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[COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 30/6/2017, (Contrat administratif)


Voici un exemple de commentaire d’arrêt corrigé du Conseil d’État, nommé Société France-Manche, en Droit administratif sur le recours de plein contentieux en matière de contrats administratifs. Ce commentaire porte le nouveau recours en résilitation du contrat au bénéfice des tiers et de la détermination rigide du régime de ce recours. Cette copie a obtenu la note de 18/20 🔥.

 

Sommaire :


 
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N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.


💡 Nous avons aussi placé quelques annotations pour vous aider à visualiser la structure d'un cas pratique: accroche, définition, faits et procédures, problématique, solution...


Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.

Commentaire général de l'enseignant : « Très bien, manque quelques explications. Le raisonnement du juge est compris et vous le commentez. »



[Accroche] L’affaire présentée le 30 juin 2017 devant le Conseil d’État a été pour le rapporteur public chargé de cette affaire, Gilles Pellissier, l’occasion de : « poursuivre l’œuvre de redéfinition des recours devant le juge du contrat ».


[Définition] Avant de revenir plus en détail sur cet arrêt, il convient de préciser le contour de la matière des contrats administratifs. Ce sont des contrats passés par une personne publique ou pour son compte et soumis à la compétence du droit administratif, soit par disposition expresse de la loi, soit en raison de clauses exorbitantes du droit (Conseil d’État, 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges), soit parce qu’il confère à son titulaire une participation à l’exécution d’une activité de service public (CE, 1956, Époux Bertin) [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la notion de service public].


Dans la matière des contrats administratifs, il est possible de se poser la question de la situation des tiers vis-à-vis d’un contrat administratif. L’arrêt du Conseil d’État de 2014, Département Tarn-et-Garonne, ouvre le recours de plein contentieux aux tiers à un contrat justifiant de la lésion d’un intérêt suffisamment direct et certain.


[Présentation de l’arrêt] L’idée de cette jurisprudence s’est prolongée par l’arrêt de section du 30 juin 2017, Société France Manche, du Conseil d’État. Cet arrêt crée un nouveau recours en résiliation du contrat au bénéfice des tiers.


[Faits et procédure] Il s’agissait d’une convention de délégation de service public (type de contrat administratif). Le syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche (SMPAT) a délégué à la société Louis Dreyfus armateurs SAS exploitation, l’exploitation d’une liaison maritime entre Dieppe et Newhaven.


Les sociétés France-Manche et The Channel Group qui exploitent le tunnel aussi sous la Manche ont demandé au SMPAT de prononcer la résiliation du contrat. Une décision implicite de refus est née du silence gardé pendant plus de deux mois par le président du SMPAT.


Les deux sociétés ont saisi le tribunal administratif de Rouen d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un jugement du 16 juillet 2013, le tribunal rejette la demande des sociétés. Ces dernières interjettent appel et la cour administrative de Douai, par un arrêt du 28 janvier 2016, infirme le jugement de première instance et fait gré aux demandes des sociétés. Le SMPAT se pourvoit en cassation contre cet arrêt.


 

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[Problématique] Quels sont les caractéristiques du nouveau recours au bénéfice des tiers crée par l’arrêt du 30 juin 2017 ?


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[Solution] Par cet arrêt, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative de Douai aux motifs que les juges n’ont pas recherché si la poursuite de la convention était de nature à léser les sociétés de manière suffisamment directe et certaine. Le Conseil d’État juge l’affaire au fond en énonçant que leur seule qualité de concurrente directe n’était pas suffisante pour justifier une lésion dans leurs intérêts par la convention de la SMPAT, de façon directe et certaine.


[Annonce de plan] Cet arrêt vient créer un nouveau recours en résiliation du contrat au bénéfice des tiers (I). Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence, précédemment établie par l’arrêt Tarn-et-Garonne, en établissent un régime strict semblable aux décisions antérieures, bien qu’avec des pouvoirs confiés au juge sensiblement différents (II).



I/ Un nouveau recours en résiliation du contrat au bénéfice des tiers : la fermeture du recours pour excès de pouvoir


[Chapô] Cette décision du 30 juin 2017 s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence Département de Tarn-et-Garonne, en donnant la possibilité d’attaquer le refus de l’administration de mettre fin au contrat devant le juge des contrats (A). Dans cette décision, les juges vont lister les bénéficiaires de ce recours, et particulièrement s’intéresser à la situation des tiers (B).


A) La possibilité d’attaquer le refus de l’administration de mettre fin au contrat devant le juge des contrats


Le plus grand apport de cette jurisprudence est qu’elle crée un nouveau recours, en donnant la possibilité d’attaquer le refus de l’administration de mettre fin au contrat devant le juge des contrats administratifs. Le « juge des contrats » est une expression utilisée pour désigner le juge de droit commun saisit d’un recours de plein contentieux. Le recours de plein contentieux, ou de pleine juridiction, est un recours juridictionnel par lequel un requérant peut demander au juge de constater l’existence à son profit d’une créance contre l’État ou une collectivité publique et/ou d’annuler ou de réformer un acte administratif n’entrant pas dans le champ d’application du recours pour excès de pouvoir (REP).


Ce dernier est un recours juridictionnel dirigé en vue de faire annuler pour cause d’illégalité, des actes unilatéraux émanent d’une autorité administrative. L’arrêt du Conseil d’État de 2014, Département Tarn-et-Garonne, est le premier à ouvrir la possibilité aux tiers d’attaquer le contrat devant le juge de plein contentieux. Ils peuvent intenter un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses. Cette décision est une véritable révolution dans les pouvoirs des tiers contre les contrats administratifs.

 

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En ce qui concerne le refus de résilier un contrat, la question se posait de savoir s'il y avait encore lieu d'admettre le recours pour excès de pouvoir des tiers. Une telle possibilité avait été ouverte par une décision de section du 24 avril 1964, Société anonyme de livraisons industrielles et commerciales. Il avait alors été admis que le refus de résilier un contrat constituait, pour les tiers à ce contrat, un acte détachable susceptible de recours pour excès de pouvoir [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur le recours pour excès de pouvoir]. Par l’arrêt France Manche, le Conseil d'État décide qu'une telle voie de droit est désormais fermée.


Il opère un revirement de jurisprudence en donnant la possibilité d’attaquer le refus de l’administration de la résiliation d’un contrat devant le juge de recours de plein contentieux. C’est ce qu’expriment clairement les juges dans leur deuxième considérant, les tiers (sous certaines conditions) sont : « recevables à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat ». En vertu de cette décision, les tiers n’ont donc plus à contester la décision rejetant leur demande de résiliation mais doivent dorénavant directement présenter leur demande devant le juge contre le contrat.


[Transition] Pour définir ce nouveau recours, le conseil d’État va commencer par délimiter quelles sont les personnes susceptibles d’invoquer le refus de résiliation d’un contrat de l’administration devant le juge de plein contentieux.


B) Les bénéficiaires de ce recours : les tiers susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine


Dans le second considérant de l’arrêt, les juges vont lister les personnes susceptibles de faire ce recours. Ils vont s’intéresser plus à la situation des tiers, car c’est la question du litige. Le recours est ouvert « aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernés ainsi qu’au représentant de l’État dans le département » ainsi qu’au « tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine ». Le préfet, les membres de l’organe délibérant et les tiers lésés dans leurs intérêts de façon directe et certaine peuvent donc attaquer le refus de résiliation du contrat de l’administration dans le cadre d’un recours de plein contentieux.


Pour déterminer les tiers qui sont recevables à former le recours, la décision France Manche s'inspire directement de la décision Département de Tarn-et-Garonne. Les tiers aux contrats doivent justifier d’un intérêt direct et certain. L'approche est plus restrictive que celle du recours pour excès de pouvoir (« il faut expliquer pourquoi »). Il est possible de penser que, pour l'appréciation de la « lésion directe et certaine » qu'exige la décision France Manche, le juge du contrat sera plus exigeant du fait de la nature de la demande. Il s’agit de la lésion qui vient du refus de l’administration de mettre fin au contrat. L’exigence du caractère direct et certain suppose l’existence d’un préjudice touchant directement le requérant, né et actuel au jour de la décision, il ne peut pas être futur.


L’utilisation de l’adverbe « suffisamment » marque l’importance de cette condition pour que les tiers soient recevables. C’est d’ailleurs sur ce critère-là que le Conseil d’État va annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai : « sans avoir recherché si la poursuite de l'exécution de la convention du 29 novembre 2006 était de nature à léser les intérêts de ces sociétés de façon suffisamment directe et certaine, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit ». Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’État va considérer que le fait pour les deux sociétés de se prévaloir de leur seule qualité de concurrente directe sur les liaisons transmanche de courte durée, ne suffit pas pour justifier qu’elles seraient susceptibles d’être lésées dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine.


Par cette décision, le Conseil d’État vient apporter une première délimitation de la notion des intérêts suffisamment directs et certains. Il est possible que le Conseil d’État soit très exigant quant à ce caractère, pour ne pas ouvrir le recours à n’importe qui.


[Transition] Cet arrêt crée un nouveau recours au bénéfice des tiers, s’inspirant de la jurisprudence Département de Tarn-et-Garonne de 2014. Il va déterminer le régime de ce recours en retenant une position assez stricte.


 

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II/ La détermination rigide du régime de ce recours


[Chapô] L’arrêt va préciser dans quels cadres ce recours est possible, en donnant les moyens susceptibles d’être invoqués par les requérants (A). Ce recours étant devenu un recours de plein contentieux, il implique forcément un changement de pouvoir pour le juge, qui est devenu assez limité (B).


A) La recevabilité circonscrite des moyens à l’appui de ce nouveau recours


Dans son troisième considérant, le Conseil d’État va délimiter quels sont les moyens recevables. Pour que le contrat soit résilié, il est possible d’invoquer trois types de moyens. L’existence d’une loi applicable au contrat déjà signé qui rendrait impossible la continuation de l’exécution du contrat ; que le contrat soit entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de l’exécution du contrat et que le juge devrait relever d’office. Cela suppose l’existence de vices suffisamment graves. De tels moyens ne peuvent qu'être rares, puisque rares sont les cas dans lesquels le juge est tenu de relever d'office une irrégularité.


Le dernier moyen invocable est le fait que la continuation d’exécution du contrat serait à elle seule contraire à l’intérêt général. Il peut y avoir des changements intervenus depuis la signature du contrat ou aux conséquences que peut avoir l’exécution du contrat. Le juge peut examiner si l'intérêt général exige que l'exécution du contrat prenne fin. Le contrôle qu'exerce le juge sur ce point est un contrôle restreint. Ce sont les trois seuls moyens. Le juge à une vision assez strict des moyens invocables, il ne laisse pas une grande marge de manœuvre aux tiers. Les moyens listés sont plutôt des cas exceptionnels.


Les juges vont venir préciser que les tiers ne peuvent « se prévaloir d'aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise ». Le Conseil d’État exclut donc les moyens liés à la procédure de passation du contrat ou ceux relatifs aux conditions de forme du refus de la résiliation. Il y a une volonté du juge d’encadrer assez strictement ce nouveau recours de plein contentieux. Il parait plus limité que le recours pour excès de pouvoir qui était permis avant (« à expliquer »). Sûrement car les conséquences ne sont pas les mêmes pour le contrat.


Le juge viendra préciser, à la fin du considérant trois de l’arrêt du 30 juin 2017, que les moyens invoqués par les tiers (ne sont donc pas concernés par cette exigence le préfet et les organes délibérants de la collectivité) doivent « être en rapport direct avec l’intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut ». Les moyens invoqués et le préjudice subi doivent être corrélés. Dans cet arrêt, il y a les deux filtres qu’avait posé l’arrêt Département Tarn-et-Garonne, en 2014. Les tiers doivent démontrer leur intérêt à agir et le caractère de leurs moyens. La volonté de fermer la voie du REP pour les tiers ne veut pas dire créer un recours de pleine juridiction ouvert à tous. Le Conseil d’État le montre bien dans cet arrêt, l’arrêt France Manche exige des conditions rigides.


[Transition] Le Conseil d’État a encadré assez strictement ce nouveau recours. Qui dit changement de procédure, dit changement de pouvoir du juge. Cette fois-ci, bien que la construction de ce recours soit largement inspirée de l’arrêt Département Tarn-et-Garonne, elle s’éloigne de celui-ci concernant la matière des pouvoirs du juge.



B) Un pouvoir du juge limité


Le Conseil d’État évoque les pouvoirs du juge dans le considérant quatre. Il est écrit qu’il : « appartient au juge du contrat d'apprécier si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu'il y fasse droit et d'ordonner après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé ». Le juge fait soit droit à la demande du requérant et enjoins à l’administration de mettre fin au contrat, soit il estime que les moyens soulevés ne sont pas suffisants et il rejette la requête.


Contrairement à l’arrêt Département Tarn-et-Garonne où le juge avait le choix entre une palette de possibilités, l’arrêt France Manche ne donne la possibilité au juge d’accepter ou de rejeter la requête. Il ne peut qu’ordonner aux parties de mettre fin au contrat, impossible pour lui de l’annuler. L’office du juge est beaucoup plus limité dans cet arrêt et, la réalité de son pouvoir tient en l’interprétation des moyens soulevés par les parties.


Même si ce recours parait assez défavorable pour les tiers à première vue, il ne faut pas oublier que jusqu’à présent, le juge de l’excès de pouvoir pouvait uniquement annuler une décision de refus de résiliation du contrat, sans que cela ait une incidence sur le contrat lui-même. Même si les conditions sont très difficiles à apporter, le juge peut maintenant mettre fin au contrat directement. La décision de mettre fin au contrat est subordonné à la limite de l’intérêt général. Mettre fin au contrat ne doit pas porter une atteinte excessive à l’intérêt général. Cet élément-là montre une fois de plus que les pouvoirs du juge sont très encadrés.


Cette solution s’inscrit dans une volonté des juges de réformer la matière du contentieux des contrats administratif. Ce travail a commencé avec l’arrêt de 2007 du Conseil d’État Société Tropic Travaux qui permettait aux concurrents évincés de demander l’annulation du contrat. Cette volonté d’ouvrir les recours contentieux aux tiers s’est cristallisée dans l’arrêt Département Tarn-et-Garonne. Les conclusions du rapporteur public Gilles Pellissier prennent alors tous leurs sens. L’affaire entre les deux sociétés et le SMPAT est la première application de ce nouveau recours.


Le considérant cinq précise que ces nouvelles règles définies dans l’arrêt sont « d’application immédiate ». Cette décision marque une étape importante dans la matière sans pour autant l’achever puisqu’il ne traite pas de l’ensemble des recours exercés par les tiers contre des décisions prises au cours de l’exécution du contrat. Il est possible de voir dans de futures années, d’autres nouveaux recours reprenant la construction de l’arrêt France Manche.


Sarah Blondel


 
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