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[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ, 07/07/2022 (accident circulation)


Découvrez un commentaire d'arrêt corrigé sur la responsabilité civile du fait des accidents de la circulation (Cass. 2e civ., 7 juillet 2022, n° 21-10.945). Ce commentaire aborde la présomption de garde de la chose par son propriétaire (régime, exceptions). Cette copie a obtenu la note de 16/20.

 

Sommaire :


 
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N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.


Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.

Commentaire général de l'enseignant : « L’arrêt est bien compris et le commentaire est correct, le raisonnement est bien structuré et pertinent ! »


 

Sujet : Commentaire d'arrêt Cass, 2e civ, 7 juillet 2022


[Accroche] La responsabilité du fait des accidents de la circulation, et plus précisément la responsabilité de l’auteur de l’accident est le problème qui a été soumis à la Cour de cassation le 7 juillet 2022.


[Faits qualifiés juridiquement] En l’espèce, trois personnes étaient à bord d’un véhicule. Le propriétaire de ce véhicule, alors en état d’ébriété, a confié la conduite à son ami. Un accident de la circulation est survenu lors du trajet. Son ami, non propriétaire mais conducteur du véhicule, est donc à l’origine de cet accident. Le dommage a causé à la troisième personne, passagère avant, des blessures, le plaçant en qualité de victime.


[Procédure] La caisse des Vosges, assureur de M. G étant la victime, a engagé une procédure judiciaire à l’encontre du propriétaire du véhicule, M. L. M. L a été condamné en première instance. Il a donc interjeté appel de la décision. La cour d’appel de Nancy l’ayant de nouveau condamné, M. L a formé un pourvoi en cassation. M. L soutient donc que, étant passager à l’arrière de la voiture et étant en état d’ébriété, il n’aurait pu prévenir le dommage contrairement à M. I, alors conducteur, qui disposait de tous les moyens pour éviter cet accident. Quant à M. I, il défend que la cession d’un véhicule pour un court laps de temps n’est pas de nature à transférer la garde au conducteur. 


[Question de droit] Cet arrêt a donc soulevé la difficulté juridique de savoir sous quelles conditions peut-on engager la responsabilité du gardien non conducteur en cas d’accident de la circulation. « La question de droit doit être posée autrement, avec plus de précision ! »


[Solution] La Cour de cassation a d’abord rappelé le principe de présomption simple de garde du propriétaire pour enfin tempérer ce dernier, en relevant que la présomption de garde pouvait être renversée dans certains cas. 


 
 

I/ Présomption simple de garde du propriétaire


Dans un arrêt de principe rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 2 décembre 1994, l’arrêt Franck vient définir la qualité de gardien. En effet, le gardien, défini conformément au droit commun de la responsabilité civile, est celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle » de la chose, ici du véhicule au moment de l’accident. Depuis cet arrêt, la jurisprudence conserve une conception matérielle de la garde, et abandonne la conception juridique existante avant cela.


A) Le rappel du principe par les juges


Les juges, sur le motif de l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, rappellent le principe selon lequel « les victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien de ce véhicule. ». En effet, avant la loi de 1985, la jurisprudence adoptait une toute autre solution. Dans l’arrêt Desmares rendu le 21 juillet 1982, la Cour de cassation jugeait que le gardien de la voiture était responsable du dommage qu’il subissait, sauf en cas de force majeure, et même en cas de faute de la victime. 


À l’unanimité, la doctrine considérait qu’il s’agissait d’un régime inadapté aux accidents de la circulation, jusqu’alors régi par le droit commun de la responsabilité du fait des choses. Ainsi, la loi Badinter est venue combler cette lacune juridique en 1985, en imposant quatre conditions d’application:  Il faut un véhicule terrestre à moteur, circulant sur le sol, muni d’une force motrice et apte au transport des choses ou des personnes.  Il doit être impliqué dans un accident, évènement fortuit imprévu. Plus précisément, dans un accident de la circulation, c’est-à-dire, selon la Cour de cassation, l’exigence que le dommage subi soit lié à la fonction de déplacement du véhicule. L’accident doit avoir fait au moins une victime. Le dommage subi par la victime doit être rattaché à l’accident. Cette loi du 5 juillet 1985 s’applique donc dans cet arrêt, comme le mentionne la Cour de cassation dans ses motivations.


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Un autre principe important rappelé par la Cour de cassation est celui lié à la qualité de gardien. Le principe est que la présomption simple de garde pèse toujours sur le propriétaire de la chose. Le principe est que le propriétaire d’une chose est présumé être son gardien. Cette définition nous vient du droit commun de la responsabilité du fait des choses, soit pas tout à fait notre domaine d’étude mais vient le compléter à juste titre. Comme évoqué ci-dessus, le gardien du véhicule est celui qui exerce les pouvoirs de contrôle, d’usage et de direction. Le gardien est alors toujours présumé propriétaire. C’est ce que rappelle, de manière implicite, la Cour de cassation lorsqu’elle énonce que « le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule ». 


En l’espèce, le propriétaire, passager arrière, avait perdu tout contrôle de son véhicule, ayant cédé les trois pouvoirs définissant le gardien au conducteur. Le gardien, toujours présumé propriétaire, est souvent confondu avec le conducteur, ce qui semble logique. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, comme dans cet arrêt. Si le gardien n’est pas conducteur, le principe veut que le conducteur et le gardien soient condamnés in solidum.


La loi du 5 juillet 1985 a motivé la Cour de cassation dans sa décision, mais elle ne constitue pas la seule règle de droit en l’espèce(« ? ») La jurisprudence et la doctrine jouent également un rôle important dans de tels arrêts de principe.

💡 Bon à savoir : si vous avez besoin de corrections plus détaillées pour améliorer votre méthodlogie juridique, nous proposons un service de correction de copies.

B) L’état du droit


Comme évoqué précédemment, la loi du 5 juillet 1985 a eu une place particulièrement importante au sein de cette décision. En effet, cette loi, dite loi Badinter, est une loi qui protège les victimes de blessures provoquées par des accidents de la circulation, sauf quand elles sont en faute. Elle s’applique à tout accident de la circulation ayant entraîné des dommages corporels, à condition qu’un véhicule terrestre à moteur soit impliqué. Elle vise l’amélioration de la situation des victimes d’accidents et l’accélération des procédures d’indemnisation.


D’après l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1990, « l’arrêt Badinter innove en privilégiant au concept de « causalité » à celui « d’implication ». Il suffit donc qu’un véhicule soit impliqué d’une manière ou d’une autre dans un accident de la circulation pour que son conducteur soit responsable ». La Cour de cassation débute ses motivations en mentionnant l’article 2 de la loi Badinter, qui dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien [de ce] véhicule ». En effet, dans cet article, la loi ne mentionne pas expressément les débiteurs de l’indemnisation, ce qui peut poser problème, notamment relativement aux assurances, comme c’est le cas ici avec la caisse des Vosges ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Marne.  À ce sujet, ce sera à l’article L.211-1 al.2 du Code des assurances que l’on trouvera une réponse. Cet article dispose que « les contrats d’assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. » De ce fait, il paraissait illogique de condamner le propriétaire non conducteur du véhicule directement plutôt que son assureur. Cet article permet également de comprendre pourquoi ce n’est pas la victime, M.G, qui a assigné M.L en réparation de son préjudice, mais la caisse des Vosges. 


Cette décision n’est pas vraiment nouvelle, la majorité des arrêts retiennent tout de même la qualité de gardien du propriétaire non conducteur, resté dans le véhicule en tant que passager en dépit de la conduite par une autre personne lors de la survenance de l’accident. Ce fut le cas dans l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 29 février 2000. Cette décision s’est même vue appliquée à des situations dans lesquelles le caractère de contrôle pouvait être discutable, notamment lors de la demande d’un conducteur ivre faite à un auto-stoppeur de pendre la conduite du véhicule (Cass. Civ. 2e, 2 juil. 1997).


Alors que le gardien du véhicule, du fait des conditions caractérisant la garde, est très souvent également le conducteur, il n’en est pas toujours ainsi. Lorsque le gardien n’est pas conducteur, à qui incombe donc la réparation du préjudice ? P. Malinvaud, dans un ouvrage, a alors écrit « parce qu’elle trouve son fondement dans le risque que crée la situation des véhicules terrestres à moteur, la responsabilité du fait du véhicule impliqué pèse sur ceux qui créent ce risque ». Mais si l’accident n’implique que le véhicule concerné, la question de la responsabilité se pose entre le gardien et le conducteur distincts.



II/ La présomption de garde renversée dans certains cas


Si le gardien est toujours présumé propriétaire, il existe un renversement de la présomption par le propriétaire. En réalité, depuis un arrêt datant du 12 décembre 2002, (« Solution admise bien avant ! ») le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers.


A) L’existence d’un renversement de présomption de garde par le propriétaire


La 2e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 12 décembre 2002. Depuis cet arrêt, le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers.  Pour établir cette existence de transfert, le propriétaire doit prouver un transfert des pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction sur la chose. Toutefois, ce transfert n’est pas admis lorsque le tiers ne bénéficie que d’un usage temporaire de la chose en présence du propriétaire. (Cass. civ. 2e, 28 mars 1994 ; Cass. civ. 2e, 26 nov. 2020)


Telle semble être l’interprétation retenue par la cour d’appel de Nancy, lorsqu’elle motive sa décision de condamner le propriétaire par « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde ». Cette position provient en fait de la jurisprudence antérieure, se montrant fermée à retenir un transfert en cas de présence du propriétaire dans le véhicule. Cependant, cette conception du transfert de la chose provient du droit commun du fait des choses, tandis que les accidents de la circulation, nous l’avons évoqué, nécessitent un régime adapté; celui des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. La cour d’appel de Nancy semble donc avoir ignoré ce régime spécial en statuant ainsi. « Non ! Elle n’a fait qu’appliquer une jurisprudence constante de la Cour de cassation »


Dans l’arrêt étudié, comme le soulignait le pourvoi, le conducteur semblait être en pleine capacité de conduire contrairement au propriétaire du véhicule, se trouvant en état d’ivresse donc potentiellement dangereux sur la route. Le propriétaire n’avait pas toutes les capacités de contrôle, de direction et d’usage de son véhicule à ce moment-là due à sa consommation d’alcool. Pour prévenir le dommage, il a donc transféré ses trois pouvoirs à quelqu’un susceptible d’en faire bon usage, et s’est placé comme passager à l’arrière de la voiture, perdant ses trois pouvoirs de gardien au profit du conducteur. Concernant la cession du véhicule, il s’agit d’une remise volontaire de la chose à un tiers par le propriétaire, donc d’un transfert de la garde puisque ce dernier, en devenant conducteur, avait usage du véhicule, contrôle et direction. De nombreux auteurs tels que A. Cayrol, R. Bigot ou encore F. Gasnier ont apporté une précision à cette notion de transfert. En effet, l’utilisation de la chose n’est pas suffisante, « l’essentiel étant de pouvoir en surveiller et en contrôler l’usage, et donc d’éviter qu’elle ne cause un dommage ». 


La cour d’appel de Nancy a alors effectivement fait défaut de base légale à sa décision en retenant des « motifs impropres à exclure, en considération des circonstances de cause, que le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule », selon la Cour de cassation.


 
 

B) Sens de la décision à la lumière des éléments commentés


Le propriétaire du véhicule en état d’ivresse ayant confié sa voiture à un conducteur en pleine possession de ses moyens se voit condamné à deux reprises, par un tribunal de grande instance puis par la cour d’appel de Nancy. Le propriétaire, conscient que son état n’est pas approprié à la conduite, cède ses responsabilités de conducteur à un ami qui occasionne un accident de la circulation, causant des dommages au passager avant. 


Bien que le principe est la présomption simple de garde du propriétaire, le gardien non conducteur n’était finalement plus en possession des pouvoirs de gardien, à savoir le contrôle du véhicule, la direction et l’usage. Un renversement de présomption s’avère pertinent. Il paraît tout de même illogique de condamner un passager -statut qu’il avait finalement au moment des faits- à des frais exorbitants de réparation du préjudice subi par l’accident causé par un tiers. 


La cour d’appel de Nancy, en motivant sa décision de condamner le propriétaire de la voiture au seul motif que « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde », n’a pas donné de base légale à sa décision selon la Cour de cassation.


En effet, ce texte s’applique surtout au droit commun de la responsabilité du fait des choses. Surtout, le propriétaire est resté passager sans aucun pouvoir, étant ivre et à l’arrière de l’habitacle, et ayant donné sa confiance à son ami apte à conduire. De plus, ce « laps de temps limité » a suffi au conducteur à causer des dommages corporels au passager avant, M.G, et l’on peut supposer sans trop de risques l’existence de dommages matériels sur la voiture accidentée de M.L.


L’erreur qu’a également commise la cour d’appel de Nancy est de ne pas avoir cherché réellement à déterminer qui, de M.L, propriétaire, ou de M.I, conducteur, « était objectivement à même d’empêcher l’accident ». La cour d’appel a alors violé l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 en justifiant sa décision par une affirmation abstraite, sans prendre la peine de se demander qui aurait réellement pu éviter le dommage entre le conducteur, possédant toutes les commandes de la voiture et entre un passager arrière ivre, certes propriétaire, et de ce fait présumé gardien. 


Cet arrêt insiste donc sur la nécessité, pour les juges du fond, de déterminer concrètement, dans chaque situation qui leur sont soumises, si la garde a été transmise par le propriétaire au conducteur du véhicule. Il vient également rappeler l’entière possibilité d’un tel transfert des pouvoirs, détaillé antérieurement. Il s’agit alors d’un arrêt de principe qui vient apporter des précisions sur une loi préexistante (« Pas vraiment ! ») ainsi que sur des arrêts déjà rendus. Les juges précisent ici que le gardien ne peut être considéré conducteur s’il n’a ni usage, ni contrôle, ni direction.


La solution rendue par la Cour de cassation semble plus cohérente, le propriétaire ne disposant pas de moyens d’action au moment des faits et victime par ricochet ne devrait pas être tenu responsable d’un accident de la circulation qu’il n’a pas lui-même causé. Au contraire, il a même souhaité anticiper le danger sachant qu’il était trop alcoolisé pour conduire en toute sécurité, et a donc confié sa voiture à une personne apte à conduire à sa place. Il appartenait donc aux juges du fond de justifier davantage leur décision en démontrant l’absence de transfert des trois pouvoirs permettant de caractériser la garde matérielle du véhicule. 


Cet arrêt permet également de soulever le fait que « la responsabilité est la contrepartie de la maîtrise de la chose ».


 
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