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[COMMENTAIRE D’ARRÊT] CE, Juge des référés, 15 décembre 2010


Voici un commentaire d'arrêt en droit administratif portant sur l'ordonnance rendue le 15 décembre 2010 par le juge des référés du Conseil d'État. Il y sera traité le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé ainsi que l'appréciation stricte quant à l’utilisation du référé liberté. Cette copie a obtenu la note de 16,5/20.

 

Sommaire :


 
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N.B : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.


Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.

 

Sujet : L’ordonnance du CE, Juge des référés, 15 décembre 2010, n° 344729


[Accroche] « Des milliers d’enfants ne bénéficient pas d’une prise en charge éducative ou d’une prise en charge éducative adéquate, en dépit des orientations décidées par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Pour remédier à cette difficulté, le droit offre des voies de recours qui peuvent se révéler efficaces. La première d’entre elles est le référé-liberté. » D’après un article de Village de la justice par l’avocat David Taron. La présente ordonnance en constitue la parfaite illustration.


[Faits et procédure] En l’espèce, M et Mme B ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille pour demander l’affectation d’un auxiliaire de vie scolaire pour la scolarisation de leur enfant A…B, qui est handicapé, à l’école primaire sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de la justice administrative.


Par une ordonnance du 19 novembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille fait droit à leur demande et enjoint au ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie éducative d’affecter un auxiliaire de vie scolaire à cet enfant. Et ce, aux motifs que l’absence d’auxiliaire de vie scolaire pour assister l’enfant, constitue une atteinte à une liberté fondamentale, susceptible de faire l’objet d’un référé liberté au sens de l’article L. 521-2.


Le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative conteste alors cette ordonnance directement devant le juge des référés du Conseil d’État, en demandant l’annulation du jugement de première instance ainsi que le rejet des demandes adressées par les requérants M. et Mme B. Il considère que l’intervention du juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l’article L521-2 du Code de justice administrative n’est pas justifiée.


L’étude de cette ordonnance apparait opportune, car cette dernière met en avant la possibilité pour des familles dépourvues de solutions adaptées pour la scolarisation de leurs enfants handicapés de saisir le juge des référés.


[Problématique] La question principale qui se posait au juge en l’espèce était de savoir si le référé liberté était recevable, et donc justifiée. Afin d’y répondre, le juge s’est posé successivement les questions suivantes : l’égal accès à l’instruction pour les personnes handicapées constitue-t-elle une liberté fondamentale ? Par ailleurs, l’absence en l’espèce d’un auxiliaire de vie scolaire pour assister un enfant handicapé est-elle susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale au sens de l’article L-521-2 du Code de justice administrative ?


[Solution] Le juge des référés du Conseil d’État, dans son ordonnance du 15 décembre 2010, fait droit à la demande du ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative, en annulant l’ordonnance du 19 novembre 2010 du juge des référé du tribunal administratif de Marseille et en rejetant la demande de M. et Mme B. Il accepte en ce sens dans un premier temps, de reconnaitre le droit à une scolarisation adaptée pour les enfants handicapés comme une liberté fondamentale susceptible de faire l’objet d’un référé liberté. Mais il estime qu’en l’espèce l’intervention du juge des référés n’est pas justifiée, car de telles circonstances ne peuvent pas caractériser « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 ». Cette condition fondamentale étant absente, il considère que le ministre est fondé à attaquer l’ordonnance du 19 novembre 2010 qui lui enjoignait à tort d’affecter un auxiliaire de vie pour la scolarisation de cet enfant à l’école Saint Joseph de la Madeleine de Marseille.


[Annonce de plan] Ainsi, le juge des référés du Conseil d’État, reconnait comme une liberté fondamentale le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé (I). Cependant, il conserve une appréciation stricte quant à l’utilisation du référé liberté (II).


 
 

I/ La consécration préalable et inédite du droit à la scolarisation pour un enfant handicapé en tant que liberté fondamentale


[Chapô] Au travers de cette ordonnance, le Conseil d’État étend le champ d’application du référé liberté puisqu’il admet l’existence d’une nouvelle liberté fondamentale. En effet, il commence par affirmer que l’égal accès à l’instruction est une exigence constitutionnelle qui s’impose à l’administration (A). Et que dans cette mesure cette exigence est assimilable implicitement a une liberté fondamentale (B).


A) L’égal accès à l’instruction : une obligation explicite de résultat pour

l’administration


« L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est mise en œuvre par les dispositions de l’article L.131-1 du Code de l’éducation. » Le Conseil d’État qualifie donc dans un premier temps l’égal accès à l’instruction « exigence constitutionnelle », en rappelant que l’égal accès à l’instruction est garanti par le 13e alinéa du préambule de la Constitution de 1946, désormais intégré dans le bloc de constitutionalité, au sommet de la hiérarchie des normes. Il s’appuie donc à juste titre sur cet argument pour démontrer et justifier l’importance et la prédominance de ce principe sur les autres nomes de droit commun.


Par la même, il accentue ses propos en se fondant aussi sur un article (article 2) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que sur le Code de l’éducation qui confirme et rappelle une nouvelle fois cette exigence constitutionnelle à l’article L. 131-1 : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. » L’article L 112-1 du Code de l’éducation complète ces dispositions en précisant qu’il est possible de prévoir une formation scolaire pour les enfants handicapés avant l’âge de la scolarité à la condition que la famille en fasse la demande.


Il s’agit donc visiblement d’un principe très important qui se fonde sur de nombreuses sources de droit comme le démontre le juge des référés du Conseil d’État dans son premier considérant [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur le contrôle du juge des référés]. En s’appuyant ainsi sur ce que dit le législateur, il rappelle et confirme que s’impose à l’administration des obligations explicites et précises de résultat. Ces obligations peuvent être traduites par la délivrance de prestation matérielle au besoin, puisqu’elle parle bien de la mise en place par le service public de l’éducation d’une « formation scolaire adaptée » pour les enfants handicapés (article L 112-1 du Code de l’éducation). Le terme « adapté » renvoie aux moyens que doit mettre en place l’administration comme par exemple la mise à disposition d’un auxiliaire de vie scolaire pour l’élève handicapé. De cette façon, le Conseil d’État qualifie explicitement.


À ce propos, au travers de cette ordonnance, le juge des référé du Conseil d’État fait écho implicitement à la jurisprudence Laruelle du 8 avril 2009. En effet, selon cette dernière, « l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu'il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. »


Ainsi, il en ressort que l’obligation d’égal accès à l’instruction, imposée par le législateur à l’administration (« selon les modalités que le législateur a définies »), est une obligation non pas de moyen mais bien une obligation de résultat comme c’est dans le cas en l’espèce. Et dans ce sens, la responsabilité de l’État pourrait être engagée en cas de non-respect d’une telle obligation. [Ndlr : Voir la fiche de l'arrêt Blanco sur la responsabilité de l'Etat]. La question qui se pose alors au Conseil d’État est donc de savoir s’il accepte ou non d’élargir la possibilité de faire un référé liberté pour une telle obligation, très spécifique.



B) L’assimilation implicite de l’exigence d’égal accès à l’éducation à une liberté

fondamentale


« L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. » Le Conseil d’État après avoir longuement consacré l’importance du droit d’égal accès à l’instruction, protégé à la fois par la Constitution mais aussi par un texte international, le reconnait comme étant une liberté fondamentale.


En effet, il fait d’abord état de l’obligation de résultat de la part de l’administration telle qu’elle est prévue par le législateur en ajoutant que si cette obligation n’est pas respectée, le requérant a bien la possibilité de saisir le juge des référés aux termes de l’article L .521-2 : « considérant que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies (…) est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2. » Par l’expression « est susceptible », le Conseil d’État reconnait alors implicitement qu’il consacre le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé comme étant une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de la justice administrative (CJA).


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La notion de liberté fondamentale étant une notion autonome et n’étant pas définie par la loi, c’est le Conseil d’État lui-même qui a du déterminer qu’elles étaient les libertés fondamentales au sens de l’article L.521-2 pour le référé liberté. Ainsi, au travers de ces jurisprudences, il convient de remarquer que la notion de liberté fondamentale renvoie la plupart du temps aux libertés protégées par la Constitution, au niveau européen ou par le droit international en général. C’est de cette manière que le juge administratif a admis au titre des libertés fondamentales invocables dans le cadre du référé liberté (article L.521-2 du CJA), la liberté d’opinion par exemple, dans l’arrêt Casanova du Conseil d’État, le 28 février 2001, n° 374508. Ou encore la liberté d’aller et venir dans l’arrêt du Conseil d’État, Deperthes du 8 janvier 2001, n° 228928, ou celle de la liberté de culte consacrée par l’arrêt du Conseil d’État Benaissa le 16 février 2004, n° 264314.


Néanmoins, le caractère constitutionnel de ce droit d’égal accès à l’instruction ne garantit pas sa considération par le juge comme une liberté fondamentale invocable dans le cadre du référé liberté comme l’illustre certains arrêts. Notamment l’arrêt du Conseil d’État du 8 septembre 2005, Bunel, ou le juge rejette le droit à la santé en dehors du champ du référé liberté, alors que pourtant c’est un droit qui a une valeur essentielle. En outre, le caractère autonome de la notion de liberté fondamentale prend tout son sens, car il appartient au juge de l’identifier d’après les termes de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. Et cette détermination n’est absolument pas tenue du caractère constitutionnel ou essentiel du droit dont il est question.


Toutefois en l’espèce, le juge des référés choisi de suivre le même raisonnement que la jurisprudence du Conseil d’État du 12 janvier 2001, Hyacinthe et Gisti dans laquelle le juge s’appuie sur un fondement constitutionnel pour qualifier le droit d’asile de liberté fondamentale.


Par conséquent, dans cette ordonnance, le fait que ce droit de l’égal accès à l’instruction soit une exigence constitutionnelle consacrée même au niveau européen joue probablement un grand rôle dans la solution du juge même si celui-ci ne se prononce pas explicitement sur le raisonnement qu’il a tenu pour affirmer ce droit comme étant une liberté fondamentale. Par ailleurs, sa solution s’inscrit dans une sorte de mouvement qui tend à concevoir plus largement des libertés méritant d’être protégées dans le cadre du référé liberté. Notamment cette solution s’assimile à l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2013 qui reconnait comme une liberté fondamentale le droit pour les personnes autistes à une prise en charge adaptée.


Le juge des référés du Conseil d’État s’appuie donc sur une base légale et jurisprudentielle qui permet de fonder un raisonnement cohérent et légitime. Cependant, il ne se prononce pas assez explicitement sur la qualification du droit à la scolarisation égale pour tous en tant que liberté fondamentale. Cela peut toutefois s’expliquer par le délais très court (de 48 heures) qu’il lui est impartit pour rendre son ordonnance.


[Transition] Le juge des référés a ainsi reconnu au préalable que le droit mis en cause en l’espèce était bien une liberté fondamentale, et il va donc vérifier que les autres conditions du référé liberté sont bien remplies avant de se prononcer (II).


 
 

II/ L’appréciation conditionnée de la recevabilité du référé liberté


[Chapô] En effet, après avoir identifié la première condition de recevabilité du référé liberté en démontrant implicitement qu’il y a bien une atteinte à une liberté fondamentale, le juge des référés va tout d’abord rappeler les conditions de fond de l’article L521-2 (A) avant d’apprécier si ces conditions sont remplies ou non (B).


A) Le rappel bienvenu des conditions de recevabilité du référé liberté


« La privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, (…) est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L 521-2 du Code de justice administrative. » En effet, l’article L 521-2 mis en place par la loi du 1er juillet 2000, pose la définition du référé liberté : « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » [Ndlr : Voir un commentaire sur la notion de service public].


Ainsi cet article pose successivement les deux conditions cumulatives rappelées par le Conseil d’État dans son considérant 3. D’abord, il précise que pour faire un référé liberté, une simple atteinte à la liberté fondamentale ne suffit pas, il faut qu’il y ait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Le degré de gravité d’une telle atteinte s’apprécie in concreto, au cas par cas par le juge. Cette condition rappelle en quelque sorte au juge du référé liberté que celui-ci n’agit pas en tant que juge de fond et ne peut donc se saisir d’un recours en référé qu’à la condition que le caractère illégal de l’atteinte à la liberté fondamentale lui saute aux yeux, soit flagrante.


En outre, il ne doit pas avoir besoin d’analyser les faits en détail pour apprécier le caractère illégal de l’atteinte. Ce n’est pas son rôle, d’autant plus qu’il se prononce dans un délai extrêmement réduit de quarante-huit heures. Mais cette exigence qui parait pourtant simple en principe, n’a pas permis d’empêcher pour le juge des référés d’être saisi d’affaires délicates. C’est le cas par exemple dans l’affaire Vincent Lambert, où le Conseil d’État va finir par considérer qu’il n’y avait aucune atteinte grave et manifestement illégale dans la décision d’interrompre l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert, ce dernier étant dans un état végétatif depuis son accident de la route en 2008.


Le Conseil d’État fait mention par ailleurs de la deuxième condition prévue par l’article L 521-2 du Code de justice administrative : « sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. » En effet, l’urgence est une condition fondamentale, qui est commune aux trois procédures d’urgences (référé suspension, référé mesures utiles et référé liberté). Le référé liberté est ainsi conditionné par la présence d’une situation d’extrême urgence, auquel renvoie le Conseil d’État par l’expression « urgence particulière ». L’idée pour le juge est de rechercher si l’atteinte à la liberté fondamentale est telle qu’elle rend « nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures ».


Cette condition d’urgence particulière est mise en avant par l’arrêt du Conseil d’État, Commune de Pertuis, de 2003. Ainsi, constitue une situation d’urgence particulière le cas où l’administration aurait commis une atteinte telle qu’elle entrainerait des conséquences difficilement réparables si le juge n’intervenait pas très rapidement dans ce délai. Par conséquent, l’objectif d’une telle condition est qu’elle limite le recours à ce référé liberté aux atteintes vraiment sérieuses, et donc permet de ne pas encombrer le juge des référés administratifs.


Ces deux conditions réunies permettent d’éviter un usage banalisé ou abusif de la procédure du référé liberté. Il restreint son champ d’application aux seules libertés fondamentales au sens de l’article L 521-2 du CJA, tout en permettant tout de même de garantir au maximum la protection des libertés fondamentales. La jurisprudence permet ainsi d’établir un certain équilibre entre les deux. Il semblerait que le juge des référés du Conseil d’État effectue un rappel pédagogique, visant à éclairer le juge des référé du tribunal administratif de Marseille qui présentement s’est avéré indiscipliné ; « contrairement à ce qu’a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Marseille », en confirmant le respect de ces conditions a tort.


[Transition] Le juge des référés dans cette ordonnance poursuit son raisonnement, et apprécie enfin le cas en l’espèce au regard des conditions qu’il vient de rappeler (B).



B) L’absence caractérisée d’une atteinte grave et manifestement illégale à une

liberté fondamentale


Le juge des référés va clôturer son raisonnement en appréciant si oui ou non, l’utilisation en présence du référé liberté est justifiée. Pour cela, après avoir rappelé les conditions qu’il doit contrôler, il évoque par ailleurs, au regard de quels éléments peut-on apprécier la condition d’atteinte grave et manifestement illégale.


« En outre, le caractère grave et manifestement illégal s’apprécie en tenant compte, d’une part de l’âge de l’enfant, d’autre part des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose. » Il convient donc de relever que le juge du Conseil d’État pourra apprécier cette condition en se fondant sur deux éléments : l’âge de l’enfant et les moyens mis en œuvre par l’administration pour remédier au problème. Dans son considérant 4, le Conseil d’État revient sur les faits en les détaillant afin d’apprécier si cette condition d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est bien remplie ou non.


En l’espèce, il convient d’une part de se pencher sur l’âge de l’enfant puisque le juge dit qu’il en tient compte dans sa solution. L’enfant A.B. étant âgé de 3 ans en décembre 2008, il est possible d’en déduire qu’il est âgé de 5 ans environ au moment des faits (en 2010). Pour rappel, à cette époque, avant la nouvelle loi entrée en vigueur le 2 septembre 2019, l’article L.131-1 du Code de l’éducation prévoyait que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. » Par conséquent, l’enfant A. B. dont il est question en l’espèce n’a pas encore atteint l’âge de la scolarité obligatoire. À ce titre, l’obligation de l’égal accès à l’instruction devrait s’atténuer.


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Néanmoins, le juge des référés du Conseil d’État dans sa solution rappelle bien que l’administration « ne saurait se soustraire à ses obligations légales », donc ce n’est pas le cas. Et par « obligation légale », il entend tous les textes qu’il a cité dans son considérant 1. Toutefois, le fait que l’enfant n’ai pas l’âge de la scolarité obligatoire est tout de même pris en compte par le juge des référés dans son appréciation finale puisqu’il dit bien « de telles circonstances ne peuvent caractériser (…) une atteintes grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».


Par ailleurs, concernant le deuxième élément d’appréciation mis en exergue par le juge « des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose », le Conseil d’État admet dans son considérant 5 le fait que l’administration ait tenté d’agir. En effet, après la démission de l’auxiliaire de vie qui assistait l’enfant handicapé A. B. à l’école, le Conseil d’État affirme qu'il ne bénéficie plus d’assistance d’un auxiliaire de vie depuis quelques temps, car « l’administration n’ayant pas pu lui trouver un remplaçant ». Par l’utilisation du verbe pouvoir, le juge des référés met en avant l’impossibilité de l’administration de trouver un remplaçant, ce qui admet qu’elle ait fait des recherches.


Par conséquent, au travers de cette expression, il est possible de comprendre que l’administration a tout fait pour recruter un remplacent. Au-delà de ça, le juge confirme que « toutefois, il demeure scolarisé, en dépit des conditions difficiles de cette scolarisation depuis qu’il n’est plus assisté ». Donc, le fait que l’administration ait maintenu la scolarisation est un élément déterminant puisque de ce fait le juge constate logiquement qu’il ne peut pas caractériser la présence d’une atteinte grave et manifestement illégale.


Enfin, en excluant la présence d’une atteinte grave et manifestement illégale, le juge des référés du Conseil d’État écarte d’office la recevabilité du référé liberté. Néanmoins, ce dernier rappelle tout de même, afin d’être tout à fait complet et compréhensible dans son raisonnement que « par suite, et sans qu’il soit besoin de rechercher si la conditions particulière d’urgence exigée par cet article (L 521-2 du CJA) était remplie, le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés, (…) lui a enjoint d’affecter un auxiliaire de vie scolaire pour la scolarisation de cet enfant ». Il estime donc qu’il n’est pas nécessaire de rechercher la condition d’urgence particulière puisqu’il vient de démontrer que l’une des conditions cumulatives nécessaires pour faire un référé liberté était absente. Le juge tire alors les conséquences logiques de son constat.


En outre, la solution de cette ordonnance n’est pas surprenante, et le raisonnement du juge est complet, cohérent et légitime. De plus c’est une solution qui apparait protectrice des libertés fondamentales et novatrice, moderne dans le sens où elle permet d’en admettre une nouvelle au titre du référé liberté. Dans le même sens, elle est louable puisque le juge justifie parfaitement son raisonnement en se fondant sur des dispositions à la fois légales (art L521-2 du CJA) et jurisprudentielles en appliquant la même logique que les jurisprudences antérieures et en se contentant d’innover sur la reconnaissance d’une nouvelle liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du CJA.


 
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