide de Kelsen ?


Vous l’aurez sûrement remarqué, où se trouve la jurisprudence ? Il est intéressant de rappeler que la France correspond à un système de « civil law » et non de « common law » qui est le modèle adopté par les pays anglo-saxon. Un des principes fondamentaux de la « common law » est la règle du précédent, c'est-à-dire que les décisions de justice forme une véritable règle de droit qui doit être suivie par les juridictions inférieures. En France, il n’existe pas de règle du précédent : les juges ne sont pas obligés de suivre les décisions précédentes. De ce fait, la position de la jurisprudence est forcément à relativiser. Cependant les décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat sont très largement suivies (sauf à de rares exceptions) par les juges du premier et second degré.


Nous avons déjà parlé de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui fait partie du bloc de constitutionnalité. La jurisprudence de CJUE et de CEDH fait partie du bloc conventionnel.


Mais qu’en est-il des jurisprudences des juridictions du fond ? Le juge administratif, au contraire du juge judiciaire, est celui qui est le garant de la légalité des actes administratifs, il a le pouvoir de les annuler si ceux-ci ne respectent pas la Constitution, les traités internationaux ou encore la loi. De ce fait, il est possible de classer la jurisprudence des juges administratifs au-dessus du bloc réglementaire. [Ndlr : voir une dissertation corrigée sur les principes généraux du droit et le pouvoir créateur du juge].



II/ Le contrôle de conformité de cette hiérarchie


🔍 À quoi servirait une hiérarchie des normes s’il n’y avait aucun mécanisme pour contrôler son respect ? Il est impératif pour un Etat de droit fort de faire en sorte que la pyramide soit respectée afin de garantir la sécurité juridique. Il existe en France trois contrôles afin de garantir cette hiérarchie.


A - Qui contrôle le respect de la hiérarchie des normes ?


Dans la mesure où qu’il y a trois types de contrôles, ce sont trois « organes » qui sont chargés de cette mission :

  • 🔎 Le contrôle de constitutionnalité : ce sont les juges constitutionnels (aussi appelés les sages) qui sont chargés de vérifier si les lois sont conformes au bloc de constitutionnalité.

  • 🔎 Le contrôle de conventionnalité : ce sont les juges judiciaires et administratifs qui sont chargés de contrôler la conformité des lois par rapport aux traités internationaux.

  • 🔎 Le contrôle de légalité : cela a déjà été abordé brièvement dans les paragraphes précédents, c’est le juge administratif qui s’occupe de contrôler la conformité des règlements (ou actes administratifs) vis-à-vis des textes supérieurs.

Il est donc possible de conclure que les trois « organes » en charge du contrôle sont :

  • L’intégralité des juges administratifs

  • L’intégralité des juges judiciaires

  • Les juges du Conseil constitutionnel


Les magistrats sont les garants de la hiérarchie des normes (qu’est-ce qu’on ferait sans eux !).

💡 Bon à savoir : Nous avons sur le site une fiche d'arrêt enrichie de l'arrêt Nicolo abordant la notion de hiérarchie des normes.

B - Le contrôle de constitutionnalité


Le contrôle de constitutionnalité, c’est vérifier que les normes inférieures sont conformes aux normes fondamentales issues du bloc de constitutionnalité.


1. Le Conseil constitutionnel et ses sages

Il n’a pas été évident pour la France de mettre en place un contrôle de constitutionnalité. En effet, ce n’est qu’à partir de la quatrième République (article 91 de la Constitution de 1946) qu’est instauré un contrôle de conformité des lois par rapport à la Constitution, alors que ce type de contrôle existait depuis plus d’une centaine d’années aux Etats-Unis. Il a existé pendant très longtemps l’idée du mythe de la toute-puissance de la loi car elle est l’expression de la volonté générale. Il y a eu également pendant très longtemps une grande méfiance vis-à-vis des juges (à cause des abus de l’ancien régime). C’est à cause de cette méfiance et de cette suprématie de la loi que le contrôle de constitutionnalité a mis aussi longtemps à être mis en place.


Dans l’arrêt « Arrighi » du 6 novembre 1936, le Conseil d'Etat se reconnait incompétent pour juger de la constitutionnalité des lois par rapport aux trois lois Constitutionnels de 1875. En 1958, apparaît le Conseil constitutionnel tel qu’on le connaît. Il est composé de neuf juges membres nommés pour un mandat de 9 ans, renouvelable par tiers tous les trois ans. Les juges ne sont pas forcément des magistrats, cela peut être des professeurs de droit, des politiciens. Un ancien médecin a déjà siégé au Conseil constitutionnel. Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat sont chargés d’en nommer un chacun. L’actuel président du Conseil constitutionnel est Laurent Fabius, en poste depuis 19 février 2016. Curiosité juridique, les anciens présidents de la République sont membres de droit à vie après leur mandat de Président.

❤️ Le saviez-vous ? Pourquoi les anciens présidents une fois que leur mandat est terminé peuvent siéger au Conseil constitutionnel ? C’est une très bonne question.


Aux Etats-Unis, la Cour suprême, qui est le modèle de référence pour le contrôle de constitutionnalité d’une loi, il serait impensable d’y voir siéger les anciens présidents tels que Barack Obama, ou encore Donald Trump.


Cette particularité française a été mise en place dans la première version de la Constitution en 1958 et a été inchangée depuis. Les anciens présidents français, sont membres de droit, mais ils n’ont aucune obligation d’y siéger.


François Hollande (2012-2017) n’a pas exemple jamais siégé au Conseil, il voulait d’ailleurs supprimer cette possibilité pour les anciens présidents. Aujourd’hui encore, cette question fait grandement débat au sein de la doctrine.

Le contrôle du Conseil constitutionnel s’est élargi au fil des années et est devenu de plus en plus important. Tout d’abord, la décision du 16 juillet 1971 « liberté d’association » qui ouvre le champ de contrôle des juges du Conseil constitutionnel. Depuis 2010, apparaît également le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il est possible de distinguer le contrôle a priori et le contrôle a posteriori (avec la QPC).


Petit rappel : Le Conseil constitutionnel, crée par la Constitution du 4 octobre 1958 est l'institution qui s'assure de la compatibilité entre les lois et la Constitution. En d'autres terme, elle contrôle la conformité des lois à la Constitution par le mécanisme du contrôle de Constitutionnalité.


2. Le contrôle a priori


Le contrôle a priori est celui qui s’effectue avant que la loi ne soit promulguée. A l’origine, seuls le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat pouvaient être à l’initiative de ce contrôle. Depuis la réforme Constitutionnelle en date du 30 octobre 1974, la saisine est ouverte si 60 députés ou 60 sénateurs souhaitent saisir le Conseil. Cette réforme a permis la saisine du conseil par les membres de l’opposition.


3. Le contrôle a posteriori


Le contrôle a posteriori est celui qui s’effectue après que la loi ait été promulguée. Il a vu le jour avec la dernière réforme Constitutionnelle du 23 juillet 2008, mettant en place le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette dernière est prévue par l’article 61-1 de la Constitution :

Article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

Ce mécanisme permet à toute personne qui est partie à un procès (soit en tant que défendeur, soit en tant que demandeur) de faire valoir qu’une loi est contraire aux dispositions du bloc de constitutionnalité. C’est l’ouverture du conseil de constitutionnalité aux justiciables et plus seulement aux députés, sénateurs et membres du gouvernement. Ils existent cependant des conditions pour exercer ce mécanisme :


  • ✅ La loi contestée doit être applicable au litige en cours (ce qui suppose aussi l’existence d’une instance en cours).

  • ✅ La question doit être nouvelle : le Conseil constitutionnel ne doit pas s’être déjà prononcé sur la question

  • ✅ La question doit avoir un caractère sérieux


A l’issue de la procédure prévue par le règlement du 18 février 2010, le Conseil constitutionnel décide si la loi est conforme ou non à la Constitution. Si la disposition législative est déclarée contraire à la Constitution, alors la décision du Conseil constitutionnel « porte abrogation de cette disposition, qui disparaît ainsi de l'ordre juridique », selon le site du Conseil constitutionnel.


 

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C - Le contrôle de conventionnalité


Le contrôle de conventionnalité, c’est le contrôle de conformité des normes inférieures vis-à-vis des normes issues du bloc de conventionnalité. Dans la décision du 15 janvier 1975 « loi IVG » du Conseil constitutionnel, les sages se déclarent incompétents pour l’exercice du contrôle de conventionnalité : ils ne sont pas chargés de vérifier de la conformité des lois au bloc de conventionnalité.


Mais qui est en charge de ce contrôle alors ? Très rapidement, la Cour de cassation, dans son arrêt de la chambre mixte du 24 mai 1975 « Jacques Vabre », déclare les juges judiciaires compétents pour le contrôle de conventionnalité. En ce qui concerne le Conseil d'Etat, celui-ci a été beaucoup plus réticent à s’aligner sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, refusant ainsi le contrôle de conformité. Mais le Conseil d'Etat, avec son arrêt « Nicolo » du 20 octobre 1989 abandonne sa position pour se reconnaître compétent pour le contrôler la conventionnalité des lois. Les juges des deux corps sont donc ceux qui pratiquent au quotidien le contrôle de conformité des lois par rapport aux normes issues du bloc de conventionnalité.

💡 Bon à savoir : Connaissez-vous la pathologie de la quérulence ? Pamplemousse Magazine parie que non, et pourtant, cette maladie est intimement liée au monde juridique. Selon le livre Anthologie des jurisprudences insolites de Raphaël Costa, la quérulence « est une pathologie qui persuade celui dont elle s’empare qu’il est victime d’un préjudice disproportionné ». La personne atteinte va donc faire des dizaines et des dizaines de recours devant la justice pour que ses soi-disant préjudices soient réparés. Le fameux monsieur « Nicolo » était atteint de cette maladie, il n’en était pas à son premier recours !

Précédemment évoquée, la jurisprudence de la CEDH et de CJUE est également très importante pour l’interprétation des normes européennes et communautaires. Les décisions de ces deux juridictions ont une force obligatoire pour les Etats.


D - Le contrôle de légalité


Le contrôle de légalité, c'est-à-dire de la conformité des règlements aux étages supérieurs de la hiérarchie des normes, est généralement dévolu aux juges administratifs. A noter quand même, que selon l’article 111-5 du Code pénal : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis », les juges en charge d’affaires pénales peuvent donc également contrôler la conformité de certains règlements.


Le contrôle peut s’effectuer via deux biais : par voie d’action et par voie d’exception. Le contrôle par voie d’action s’effectue à travers le mécanisme du recours pour excès de pouvoir (un REP). En effet, grâce à cet outil, un règlement pourra être annulé s’il est contraire à une norme supérieure. Il existe aussi l’exception d’illégalité, c’est le contrôle par voie d’exception. Selon Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, association Henri Capitant, c’est une « voie de droit consistant à l’occasion d’un acte administratif, à en invoquer l’illégalité, partant à conclure à son inapplicabilité par le juge ». L’exception d’illégalité ne peut être utilisée par la partie défenderesse à l’affaire. Le règlement déclaré comme illégal sera écarté du litige.


Et voilà, nous avons vu les différentes normes composant la pyramide ainsi que les différents contrôles qui existent pour faire respecter cette hiérarchie. Seulement, comme toute théorie, celle-ci a des critiques et d’autres théories contraires qui viennent se dessiner autour d’elle.


 
 

III/ Les critiques de la théorie de la pyramide de Hans Kelsen


Les praticiens du droit sont très nombreux, et la doctrine ne peut être uniforme. Aucune théorie n’est parfaite et la pyramide de Kelsen ne fait pas exception à la règle, elle présente quelques failles qu’il convient d’examiner.


A - Quelle est la norme supérieure au sommet de la pyramide de Kelsen ?


En principe c’est le bloc de constitutionnalité, mais ce n’est pas aussi simple. Un des principaux débats qui gravite autour de cette théorie, c’est la norme au sommet de la pyramide. Deux conceptions s’opposent : celle de l’Union européenne et celle du Conseil constitutionnel. Vous vous doutez bien que pour l’Union européenne, et notamment la CJUE, c’est le droit communautaire qui est le sommet de la pyramide. Seulement, pour la France et notamment pour le Conseil constitutionnel, c’est la Constitution et le bloc de constitutionnalité qui se trouvent au sommet.


Dans un arrêt de la cour de justice des communautés européennes (CJCE, l’ancêtre de la CJUE) « Costa c./ Enel » du 15 juillet 1964, celle-ci retient la primauté du droit de l’Union européenne par rapport aux autres normes de droit interne des Etats membres. La Constitution française est bien concernée par le principe !


Seulement, dans l’arrêt « Sarran » du Conseil d'Etat du 30 octobre 1998 et l’arrêt « Fraisse » du 2 juin 2000 de l’assemblée plénière de la Cour de cassation retient une autre conception. Il est indiqué dans ces arrêts que les règlements et directives issus de l’Union européenne sont supérieurs aux lois de droit interne en France. A contrario, il est possible de remarquer qu’à aucun moment il n’est dit que les règlements et les directives sont supérieurs à la Constitution française. Cette conception a été confirmée plus clairement dans une décision du 27 juillet 2006 du Conseil constitutionnel en indiquant qu’une loi de transposition d’une directive européenne peut être censurée si elle est contraire à une norme issue du bloc de constitutionnalité.

📺 Point culture : Il est intéressant d’aller voir ce que le site vie-publique.fr écrit sur ce débat : « la suprématie de la Constitution n’est pas toujours garantie. Malgré sa place au sommet de la hiérarchie des normes, elle demeure une règle interne à chaque pays et peut entrer en concurrence avec les règles internationales. Certaines juridictions internationales, comme la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour européenne des droits de l’homme, font ainsi primer les engagements internationaux sur l’ensemble des règles internes des pays concernés, y compris leur Constitution.Pour la Commission européenne, le droit de l'Union européenne prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles. »

B - Les théories concurrentes


1. La théorie du droit en réseau

Théorie assez peu connue, qui en tout cas, n’est pas forcément évoquée pendant les années de licence. Assez complexe et très peu vulgarisée, Pamplemousse Magazine va se contenter de vous faire une présentation succincte de la théorie du droit en réseau. Face aux failles de la pyramide de Kelsen (certaines normes qui se contredisent dans le bloc, des débats autour du sommet, la complexité de certaines normes au sein des différents blocs), s’est dessinée la théorie du droit en réseau par François Ost et Michel Van de Kerchove dans leur livre : De la pyramide au réseau ? : pour une théorie dialectique du droit. Cette théorie ne se fonde pas sur un modèle pyramidal mais les normes se mélangent entre elles, c’est « la justice en termes de balance d'intérêts et d’équilibration de valeurs ».


2. Les différentes conceptions de la pyramide


Si vous avez déjà eu l’occasion d’étudier ou de vous renseigner sur la pyramide de Kelsen, il est possible que vous ayez rencontré une autre conception de la pyramide, avec un ou plusieurs étages en plus.


Une conception très célèbre en cinq étages :

Pyramide Kelsen 5 etages normes
Pyramide de Kelsen en 5 étages

Comme vous pouvez le remarquer dans cette conception : entre le bloc de légalité et le bloc réglementaire, il y a les principes généraux du droit (PGD). Les PGD sont des principes non-écrits et dégagés par le Conseil d'Etat, ce sont donc des principes issus de la jurisprudence. René Chapus a expliqué qu’ils ont « une valeur infra-législative mais supra décrétale ». Quelques exemples de PGD :

  • Le principe d’égalité devant le service public, arrêt du Conseil d'Etat en date du 9 mai 1951 « Société des concerts du conservatoire ».

  • La continuité du service public, arrêt du Conseil d'Etat en date du 7 juillet 1950 « Dehaene ».


Cependant, depuis la Constitution du 4 octobre 1958, il est possible de remettre en question leur utilité avec l’apparition des principes à valeur constitutionnelle (PVC) dont nous avons parlé plus tôt. En effet, leur mécanisme et ce sur quoi ils portent se confondent. Les PGD sont donc fortement concurrencés, et il est possible d’observer un certain déclin quant à leur utilisation au profit des PVC.


Dans cette conception, les circulaires, les directives administratives et les actes administratifs individuels sont en dessous du bloc réglementaire. Il nous a paru plus simple de tout regrouper dans un seul et même bloc car chacune des normes a pour point commun qu’il s’agit d’un règlement.


pyramide kelsen etapes 4
Pyramide de Kelsen en 4 étapes

Pourquoi Pamplemousse a choisi une conception en quatre étages ?


Tout d’abord, c’est celle qui est la plus simple. Une conception avec le moins d’étages possible est plus facile à retenir. Ensuite, vous l’avez sûrement remarqué, la pyramide en quatre étages fait également apparaître les trois contrôles présentés plus haut. Par procédé mnémotechnique, il est possible de se dire que les trois traits de séparation entre les différents étages représentent les trois contrôles.


3. Et la soft law alors ?


Souvent oubliée, et pour cause, la soft law, n’a pas de valeur juridique. La soft law, ou le droit mou en français, sont des règles de droit qui n’ont pas de force obligatoire. De ce fait, elles n’ont pas leur place au sein de la pyramide. Elle a pour but d’encourager et d’orienter les citoyens, mais aussi les organes de l’Etat. Dans les entreprises, le droit souple est particulièrement présent au travers de charte, d’avis, de recommandations, etc. Le droit souple touche toutes les branches du droit et se développe de plus en plus. Même si elle n’est pas présente dans la pyramide, il reste important de la mentionner car elle nous entoure au quotidien.


Et voilà ! C’est la fin de l’article sur cette notion de cours de première année de droit, Pamplemousse espère qu’à présent vous y voyez plus clair parmi toutes ces différentes normes !


Sarah Blondel


 

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