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[COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 20/07/2022 (Identification contrat)


Voici un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en droit administratif portant sur l'identification du contrat administratif. Cette copie a eu la note de 17/20.

 

Sommaire :


 
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N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.


Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.


Commentaire général de l'enseignant : « C’est un excellent travail. Vous avez compris la décision et justifiez vos propos avec des raisonnements juridiques. Vous appliques bien la méthodologie, et critiquez en permanence la décision. Votre II. B) manque en raisonnements juridiques, mais l’idée développé est très intéressante. Vos titres doivent encore gagner en qualité. »



Sujet : CE, 22 juillet 2022, N°457616


[Présentation de l'arrêt] L’arrêt commenté est un arrêt du Conseil d’État en date du 20 juillet 2022, sur le thème de l’identification du contrat administratif.


[Qualification juridique des faits] Une personne privée a conclu une convention avec l’Office national des forêts (ONF) l’autorisant à occuper un terrain pour 9 ans. Le directeur régional de l’ONF, par une décision du 4 octobre 2016, a résilié la convention. L’individu a alors formé des recours gracieux qui ont été rejetés.


[Procédure] Il saisit par la suite le tribunal administratif d’une demande en annulation de la décision de résiliation. Cette demande a été rejetée par le tribunal, l’individu forme alors un appel lui aussi rejeté. Le tribunal s’était estimé compétant en raison de la présence de clauses exorbitantes du droit commun, tout comme la cour administrative d’appel de Bordeaux, même si les deux juridictions rejettent au fond toutes deux le recours. L’individu forme alors un pourvoi devant le Conseil d’État.


[Problème de droit] Le contrat litigieux relève-t-il de la compétence du juge administratif ?


[Solution] Le Conseil d’État rappelle les règles d’identification du contrat administratif en s’attardant sur le critère matériel, c’est-à-dire en recherchant si le contrat comporte des clauses exorbitantes du droit commun. Il rejette cette qualification pour les clauses 2 et 8. Ne trouvant aucune clause exorbitante du droit commun, le Conseil d’État s’estime incompétent pour connaître du litige et rejette la demande.


[Problématique] En quoi le rejet de la qualification de contrat administratif apparaît-elle comme problématique vis-à-vis de la conception classique du critère matériel d’identification ?


[Annonce de plan] À travers cet arrêt, l’enjeu concernait l’identification ou non d’un contrat administratif. Le juge va ici particulièrement s’attarder sur le critère matériel posant une véritable présomption de droit privé (I), il n’en demeure pas moins qu’il fait un usage surprenant de ce critère (II). « Très bien. Il y a une vraie analyse de la décision et du raisonnement du juge administratif. »


 
 

I/ L’affirmation par le juge d’une véritable présomption de droit privé pour certains contrats


« Titre à simplifier pour alléger la tournure. »


[Chapô] Le Conseil d’État se fonde pour affirmer cette présomption sur le critère matériel, c’est-à-dire l’objet du contrat (« Très bien, on voit que vous avez appris et compris votre cours, car vous savez qualifier l'approche du juge ») (A). Toutefois, c’est sur ce même critère qu’il se fonde pour la renverser (B).


A) Le critère matériel comme justification de la présomption


« À reformuler. »


Dans son considérant de principe, le Conseil d’État indique que le contrat « dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine [...] ne met en cause que des rapports de droit privé. ». Le Conseil d’État considère ainsi que les contrats ayant pour objet la gestion du domaine privé d’une personne publique relève du juge judiciaire. Il pose cette présomption de manière quelque peu analogue avec une de ses précédentes décisions (CE, 1993, UAP) (« Très bien de faire le lien avec la jurisprudence !») où il avait posé la présomption d’administrativité, fondée cette fois-là sur le critère organique. Il pose donc ici une présomption inverse fondée sur l’autre critère classique. Cette présomption apparaît néanmoins comme logique, eut égard à l’objet du contrat, à savoir la gestion du domaine privé d’une personne publique. En effet, les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats administratifs par détermination de la loi depuis une ordonnance de 2015. Il est donc logique par un raisonnement a contrario (« Très bien, une vraie analyse du raisonnement !») de considérer que ceux relatifs au domaine privé soient des contrats de droit privé.


Selon le Conseil d’État, l’objet du contrat concerne la « valorisation ou la protection de ce domaine ». Or, cette présomption de droit privé pour ce genre de contrat apparaît légèrement discutable. Le Conseil d’État se fonde sur l’objet du contrat pour affirmer son caractère de contrat de droit privé. Or, la valorisation et la protection de ce domaine peut tout à fait apparaître comme une mission de service public [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la notion de service public]. En effet, la valorisation du territoire d’une commune a déjà été considérée comme une mission de service public (CE, 1984, Maison des isolants) de même que la valorisation par une personne privée du domaine public (CE, ass., 1952, Sieur Dauphin) [Ndlr : Voir la copie du major sur la désaffectation d'un bien du domaine public]. Dès lors, l’affirmation du caractère de contrat de droit privé sur le seul fondement de l’objet du contrat apparaît comme assez expéditive.


[Transition] Ainsi, le Conseil d’État se fonde sur l’objet du contrat pour poser cette présomption. Toutefois, c’est sur le fondement du contenu du contrat, autre composante du critère matériel, qu’il se fonde pour considérer cette présomption comme réfragable.


B) Le critère matériel comme moyen de renverser cette présomption


« Même remarque que pour le A). Mais pour l'idée, encore très bien. Vous avez bien décortiqué le raisonnement du juge ! Sur le fond, vous commentez et faites le lien avec d'autres fondements juridiques permettant de bien inscrire la décision dans un courant juridique, c'est très bien ! »


Le Conseil d’État indique que cette présomption peut être renversée, justifiant sa compétence si le contrat comporte « une clause qui [...] implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». En substance, dès lors que le contrat comporte une clause exorbitante, cela justifie à fonder la compétence du juge administratif [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la compétence du juge administratif]. Ce critère assez ancien (CE, 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges) est fréquemment utilisé (T. confl., 2010, Dumontet par exemple). Ici, le juge d’une manière analogue avec la présomption d’administrativité précédemment mentionnée laisse la possibilité de renverser la présomption si le contrat est exorbitant du droit commun (T. confl., 1999, Commune de Bourisp). Ainsi, le Conseil d’État fait-il un double usage du critère matériel à la fois comme fondement et comme limite de cette présomption, cela étant justifié par leur caractère alternatif (CE, 1956, Epoux Bertin).


Le Conseil d’État en profite pour rappeler la définition d’une clause exorbitante du droit commun : « notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Le Conseil d’État ne fait ici que rappeler la définition qu’il a dégagé quelques années auparavant (CE, ass., 2015, Société AXA France IARD) notamment que pour être qualifiée de clause exorbitante la clause doit être au seul bénéfice de la personne publique (CE, 2010, Société Eveha). Ici ce n’est pas tant la définition qu’il fait des clauses exorbitantes qui est problématique, celle-ci apparaît comme étant dans la suite logique de sa jurisprudence antérieure, mais bel et bien l’usage qui est fait de cette définition.


[Transition] Dans cet arrêt, le critère organique n’est que peu mentionné et c’est bel et bien le critère matériel qui est au coeur de cet arrêt : il est à la fois, dans ses deux facettes, de fondement et de limite à la présomption. Toutefois, le Conseil d’État en refusant de renverser la présomption qu’il a établit en fait un usage audacieux, mais pour le moins discutable.


II/ Un refus de renversement de la présomption surprenant


« Idée de titre très bien mais formulation à revoir. »


Ce refus apparaît comme particulièrement surprenant eut égard à la présence d’un pouvoir de résiliation unilatérale (A). Ce qui ne manquera pas d’interroger sur une éventuelle volonté du juge de consacrer des prérogatives de puissance privée (B).


A) L’indifférence du juge face à certaines clauses


« Intéressant ! Et sur le fond, même remarque qu'au-dessus. La méthodo est vraiment bien appliquée. Le devoir est clair et intéressant !»


Le Conseil d’État s’attelle donc à étudier si le contrat litigieux comporte certaines clauses exorbitantes, il indique ainsi concernant une clause « permettant à l’ONF de résilier le contrat, sans indemnité, ni préavis dans le cas où [...] ». Toutefois, le Conseil d’État ne considère pas qu’il s’agisse ici d’une clause exorbitante. Or, cela ne manque pas d’interroger puisque l’Administration dispose d’un pouvoir de résilier unilatéralement un contrat administratif (CE, 1952, Distillerie de Magnac-Leval). Ce pouvoir étant même considéré comme une règle fondamentale des contrats administratifs impliquant que l’administration dispose de ce pouvoir même en l’absence de clause spécifique dans le contrat.

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Le Conseil d’État étudie également deux autres clauses. La première permettant « de faire réaliser des travaux de remise en état du terrain aux frais du concessionnaire et, d'autre part, habilitant ses agents à contrôler la bonne exécution [...] des obligations lui incombant », la deuxième prévoyait que le particulier doive obtenir une autorisation pour élaguer ou planter des arbres. La jurisprudence avait toutefois précédemment considéré que la nécessité d’une autorisation administrative pour toute installation d’équipement est une clause exorbitante du droit commun (T. confl., 2010, Dumontet). Là encore, en refusant la qualification de ces clauses comme clauses exorbitantes du droit commun, le Conseil d’État fait une curieuse application de sa définition. D’autant qu’il ne s’attarde pas beaucoup plus sur la motivation derrière ces rejets.


[Transition] Le caractère surprenant de ce rejet au vu de la conception classique des clauses exorbitantes et par extension du critère matériel ne manque pas d’interroger sur la pertinence de ce rejet et la consécration implicite de prérogatives de puissance privée.


B) Une consécration implicite de prérogatives de puissance privée


En considérant comme le fait le Conseil d’État que « la contestation de la résiliation de cette convention ressortit à la compétence du juge judiciaire », cela revient à se demander si le Conseil d’État ne consacre pas ce que la doctrine a qualifié de « prérogatives de puissance privée ». En effet, il s’agit d’un contrat de droit privé relatif à la gestion du domaine privé d’une personne publique. Comment justifier dès lors la présence d’une clause de résiliation unilatérale sans indemnisation ni préavis. Il s’agit d’une prérogative de puissance publique qui se retrouve donc au cœur d’un contrat de droit privé, ce qui apparaît comme paradoxal. En droit privé, seul le juge peut prononcer la résiliation d’un contrat. Le refus de qualification en tant que contrat administratif ressemble donc à un serpent qui se mord la queue [Ndlr : Voir une dissertation sur le contrat administratif].


Le Conseil justifie un tel refus, qui revient donc à consacrer des prérogatives de puissance privée, par l’absence de motifs justifiant que « dans l’intérêt général, cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Or, eut égard à ce qui a été avancé ci-dessus et à la faiblesse de l’argumentation du défaut d’intérêt général, cela ne manque pas d’interroger. En effet, l’absence d’indemnité en cas de résiliation apparaît là encore comme surprenant. Cette possibilité n’est prévue que dans le cadre d’une résiliation pour sanction qui doit être assortie d’une mise en demeure. En dehors de ce cas de figure, la résiliation ou la modification unilatérale donne lui à des indemnités (CE, 1952, Distillerie de Magnac-Leval et CE, 1910, Compagnie générale française des tramways).



 
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