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[Interview] Avocat en pénal "Défendre ne veut pas dire cautionner"



Maître Isabelle GIRARD est avocate en droit pénal, droit du dommage corporel, droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. Elle casse les préjugés sur le métier d’avocat pénaliste. "Le fait de défendre ne veut pas dire que l’on cautionne".


Voici son interview pour en savoir plus sur son métier et son parcours. 🥑

interview avocate penaliste
 

Sommaire


 

Présentation de l’avocate en droit pénal


⚖️ Chez Pamplemousse Magazine, on aime bien connaître le parcours des professionnels du droit que l’on rencontre. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis avocate depuis bientôt trente ans, j’ai fait un bac littéraire puis une maîtrise de droit qui se faisait en 4 ans à l’époque, j‘ai ensuite fait un DEA en droit de la propriété littéraire et commerciale à Paris puis un DESS en droit de la responsabilité (Ndlr : DESS correspond au master 2 d’aujourd’hui). J’ai par la suite, préparé l’entrée à l’école d’avocat et je suis allée à l’école de Poitiers. J’ai toujours exercé sur Le Mans, la plupart des avocats commence à un endroit et ne bouge pas pour la simple raison que l’on se fait une clientèle et que c’est compliqué d’emporter sa clientèle avec soi ou de se refaire une clientèle. J’exerce en tant qu’avocate en droit de la famille en droit pénal et en droit civil (droit des contrats).

 

Le parcours pour devenir avocat :


- Etape 1 : Être diplômé d’un master 1 ou 2


- Etape 2 : Réussir l’examen pour entrer en centre régional de formation en école d’avocat (CRFPA).


🥑 L’examen d’entrée au CRFPA débute par une épreuve écrite qui comprend une note de synthèse, une épreuve en droit des obligations et une épreuve au choix entre la procédure civile, la procédure pénale et la procédure administrative contentieuse.

Si un candidat obtient une moyenne de 10/20, il est admissible à passer les oraux incluant un grand oral, un oral de langue et des oraux de dispenses composés de 2 épreuves : une portant sur les procédures civiles d’exécutions et/ou la procédure européenne et communautaire et une portant sur la comptabilité privée et/ou les finances publiques.


La plupart des candidats ont recours à une classe préparatoire à la vue de la difficulté des épreuves (Institut d’études Judiciaires cumulé ou non à une prépa privée).

Le taux de réussite est estimé à 30%.


- Etape 3 : Réussir le CAPA


✍️ Les élèves avocats admis entrent ensuite dans les écoles d’avocats et suivent une formation de 18 mois. La fin de la formation est validée par un certificat d’aptitude de la profession d’avocat (CAPA) qui permet ensuite de passer l’examen du barreau.

 

Le métier d’avocat pénaliste


En quoi consiste votre métier d’avocat en droit pénal ?

🥑 Il n’y a pas de journée type, c’est ce qui est intéressant dans ce métier. Il y a d’abord toute une phase dans notre métier, c’est le contact avec les clients.


Les gens nous parlent de leurs difficultés, l’écoute est primordiale. Ensuite, il y a tout un travail de recherche avant de pouvoir conseiller, car on ne connaît pas les codes par cœur, ni la jurisprudence. Il y a des dossiers que l’on maîtrise plus ou moins, tout dépend de la matière.


On rédige des conclusions, lorsqu’il y a un procès, c’est à dire que l’on va, par écrit, développer nos arguments,


Bien sûr, il y a aussi les plaidoiries, On plaide plus en droit pénal puisqu’en droit civil il s’agit surtout de procédures écrites. Donc on ne peut pas aller au-delà de ce qu’on écrit.


Je fais aussi un peu de droit de la construction, il y a donc les “expertises”, c’est-à-dire que je me déplace chez les gens pour constater des fissures, etc…

Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser dans le droit pénal et de la famille principalement ? Peut-on parler de vocation ?

Je ne suis pas spécialisée, en ce qui me concerne c’est plutôt des domaines que je pratique plus. Généralement, on s’oriente dans un type de droit car c’est les matières que l’on préfère.


Au début, on fait un peu de tout et petit à petit on s’oriente vers les matières où on se révèle meilleure. Puis la clientèle se fait beaucoup par le bouche à oreille donc ça conditionne aussi les spécialisations.


Pour moi, on ne peut pas parler de vocation. Personnellement je n’ai jamais eu la vocation. Au départ je voulais être journaliste, puis j’ai tellement aimé le droit que j’ai continué. Le fait de passer l’examen pour devenir avocat a toujours traîné dans un coin de ma tête à la fin de mes études. J’ai finalement tenté l’examen d’entrée à l’école d’avocat et je l’ai réussi du premier coup.


Il y a de plus en plus d’avocats en France (70 000 environ). Pensez-vous qu’il faut mettre plus de sélection à l’examen d’entrée des CRFPA ?

J’ai été au Conseil de l’Ordre pendant longtemps mais je n’y suis plus. Je sais qu’à l’époque, on s’était posé la question justement car il y avait trop d’avocats qui arrivaient sur le marché.

On s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de juristes qui faisaient l’école d’avocat mais qui ne devenaient pas avocats car ils ne trouvaient pas d’emploi par la suite. C’est une question compliquée.


Les qualités requises pour devenir avocat pénaliste

Quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon avocat pénaliste ?


💯 Il faut savoir être à l’écoute, avoir le contact avec les gens, c’est primordial.

Parfois il faut aussi un peu de culot. Quelle que soit la matière, pour être avocat il faut être rigoureux. Et c’est peut-être bête à dire mais il faut aimer le droit car c’est quelque chose de particulier. Soit on aime soit on n’aime pas.


Les clichés concernant le métier d’avocat en droit pénal


😓 Êtes-vous d’accord avec la phrase « ne faites pas avocat en droit pénal, c’est bouché et on gagne une misère » prononcé par certains professeurs en droit.

Eric Dupond Morette Ministre justice avocat penaliste

Notre ministre de la justice, qui est un des plus grands avocats pénalistes de France, ne doit pas être malheureux à ce niveau. Je pense même qu’il gagne moins en tant que ministre qu’en tant qu’avocat. Ce qui est certain, c’est qu’il y a de grands avocats pénalistes qui gagnent très bien leur vie. Ce qui est vrai aussi, c’est que lorsqu’on fait du pénal à un niveau comme la plupart des avocats le font, nos clients, souvent, n'ont pas d’argent donc on est payé au titre de l’aide juridictionnelle.


Je ne suis pas complètement d’accord pour dire que le métier d’avocat en droit pénal est bouché. Il faut arrêter d’écouter tout le monde car tous les ans c’est la même chose.

A mon époque, les profs nous disaient déjà « ne faites pas avocat c’est bouché, vous n’y arriverez jamais. Les filles, le droit de la famille c’est fait pour vous ».

Je pense que si on a vraiment envie de faire un métier, il faut le tenter quoi qu’on entende, et si ça ne marche pas on fera autre chose...

Le droit pénal c’est peut-être bouché mais ça l’était déjà à mon époque mais n’empêche qu’on voit toujours passer au barreau des offres de collaboration.


Cela étant, et comme beaucoup de professions ce n’est pas facile de trouver du travail .il faut être prêt à aller exercer là où on recherche des avocats.

Et je pense que le temps où on faisait le même métier toute sa vie n’existe plus.


Que répondez-vous à ceux qui vous disent « Ah mais comment tu fais pour défendre un violeur ou un terroriste ? ».

Si vous saviez le nombre de fois où j’ai entendu cette phrase !

Le fait de défendre ne veut pas dire que l’on cautionne.

Lorsque je vais plaider aux Assises, généralement, je le dis aux jurés. La dernière fois, j’ai dû défendre un violeur, je trouve son acte bien entendu abominable. Mais on est dans une démocratie et quel que soit l’individu il a le droit à la parole, être accompagné et être défendu.


Parfois je vais refuser de défendre une personne, non pas à cause de ce qu’elle a fait mais à cause de la manière dont elle se comporte. C’est le cas des personnes qui n’arrivent pas du tout à se remettre en question par exemple. Pour refuser de défendre quelqu’un il faut faire jouer la clause de conscience. Le client a aussi le droit, au cours de l’instruction, de demander à changer d’avocat.

En droit pénal, lorsque la personne a reconnu les faits, on va tout d’abord vérifier si la procédure a été bien respectée puis on va parler de la personnalité de la personne pour la défendre. Lorsqu’on est avocat en droit pénal, il faut savoir se détacher car malheureusement on voit souvent des choses pas très jolies. Tout est une question de distance, il faut savoir avoir une certaine dose d’empathie mais également prendre du recul.

Que se passe-t-il quand votre client est réellement coupable mais qu’il refuse de vous le dire ?

Il faut savoir qu’il y a des clients pour lesquels on est sûr qu’ils ont commis les faits au vu du grand nombre de preuves mais qui vont soutenir que c’est faux. Donc après, tout dépend de l’avocat, on a un choix, on peut accepter de le suivre en sachant que c’est ridicule ou refuser de le défendre en expliquant que ça ne tient pas la route.


Après il y a aussi des gens qui ne peuvent pas avouer, qui s’enferment dans le déni car la réalité est trop dure. Dans ces cas-là, on demande à la cour d’entendre le déni de la personne, on plaide sur la personnalité de la personne.


C’est parfois compliqué. C’est un métier où il faut être à l’écoute des gens et ça on ne nous l’apprend pas à l’école, on n’a aucun cours de psychologie par exemple.

 

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Les avantages et les inconvénients du métier d’avocat


💥 30% des avocats arrêtent la profession avant 10 ans d’exercice. Qu’est ce qui peut expliquer l’abandon de la robe par certains avocats ?

Je connais beaucoup d’avocats qui arrêtent parce que tout simplement, le métier ne leur correspond pas. Il y en a qui arrêtent aussi pour des raisons financières.

Il faut tout de même être conscient que c’est une profession qui ne rémunère pas beaucoup.

Par exemple à Paris ou dans d’autres grandes villes il y a des avocats qui n’arrivent pas à finir le mois car ils n’ont pas assez de dossiers ou trop de charges par rapport à ce qu’ils gagnent. C’est une réalité aussi. Il y en a aussi qui arrêtent car c’est trop insécurisant comme métier. Certains partent dans des grosses entreprises comme des banques, des compagnies d’assurances etc… Certains vont dans des services juridiques en tant que juristes aussi. D’autres deviennent magistrats.

Quelles sont les 3 choses que vous préférez dans le métier d’avocat en droit pénal :

  • 👨‍🎓 La liberté,

  • La diversité (aucune journée ne se ressemble),

  • Le contact humain.


Mais je rajouterai une quatrième chose qui n’arrive pas tous les jours mais quand ça arrive on est les plus heureux du monde, c’est que l’on se sent utile, c’est quelque chose de très valorisant !

Le plus beau, c'est l’acquittement aux assises, ça rebooste ! Même en matière civil, lorsque tu gagnes ton dossier sur ton raisonnement juridique, c’est hyper valorisant et gratifiant. Être avocat, c’est des remises en question constantes. Surtout que le droit évolue beaucoup, on a 20 h de formation par an pour étudier les changements du droit.


Quelles sont les choses que vous détestez dans le métier d’avocat en droit pénal :


  • ⚖️ Premièrement je dirai cette insécurité financière.

  • Ensuite, le stress avec la responsabilité car dans pas mal de matières il y a des délais notamment en termes de prescription, si tu passes ton délai de prescription, le dossier est mort. C’est une pression permanente.

 
 

Les impacts du COVID-19 sur la profession d’avocat

😷 Quels sont les impacts de la situation sanitaire sur votre profession ?

Le tribunal a été fermé du début du confinement jusqu’au 28 mai donc ça a été très compliqué. Les seules audiences c’était des urgences notamment en matière pénale. Il y a donc eu une diminution énorme de nos dossiers. On a reçu des aides de l’État comme la plupart des indépendants. Ce qui pose de grosses difficultés aussi, c’est le retard énorme notamment dans les affaires familiales (divorce, pension alimentaire etc..).

 
 

Face à la surpopulation carcérale, quelle est selon vous la solution la plus urgente ?


Les magistrats ont une tendance à envoyer en prison beaucoup trop à mon sens. Il faudrait penser aux peines alternatives comme le bracelet électronique, le travail d’intérêt général, la semi-liberté (les gens vont juste dormir en maison d’arrêt). Personnellement, je trouve qu’on ne les utilise pas assez.


Après il y a des cas où la prison est indispensable car les faits sont très graves ou lorsque les personnes en sont à leur Xèmes mentions sur le casier judiciaire. Le problème des peines alternatives, c’est qu’il faut du personnel derrière pour pouvoir suivre les gens, les surveiller sauf que la justice n’a pas assez de moyens.


Les conseils pour ceux qui veulent devenir avocat pénaliste


👩‍⚖️ Quelle est la première chose que vous diriez à un étudiant qui s’intéresse à la profession d’avocat en droit pénal ?


Et bien que si ça lui plait vraiment il faut tenter ! Après ce n’est pas une profession facile mais il y a des avantages et surtout celui de la liberté. Je suis mon propre patron, si je n’ai pas envie de travailler un après-midi, je ne travaille pas. Mais d’un autre côté, il ne faut pas compter son temps. Il faut savoir s’organiser.


Le point négatif, puisqu’on n’est pas salarié, c’est qu’il n’y a pas un salaire qui tombe à la fin du mois. C’est très anxiogène et il faut apprendre à vivre avec ça. Tout cela dépend aussi dans la structure où l’on est car personnellement je suis dans un petit cabinet, nous sommes seulement deux.

C’est aussi un métier où il faut aimer les gens, le contact humain.

Je ne dirai pas qu’il faut être sociable car personnellement je suis quelqu’un de timide et réservée mais il faut avoir cette envie de s’intéresser à l’histoire de la personne, à son passé etc.

Est-ce qu’il y a une série sur les avocats que vous recommandez ? Un livre ? Autre ?

Il ne me vient en tête que des séries américaines et le problème c’est que le droit français ne ressemble pas du tout au droit américain.

Il y a une série qui ressemble à la réalité mais ça n’est pas centré sur les avocats c’est

« Engrenages ». En matière de livres, je conseille tous les livres de Badinter plus particulièrement « l’Abolition » ou « l’Exécution.


Sarah Courcelle

 
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