Découvrez un exemple de corrigé détaillé sur un cas pratique en droit administratif : police administrative, compétence du maire, mesure de police administrative (légalité de la mesure, proportionnalité de la mesure, troubles à l’ordre public…) Et retrouvez des éléments de méthodologie juridique pour réussir vos exercices !
Sommaire :
Nous vous proposons un sujet de cas pratique en droit administratif sur la police administrative. Le corrigé vient après, car l’idéal est évidemment que vous réalisiez l’exercice pour voir ce qui est acquis et ce qui doit être amélioré ! Alors, jouez le jeu et entraînez-vous !
Voici un exemple de sujet cas pratique en droit administratif sur la police administrative :
Jordan est un jeune homme aux idées bien arrêtées. Il n’hésite pas à défendre des positions critiquables et ne se remet jamais en question. En face, Jean-Luc et ses amis se révoltent, ils n’apprécient pas tellement Jordan et ne manquent pas de le faire savoir. Jordan a prévu une conférence pour mettre en avant ses idées radicales sur la nécessité d’éradiquer toutes les licornes, et de permettre l’activité du lancer de femmes violettes et de nains dans sa commune de résidence, Vikok.
Ses discours sont empreints de sexisme, de misogynie et d’agoraphobie. Il est soutenu par Ricco, l’homme connu pour ses propos xénophobes, islamophobes et antisémites. Ce dernier sera présent à la rencontre organisée le 13 septembre, il l’a fait savoir sur les réseaux sociaux. Cela ne manque pas de faire réagir les internautes qui s’opposent fermement à leurs idées farfelues, en particulier celles de Ricco qui n’ont ni queue ni tête. Jean-Luc et ses amis ne comptent pas en rester là et projettent une « rébellion inédite ».
D’autres, plus sages, incitent simplement à l’interdiction de la tenue de cet événement.
Le maire de la commune est inquiet et ne sait pas ce qu’il est tenu de faire dans cette situation relativement tendue.
Corrigé du cas pratique
Voici le corrigé détaillé de votre cas pratique sur la police administrative (droit administratif).
Tout d’abord, procédons classiquement en respectant la méthode de syllogisme juridique et les étapes du cas pratique :
Qualification juridique des faits résumés ;
Problème de droit ;
Développement du syllogisme avec majeure, mineure et conclusion ;
Solution pour répondre au problème de droit.
💡 Bon à savoir : nous aurons besoin de faire plusieurs majeures/mineures/conclusions (syllogismes) afin de proposer un raisonnement clair et construit, grâce à un plan. |
Qualification juridique des faits
Un administré souhaite organiser une conférence pour mettre en avant des idées « radicales » concernant l’extermination de licornes ou encore la mise en place d’une activité de « lancer de femmes violettes ». Il est notoirement connu pour ses discours sexistes, agoraphobes et misogynes et publiquement soutenu par un administré lui-même connu pour des propos beaucoup plus graves (xénophobie, antisémitisme, islamophobie). Ce dernier apporte son soutien au conférencier et fait savoir qu’il se présentera à l’événement, ce qui aboutit à faire réagir les foules qui projettent une « rébellion inédite ». Le maire est démuni et se demande s’il doit intervenir.
Problème de droit
Le maire de la commune peut-il prendre des mesures afin d’interdire cet événement ?
Annonce du plan
Le maire est l’autorité compétente dans la commune pour adopter des mesures de police administrative (I) qui doivent être justifiées par un impératif d’ordre public (II) et légales (III).
Développement du syllogisme
Pour développer ce syllogisme, nous allons découper le cas en plusieurs points, que nous avons annoncés dans le plan.
I/ La compétence du maire
[Majeure] L’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales dispose que « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique, dont en particulier 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques […] ainsi que 2°, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements […] et également 3° le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ».
Dans sa commune, lorsqu’il y en a un, le maire assure la police municipale (art. L. 2215- 1 du CGCT).
[Mineure] En l’espèce, l’événement projeté doit se dérouler dans la « localité » et le « maire » se trouve démuni, raison de sa consultation. Il y a donc un maire élu pour la localité en question qui est une commune. L’événement projeté risque de dégénérer, des rumeurs de rébellion sont notamment évoquées. Le lieu est très probablement un endroit où se fait de « grands rassemblements » compte tenu du type d’événement (conférence). De plus, les tensions qu’ils suscitent pourraient même troubler le passage dans les rues, voire porter atteinte à la tranquillité publique en cas de rixes entre les deux camps qui s’opposent fermement.
[Conclusion] En conséquence, compte tenu des troubles que risque de générer l’événement au sein de la commune, le maire est l’autorité compétente pour prendre une mesure de police municipale afin d’assurer le bon ordre.
II/ La justification de la mesure de police administrative
[Majeure] L’autorité compétente est tenue d’adopter des mesures de police administrative lorsque la mesure de police sollicitée est indispensable pour faire cesser un péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public (CE, 23 octobre 1959, Doublet).
L’autorité de police administrative ne peut, en revanche, adopter des mesures restrictives pour les libertés que si cela se révèle justifié par un motif d’ordre public. Il peut s’agir de faire cesser/éviter une atteinte à la dignité de la personne humaine (CE, 27 octobre 1995, Morsang-sur-Orge), d’autant plus lorsque cette atteinte risque de s’accompagner de troubles matériels à l’ordre public et si l’auteur est connu pour des infractions pénales d’incitation à la haine raciale (CE, ord., 9 janvier 2014, Dieudonné).
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Ces troubles matériels portent notamment atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la tranquillité ou encore à la salubrité (art. L. 2212- 2 du Code général des collectivités territoriales).
La tenue d’une conférence s’inscrit à la fois dans le cadre de la liberté de réunion consacrée par la loi du 30 juin 1881 et de la liberté d’expression consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui a valeur constitutionnelle (Cons. const., décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d’association).
Néanmoins, la loi (lato sensu) peut venir limiter ces droits et libertés si des actions se révèlent nuisibles à la Société (art. 5 de la DDHC).
[Mineure] Dans le cas présent, l’événement projeté est une conférence. Son acteur exerce donc sa liberté d’expression et sa liberté de réunion qui serait restreinte par une mesure d’interdiction adoptée par le maire. Or, ce dernier semble tenu d’intervenir dans la mesure où cet événement suscite de vives réactions et il semblerait que les opposants soient prêts à en découdre, ce qui peut laisser entendre des troubles à la tranquillité, mais aussi à la sécurité des personnes et des biens ; composantes matérielles de l’ordre public.
Aussi, les propos tenus dans le cadre de cet événement semblent se révéler attentatoires à la dignité de la personne (lancer de femmes, fond de xénophobie, de misogynie, etc., pour les supporters de cet événement). Si chacun est libre de s’exprimer et de se réunir, c’est dans les limites posées par la loi. Ainsi, chacun est libre de s’exprimer dans les limites posées dans la protection de l’ordre public, et dans cette espèce, ces propos risquent d’aboutir à des situations de troubles matériels (rébellion inédite, ce qui laisse entendre une intensité particulière).
[Conclusion] Pour conclure, le maire, autorité compétente, semble tenu d’adopter une mesure de police administrative, car la liberté en cause laisse planer un péril particulièrement dangereux pour l’ordre public.
III/ La légalité de la mesure de police administrative
L’autorité qui intervient doit respecter le principe de proportionnalité (B) lorsqu’elle adopte une mesure destinée à canaliser des troubles avérés (A).
A) Des troubles à l’ordre public avérés
[Majeure] Les troubles à l’ordre public sur le fondement desquels la mesure est adoptée doivent être avérés et pas simplement hypothétiques, de simples inquiétudes ne suffisent pas à justifier l’adoption d’une mesure de police (CE, ord., 26 août 2016, Cne de Villeneuve-Loubet).
[Mineure] Dans le cas d’espèce, les troubles évoqués ne relèvent pas de la simple hypothèse, mais d’affirmation des camps opposés qui affirment se lancer dans une rébellion inédite à l’approche de l’événement.
[Conclusion] Par conséquent, les troubles ne sont pas hypothétiques, mais avérés. Le maire est donc tenu d’agir (v. II) en vertu de sa compétence (v. i).
B) Une mesure proportionnée
[Majeure] L’autorité administrative qui intervient doit adopter une mesure proportionnée à l’impératif poursuivi (CE, 19 mai 1933, Benjamin), c’est-à-dire qu’il ne doit pas prendre une mesure drastique si des moyens moins restrictifs peuvent assurer la finalité de protéger l’ordre public.
[Mineure] En l’espèce, le maire n’a encore pas adopté de mesure. La question de la proportionnalité ne se pose pas. Néanmoins, il est possible de lui conseiller d’adopter une mesure d’interdiction complète, car le fond de la conférence est particulièrement orienté en faveur d’un soulèvement qui pourrait générer de violents troubles à l’ordre public. Il pourrait également prévoir suffisamment de force de l’ordre afin de canaliser cette rébellion inédite, mais compte tenu des propos tenus lors de la conférence et des troubles matériels qu’ils provoquent, le maire semble avoir intérêt à simplement l’interdire.
[Conclusion] Pour conclure, nous recommandons au maire d’adopter une mesure d’interdiction qui semble proportionnée à l’objectif poursuivi en l’espèce ; mais il s’expose à un contrôle du juge en cas de contestation par les intéressés et le juge pourrait annuler la mesure s’il la considère disproportionnée.
📚 Méthodologie : ici, plutôt que prendre fermement parti, car il est toujours difficile d’avoir une position bien tranchée lorsque des questions de proportionnalité sont relevées, nous avons fait le choix de justifier une prise de position, en la nuançant et en précisant quelle serait la conséquence si toutefois elle n’était pas retenue. Cela permet d’envisager tous les cas de figure et de proposer un raisonnement complet. Évidemment, il faut veiller à coller aux attentes de vos enseignants. |
Solution pour répondre au problème de droit
Par conséquent, le maire doit prendre (ce n’est plus seulement une faculté, compte tenu des troubles qu’il risque très probablement d’y avoir) une mesure afin de limiter les troubles à l’ordre public. L’interdiction de la conférence semble la mesure la plus proportionnée compte tenu des tensions qu’elle génère avant même sa tenue.
📚 Méthodologie : notez qu’il faut nuancer la réponse (d’où le « semble la plus ») et qu’il pourrait tout à fait être possible de conclure à autre chose à condition de le justifier. |
Comment résoudre un cas pratique en droit administratif ?
Pour résoudre un cas pratique en droit administratif, se contenter de lire le corrigé du cas pratique ne suffit pas. Il est nécessaire d’avoir bien saisi les étapes de la méthodologie afin d’avoir un raisonnement clair et d’avoir compris l’articulation du cours pour l’appliquer avec rigueur.
Rappel des étapes de la méthodologie du cas pratique
Un cas pratique impose de respecter certaines étapes non pas pour « gratter des points », mais pour proposer un raisonnement facile à suivre pour le correcteur. Si c’est un exercice pratique, c’est avant tout un moyen de tester vos réflexes de raisonnement :
Il faut donc penser à qualifier juridiquement, bien que cela ne soit pas imposé (ce qui est dommage) ;
Il faut dégager le problème juridique qui se pose ;
Il faut développer le syllogisme (majeure, mineure, conclusion).
Pourquoi qualifier juridiquement dans un cas pratique ?
La qualification juridique dans un cas pratique vous permet d’être certain d’avoir bien identifié les situations et qualités juridiques. C’est primordial, car pour utiliser correctement vos connaissances, il faut savoir où vous allez.
Si vous voulez utiliser vos ingrédients pour faire un gâteau, il vaut mieux savoir quel gâteau, pour combien de personnes, quelles sont leurs allergies, etc. C’est la même chose en cas pratique !
Hélas, trop d’étudiants passent à côté de cette étape qui — en tant que telle — ne rapporte absolument aucun point (ou très peu, mais croyez-le, on ne vous note pas sur le « résumé des faits ») ; mais qui conditionne le reste de votre raisonnement (syllogisme) et donc de votre devoir.
Par exemple, dans notre cas, Jordan, Jean-Luc et Ricco sont devenus des administrés. Pourquoi ? Parce que leur qualité n’affecte pas nécessairement la résolution du cas, donc nous avons choisi un terme neutre. En revanche, nous avons préféré les qualifier afin d’éviter de les mélanger au risque de perdre complètement la cohérence du propos. |
Comment trouver le problème de droit dans un cas pratique ?
Pour trouver le problème de droit dans un cas pratique, il convient d’abord de qualifier les situations et les parties (ce qu’on évoquait ci-dessus) afin de savoir qui veut quoi.
C’est de cette manière que vous saurez identifier ce qui pose problème dans le cas soumis à votre étude. Il n’y a pas de recette miracle, il faut connaître son cours et pratiquer pour être de plus en plus aguerri.
Comment développer son syllogisme juridique ?
Pour bien développer votre syllogisme, il convient de dérouler majeure, mineure et conclusion.
Le syllogisme juridique, c’est la matérialisation de votre raisonnement, il faut y apporter un soin particulier. Sachez qu’en principe, vous obtenez rarement des points seulement pour réciter les fondements (majeure) et donner la bonne solution (conclusion). Ce qui va intéresser votre correcteur, c'est la façon dont vous connectez ces deux parties : la mineure.
D’abord, la majeure vous impose de sélectionner les fondements juridiques les plus appropriés pour résoudre le problème, et rien qu’eux : inutile de tergiverser, vous n’aurez pas de point et risquez même d’en perdre si votre propos devient nébuleux.
Ensuite, en mineure, vous les confrontez à votre cas d’espèce. Il s’agit de concrétiser la règle juridique abstraite grâce aux faits soumis à votre étude : de l’appliquer.
Enfin, vous concluez naturellement pour répondre à la question posée.
Par exemple : ● MAJEURE → en cas de trouble à l’ordre public, il est envisageable de restreindre les droits et libertés qui y porteraient atteinte (voir le cas 1) ; ● MINEURE → dans cette espèce, le comportement des individus risque de porter atteinte à l’ordre public car « … » (ici, vous justifiez par rapport aux faits en argumentant) ; ● CONCLUSION → ainsi, l’interdiction de ce spectacle, qui porte atteinte à « … » (ici, l’on cite le droit ou la liberté que l’on a évoquée en majeure) peut être interdit*. *À nuancer, nous vous renvoyons au cas 1, car il y a des questions de proportionnalité, nous avons simplifié pour l’illustration. |
Comment comprendre l’articulation d’un cours de droit administratif ?
Pour comprendre l’articulation d’un cours en droit administratif, il faut se référer au plan.
Il faut d’abord comprendre les grands principes qui régissent la matière et l’approche retenue par l’enseignant qui dispense le cours de droit administratif. Ils sont généralement énoncés en introduction, c’est la raison pour laquelle il vaut mieux ne pas négliger la compréhension de l’introduction (en revanche, l’apprendre ne sert pas à grand-chose*).
Il faut nuancer, parfois les introductions se révèlent être un début de raisonnement où l’enseignant pose les termes clés qu’il convient de bien mémoriser pour pouvoir bien exploiter le reste du cours.
Ensuite, vous pouvez commencer par analyser les grands titres du plan pour voir comment l’enseignant a décidé de vous enseigner la matière : vous parle-t-il d’abord des activités de l’action administrative (la police administrative et le service public) ? A-t-il préféré envisager les moyens de l’action administrative (les actes administratifs unilatéraux et le contrat administratif) ? Oriente-t-il son raisonnement autour de l’encadrement de l’action de l’administration (contentieux, légalité) ?
Enfin, vous pouvez vous « attaquer » aux détails en analysant les sous-titres et sous-parties de votre plan.
C’est seulement lorsque vous connaissez intégralement le plan que vous pouvez tenter d’apprendre votre cours.
Cette méthode vous permet de comprendre votre cours qui sera naturellement plus facile à appliquer pour réaliser un cas pratique en droit administratif.
Voici notre réponse à la question « comment résoudre un cas pratique en droit administratif » ! Alors, qu’attendez-vous ? Allez vous amuser avec ce cours.
Et voici notre dernier petit conseil : pensez à utiliser des annales corrigées en droit administratif pour L2 que vous pouvez trouver dans des livres dédiés et scannés en PDF. Plus vous vous entraînerez, plus vous progresserez !
D’ailleurs, vous y trouverez probablement aussi de la dissertation en droit administratif, un bon moyen de s’entraîner à tous les exercices phares de l’année de L2 en la matière.
Article rédigé par une enseignante en Droit administratif
(attachée temporaire d'enseignement et de recherche)
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