Et voici ce que tu cherchais, cher pépin !
(plein de contenus faits avec amour ❤️)
-
Annales
-
Quiz Juridiques
-
Intro. Générale au Droit
-
Droit Administratif
-
Droit des Biens
-
Droit Commercial
-
Droit Constitutionnel
-
Droit des Contrats
-
Droit des Contrats Spéciaux
-
Institutions Juridictionnelles
-
Droit de la Famille
-
Droits et libertés fondamentaux
-
Droit Pénal
-
Droit des Personnes
-
Droit Privé
-
Responsabilité Civile
-
Droit des Sociétés
-
Droit des sûretés
-
Droit du Travail
-
Droit de l'UE
-
Procédure Civile
-
Procédure Pénale
396 résultats trouvés avec une recherche vide
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ, 07/07/2022 (Accident circulation)
Cours de droit > Cours de Droit Responsabilité Civile Découvrez un commentaire d'arrêt corrigé sur la responsabilité civile du fait des accidents de la circulation (Cass. 2e civ., 7 juillet 2022, n° 21-10.945). Ce commentaire aborde la présomption de garde de la chose par son propriétaire (régime, exceptions). Cette copie a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ Présomption simple de garde du propriétaire A) Le rappel du principe par les juges B) L’état du droit II/ La présomption de garde renversée dans certains cas A) L’existence d’un renversement de présomption de garde par le propriétaire B) Sens de la décision à la lumière des éléments commentés N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « L’arrêt est bien compris et le commentaire est correct, le raisonnement est bien structuré et pertinent ! » Sujet : Commentaire d'arrêt Cass, 2e civ, 7 juillet 2022 [Accroche] La responsabilité du fait des accidents de la circulation, et plus précisément la responsabilité de l’auteur de l’accident est le problème qui a été soumis à la Cour de cassation le 7 juillet 2022. [Faits qualifiés juridiquement] En l’espèce, trois personnes étaient à bord d’un véhicule. Le propriétaire de ce véhicule, alors en état d’ébriété, a confié la conduite à son ami. Un accident de la circulation est survenu lors du trajet. Son ami, non propriétaire mais conducteur du véhicule, est donc à l’origine de cet accident. Le dommage a causé à la troisième personne, passagère avant, des blessures, le plaçant en qualité de victime. [Procédure] La caisse des Vosges, assureur de M. G étant la victime, a engagé une procédure judiciaire à l’encontre du propriétaire du véhicule, M. L. M. L a été condamné en première instance. Il a donc interjeté appel de la décision. La cour d’appel de Nancy l’ayant de nouveau condamné, M. L a formé un pourvoi en cassation. M. L soutient donc que, étant passager à l’arrière de la voiture et étant en état d’ébriété, il n’aurait pu prévenir le dommage contrairement à M. I, alors conducteur, qui disposait de tous les moyens pour éviter cet accident. Quant à M. I, il défend que la cession d’un véhicule pour un court laps de temps n’est pas de nature à transférer la garde au conducteur. [Question de droit] Cet arrêt a donc soulevé la difficulté juridique de savoir sous quelles conditions peut-on engager la responsabilité du gardien non conducteur en cas d’accident de la circulation. « La question de droit doit être posée autrement, avec plus de précision ! » [Solution] La Cour de cassation a d’abord rappelé le principe de présomption simple de garde du propriétaire pour enfin tempérer ce dernier, en relevant que la présomption de garde pouvait être renversée dans certains cas. I/ Présomption simple de garde du propriétaire Dans un arrêt de principe rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 2 décembre 1994, l’ arrêt Franck vient définir la qualité de gardien. En effet, le gardien, défini conformément au droit commun de la responsabilité civile, est celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle » de la chose, ici du véhicule au moment de l’accident. Depuis cet arrêt, la jurisprudence conserve une conception matérielle de la garde, et abandonne la conception juridique existante avant cela. A) Le rappel du principe par les juges Les juges, sur le motif de l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, rappellent le principe selon lequel « les victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien de ce véhicule. ». En effet, avant la loi de 1985, la jurisprudence adoptait une toute autre solution. Dans l’arrêt Desmares rendu le 21 juillet 1982, la Cour de cassation jugeait que le gardien de la voiture était responsable du dommage qu’il subissait, sauf en cas de force majeure, et même en cas de faute de la victime. À l’unanimité, la doctrine considérait qu’il s’agissait d’un régime inadapté aux accidents de la circulation, jusqu’alors régi par le droit commun de la responsabilité du fait des choses. Ainsi, la loi Badinter est venue combler cette lacune juridique en 1985, en imposant quatre conditions d’application: Il faut un véhicule terrestre à moteur, circulant sur le sol, muni d’une force motrice et apte au transport des choses ou des personnes. Il doit être impliqué dans un accident, évènement fortuit imprévu. Plus précisément, dans un accident de la circulation, c’est-à-dire, selon la Cour de cassation, l’exigence que le dommage subi soit lié à la fonction de déplacement du véhicule. L’accident doit avoir fait au moins une victime. Le dommage subi par la victime doit être rattaché à l’accident. Cette loi du 5 juillet 1985 s’applique donc dans cet arrêt, comme le mentionne la Cour de cassation dans ses motivations. Un autre principe important rappelé par la Cour de cassation est celui lié à la qualité de gardien. Le principe est que la présomption simple de garde pèse toujours sur le propriétaire de la chose. Le principe est que le propriétaire d’une chose est présumé être son gardien. Cette définition nous vient du droit commun de la responsabilité du fait des choses, soit pas tout à fait notre domaine d’étude mais vient le compléter à juste titre. Comme évoqué ci-dessus, le gardien du véhicule est celui qui exerce les pouvoirs de contrôle, d’usage et de direction. Le gardien est alors toujours présumé propriétaire. C’est ce que rappelle, de manière implicite, la Cour de cassation lorsqu’elle énonce que « le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule ». En l’espèce, le propriétaire, passager arrière, avait perdu tout contrôle de son véhicule, ayant cédé les trois pouvoirs définissant le gardien au conducteur. Le gardien, toujours présumé propriétaire, est souvent confondu avec le conducteur, ce qui semble logique. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, comme dans cet arrêt. Si le gardien n’est pas conducteur, le principe veut que le conducteur et le gardien soient condamnés in solidum. La loi du 5 juillet 1985 a motivé la Cour de cassation dans sa décision, mais elle ne constitue pas la seule règle de droit en l’espèce . ( « ? ») La jurisprudence et la doctrine jouent également un rôle important dans de tels arrêts de principe. B) L’état du droit Comme évoqué précédemment, la loi du 5 juillet 1985 a eu une place particulièrement importante au sein de cette décision. En effet, cette loi, dite loi Badinter, est une loi qui protège les victimes de blessures provoquées par des accidents de la circulation, sauf quand elles sont en faute. Elle s’applique à tout accident de la circulation ayant entraîné des dommages corporels, à condition qu’un véhicule terrestre à moteur soit impliqué. Elle vise l’amélioration de la situation des victimes d’accidents et l’accélération des procédures d’indemnisation. D’après l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1990, « l’arrêt Badinter innove en privilégiant au concept de « causalité » à celui « d’implication ». Il suffit donc qu’un véhicule soit impliqué d’une manière ou d’une autre dans un accident de la circulation pour que son conducteur soit responsable ». La Cour de cassation débute ses motivations en mentionnant l’article 2 de la loi Badinter, qui dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien [de ce] véhicule ». En effet, dans cet article, la loi ne mentionne pas expressément les débiteurs de l’indemnisation, ce qui peut poser problème, notamment relativement aux assurances, comme c’est le cas ici avec la caisse des Vosges ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Marne. À ce sujet, ce sera à l’article L.211-1 al.2 du Code des assurances que l’on trouvera une réponse. Cet article dispose que « les contrats d’assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule . » De ce fait, il paraissait illogique de condamner le propriétaire non conducteur du véhicule directement plutôt que son assureur. Cet article permet également de comprendre pourquoi ce n’est pas la victime, M.G, qui a assigné M.L en réparation de son préjudice, mais la caisse des Vosges. Cette décision n’est pas vraiment nouvelle, la majorité des arrêts retiennent tout de même la qualité de gardien du propriétaire non conducteur, resté dans le véhicule en tant que passager en dépit de la conduite par une autre personne lors de la survenance de l’accident. Ce fut le cas dans l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 29 février 2000. Cette décision s’est même vue appliquée à des situations dans lesquelles le caractère de contrôle pouvait être discutable, notamment lors de la demande d’un conducteur ivre faite à un auto-stoppeur de pendre la conduite du véhicule (Cass. Civ. 2e, 2 juil. 1997). Alors que le gardien du véhicule, du fait des conditions caractérisant la garde, est très souvent également le conducteur, il n’en est pas toujours ainsi. Lorsque le gardien n’est pas conducteur, à qui incombe donc la réparation du préjudice ? P. Malinvaud, dans un ouvrage, a alors écrit « parce qu’elle trouve son fondement dans le risque que crée la situation des véhicules terrestres à moteur, la responsabilité du fait du véhicule impliqué pèse sur ceux qui créent ce risque ». Mais si l’accident n’implique que le véhicule concerné, la question de la responsabilité se pose entre le gardien et le conducteur distincts. II/ La présomption de garde renversée dans certains cas Si le gardien est toujours présumé propriétaire, il existe un renversement de la présomption par le propriétaire. En réalité, depuis un arrêt datant du 12 décembre 2002 , ( « Solution admise bien avant ! ») le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers. A) L’existence d’un renversement de présomption de garde par le propriétaire La 2e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 12 décembre 2002. Depuis cet arrêt, le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers. Pour établir cette existence de transfert, le propriétaire doit prouver un transfert des pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction sur la chose. Toutefois, ce transfert n’est pas admis lorsque le tiers ne bénéficie que d’un usage temporaire de la chose en présence du propriétaire. (Cass. civ. 2e, 28 mars 1994 ; Cass. civ. 2e, 26 nov. 2020) Telle semble être l’interprétation retenue par la cour d’appel de Nancy, lorsqu’elle motive sa décision de condamner le propriétaire par « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde ». Cette position provient en fait de la jurisprudence antérieure, se montrant fermée à retenir un transfert en cas de présence du propriétaire dans le véhicule. Cependant, cette conception du transfert de la chose provient du droit commun du fait des choses, tandis que les accidents de la circulation, nous l’avons évoqué, nécessitent un régime adapté; celui des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. La cour d’appel de Nancy semble donc avoir ignoré ce régime spécial en statuant ainsi . « Non ! Elle n’a fait qu’appliquer une jurisprudence constante de la Cour de cassation » Dans l’arrêt étudié, comme le soulignait le pourvoi, le conducteur semblait être en pleine capacité de conduire contrairement au propriétaire du véhicule, se trouvant en état d’ivresse donc potentiellement dangereux sur la route. Le propriétaire n’avait pas toutes les capacités de contrôle, de direction et d’usage de son véhicule à ce moment-là due à sa consommation d’alcool. Pour prévenir le dommage, il a donc transféré ses trois pouvoirs à quelqu’un susceptible d’en faire bon usage, et s’est placé comme passager à l’arrière de la voiture, perdant ses trois pouvoirs de gardien au profit du conducteur. Concernant la cession du véhicule, il s’agit d’une remise volontaire de la chose à un tiers par le propriétaire, donc d’un transfert de la garde puisque ce dernier, en devenant conducteur, avait usage du véhicule, contrôle et direction. De nombreux auteurs tels que A. Cayrol, R. Bigot ou encore F. Gasnier ont apporté une précision à cette notion de transfert. En effet, l’utilisation de la chose n’est pas suffisante, « l’essentiel étant de pouvoir en surveiller et en contrôler l’usage, et donc d’éviter qu’elle ne cause un dommage ». La cour d’appel de Nancy a alors effectivement fait défaut de base légale à sa décision en retenant des « motifs impropres à exclure, en considération des circonstances de cause, que le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule », selon la Cour de cassation. B) Sens de la décision à la lumière des éléments commentés Le propriétaire du véhicule en état d’ivresse ayant confié sa voiture à un conducteur en pleine possession de ses moyens se voit condamné à deux reprises, par un tribunal de grande instance puis par la cour d’appel de Nancy. Le propriétaire, conscient que son état n’est pas approprié à la conduite, cède ses responsabilités de conducteur à un ami qui occasionne un accident de la circulation, causant des dommages au passager avant. Bien que le principe est la présomption simple de garde du propriétaire, le gardien non conducteur n’était finalement plus en possession des pouvoirs de gardien, à savoir le contrôle du véhicule, la direction et l’usage. Un renversement de présomption s’avère pertinent. Il paraît tout de même illogique de condamner un passager -statut qu’il avait finalement au moment des faits- à des frais exorbitants de réparation du préjudice subi par l’accident causé par un tiers. La cour d’appel de Nancy, en motivant sa décision de condamner le propriétaire de la voiture au seul motif que « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde », n’a pas donné de base légale à sa décision selon la Cour de cassation. En effet, ce texte s’applique surtout au droit commun de la responsabilité du fait des choses. Surtout, le propriétaire est resté passager sans aucun pouvoir, étant ivre et à l’arrière de l’habitacle, et ayant donné sa confiance à son ami apte à conduire. De plus, ce « laps de temps limité » a suffi au conducteur à causer des dommages corporels au passager avant, M.G, et l’on peut supposer sans trop de risques l’existence de dommages matériels sur la voiture accidentée de M.L. L’erreur qu’a également commise la cour d’appel de Nancy est de ne pas avoir cherché réellement à déterminer qui, de M.L, propriétaire, ou de M.I, conducteur, « était objectivement à même d’empêcher l’accident ». La cour d’appel a alors violé l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 en justifiant sa décision par une affirmation abstraite, sans prendre la peine de se demander qui aurait réellement pu éviter le dommage entre le conducteur, possédant toutes les commandes de la voiture et entre un passager arrière ivre, certes propriétaire, et de ce fait présumé gardien. Cet arrêt insiste donc sur la nécessité, pour les juges du fond, de déterminer concrètement, dans chaque situation qui leur sont soumises, si la garde a été transmise par le propriétaire au conducteur du véhicule. Il vient également rappeler l’entière possibilité d’un tel transfert des pouvoirs, détaillé antérieurement. Il s’agit alors d’un arrêt de principe qui vient apporter des précisions sur une loi préexistante ( « Pas vraiment ! ») ainsi que sur des arrêts déjà rendus. Les juges précisent ici que le gardien ne peut être considéré conducteur s’il n’a ni usage, ni contrôle, ni direction. La solution rendue par la Cour de cassation semble plus cohérente, le propriétaire ne disposant pas de moyens d’action au moment des faits et victime par ricochet ne devrait pas être tenu responsable d’un accident de la circulation qu’il n’a pas lui-même causé. Au contraire, il a même souhaité anticiper le danger sachant qu’il était trop alcoolisé pour conduire en toute sécurité, et a donc confié sa voiture à une personne apte à conduire à sa place. Il appartenait donc aux juges du fond de justifier davantage leur décision en démontrant l’absence de transfert des trois pouvoirs permettant de caractériser la garde matérielle du véhicule. Cet arrêt permet également de soulever le fait que « la responsabilité est la contrepartie de la maîtrise de la chose ».
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3e civ., 16/03/2011 (Devoir d'information)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats L'arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2011 porte sur le devoir d'information et sur les sanctions de la réticence dolosive. Voici un exemple de commentaire d’arrêt corrigé en droit des obligations qui a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ Le devoir d’information comme devoir de loyauté A) L’existence d’un devoir de loyauté B) Une anticipation de la violation d’un devoir d’information II/ Les conséquences du manquement au devoir de loyauté A) L’existence possible d’une réticence dolosive B) Les sanctions possibles N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l’enseignant : « Réflexion claire et construite » Sujet : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 mars 2011 [Présentation de l’arrêt ] Il s’agit d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 16 mars 2011, relatif à la réticence dolosive et le devoir d’information dans la conclusion de contrats de vente. [Qualification juridique des faits et procédure] En l’espèce, deux vendeurs concluent une vente à un acquéreur par un acte authentique du 13 février 2002. La vente porte sur un pavillon vendu à une certaine somme. L’acquéreur réalise des travaux de rénovation dans ce pavillon. Il découvre la présence d’amiante, par conséquent, il demande la désignation d’un expert en référé qu’il obtient. L’acquéreur assigne les vendeurs en dommages-intérêts sur le fondement de la réticence dolosive. Une décision de première instance a lieu, suite à laquelle un appel est interjeté. La cour d’appel d’Orléans, par un arrêt du 9 novembre 2009 accueille la demande et condamne les vendeurs à des dommages-intérêts égaux au coût des travaux de désamiantage. Les vendeurs se pourvoient alors en cassation. Les demandeurs au pourvoi reprochent à la cour d’appel de statuer par des motifs inopérants et en violation de la loi en établissant que les deux vendeurs avaient une connaissance certaine de la présence d’amiante dans le pavillon vendu. Ils lui reprochent également de ne pas tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation de la loi, en estimant que au nom de l’obligation de loyauté, les vendeurs avaient l’obligation d’informer l’acquéreur de la présence d’amiante, alors que cette obligation a été introduite que postérieurement à la vente. [Moyens] Ils lui reprochent aussi de violer la loi en retenant que le consentement de l’acquéreur avait été vicié pendant la vente par l’absence d’information, alors que la découverte de l’amiante a eu lieu après la formation du contrat. Enfin, ces demandeurs reprochent à la cour d’appel de violer la loi, en les condamnant à des dommages-intérêts pour le préjudice subit, alors qu’ils n’étaient tenus à aucune obligation d’information et que l’acquéreur n’avait pas expressément exprimé sa volonté d’acheter un immeuble sans amiante. [Problème de droit] La question posée à la Cour de cassation est la suivante : le manquement au devoir d’information, même sans obligation légale peut-il entraîner l’existence d’une réticence dolosive ? [Solution] La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que, d’une part, malgré l’absence d’une obligation légale, il y a une obligation de loyauté, empêchant les vendeurs de dissimuler la présence d’amiante dont ils avaient connaissance et que si l’acquéreur en avait eu connaissance, il n’aurait pas conclu dans les mêmes conditions et que cette dissimulation est intentionnelle entrainant une réticence dolosive imputable aux vendeurs. Et d’autre part, que la cour d’appel a bien caractérisé la certitude du préjudice causé par la dissimulation des risques encourus par l’acquéreur, entrainant la condamnation en dommages-intérêts. [Annonce de plan] Le devoir d’information est considéré par la Cour de cassation comme un devoir de loyauté (I) , son manquement entrainant l’existence d’une réticence dolosive devant être sanctionnée (II) . I/ Le devoir d’information comme devoir de loyauté [Chapô] L’existence d’un devoir de loyauté (A) , anticipe la consécration d’un devoir d’information (B). A) L’existence d’un devoir de loyauté La Cour de cassation énonce dans son premier attendu que « le vendeur [est] tenu à un devoir général de loyauté ». Même si le terme de devoirs de loyauté est utilisé ici, il est également question de bonne foi, car la bonne foi impose selon la doctrine à minima la loyauté. Ce qui peut être considéré comme le fait de ne pas tromper son cocontractant dont l’objectif d’en tirer le plus grand bénéfice. Ce devoir de loyauté, ou de bonne foi entraine deux conséquences que la Cour de cassation énonce dans son premier attendu, à savoir que le vendeur ne doit pas dissimuler un fait dont il a connaissance, fait qui, est le cocontractant en avait eu connaissance, l’aurait fait renoncer à conclure le contrat dans les mêmes conditions. Afin de vérifier s’il y a un manquement à ce devoir de loyauté, il faut prouver que le fait est connu par les vendeurs et qu’il est déterminant du consentement du cocontractant. En l’espèce, les vendeurs avaient connaissance de la présence d’amiante car comme le constate la cour d’appel, l’un des vendeurs à cause de son âge avancé de 82 ans savait qu’à l’époque, il était utilisé de l’amiante massivement , d’autant plus qu’il détenait les contrats, devis, factures de travaux au pavillon en précisant l’utilisation (moyen 1) et l’autre vendeur en avait connaissance ayant assisté à la construction du pavillon (moyen 2). Enfin, l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il avait su, l’amiante pouvant être dangereux pour la santé (« connaissance obligation génénérale d’information : défaut d'information ») . Il y a donc bien un manquement au devoir de loyauté. B) Une anticipation de la violation d’un devoir d’information La Cour de cassation énonce expressément l’existence d’un devoir de loyauté, cela car « aucune obligation légale spécifique » n’imposait aux vendeurs d’informer de la présence d’amiante. Cette utilisation de la loyauté ne sera plus nécessaire après la consécration par la réforme du 1er octobre 2016 d’un devoir pré-contractuel d’information à l’article 1112-1 du Code civil (« codification ») . En effet, ce devoir se repose sur les mêmes bases que ce devoir de loyauté car l’information doit porter sur un fait connu du contractant, un fait déterminant du consentement du cocontractant, un fait ne portant pas sur la valeur de la prestation et un fait légitimement inconnu du cocontractant. Malgré l’ajout de quelques conditions, cela est similaire à ce que la Cour de cassation a énoncé mais sous une appellation différente. Par conséquent, après l’entrée en vigueur de la réforme de la réforme, la solution en l’espèce serait restée la même. Une solution logique permettant la protection de la partie faible. [Transition ] Le manquement à ce devoir entraîne diverses conséquences. II/ Les conséquences du manquement au devoir de loyauté [Chapô] Le manquement peut entrainer une réticence dolosive (A) , ainsi que des sanctions (B). A) L’existence possible d’une réticence dolosive Le manquement au devoir de loyauté n’implique pas forcément l’existence du vice de consentement, du dol et en particulier de la réticence dolosive. En effet, le dol est le fait de tromper son cocontractant, ce qui entrainera une erreur de ce dernier, cela signifie qu’il aura une perception de son achat différente de la réalité. Pour qu’il y ait un dol comme la Cour de cassation l’exprime, il faut d’une part un élément intentionnel, l’intention volontaire de tromper, et d’autre part un élément matériel, des manœuvres, un mensonge ou la réticence dolosive. En l’espèce, la Cour de cassation (« cour d'appel ») estime que le fait a été, « intentionnellement dissimulé » par les vendeurs dans son premier attendu et le fait qu’ils aient volontairement dissimulé un élément déterminant du consentement de l’acquéreur qu’ils connaissaient, caractérise la réticence dolosive et donc avec ces deux conditions cumulatives, le vice de consentement du dol. Ce raisonnement sera plus clairement exprimé après la réforme de 2016 dans les articles 1136 et suivants du Code civil. B) Les sanctions possibles Le manquement à ce devoir d’information peut entrainer la responsabilité civile (« extra ») contractuelle. Pour cela, il faut une faute, un préjudice et un lien de causalité. En l’espèce comme l’énonce la Cour de cassation, implicitement, la faute correspond à la dissimulation de l’information, le préjudice, à la certitude du risque auquel est exposé l’acquéreur lors des travaux, et le lien de causalité est le fait que la dissimulation elle-même entraine ce risque. Dans ce cas, la sanction des dommages-intérêts est possible, c’est ce qui a été décidé par la cour d’appel et confirmé par la Cour de cassation. Cependant, une autre sanction est possible. En effet, le dol ayant été caractérisé le contrat ne respecte pas une condition de validité. Et même si en principe, le vice de consentement doit être caractérisé au moment de la formation du contrat, l’utilisation d’éléments postérieurs est possible car l’amiante était présente au moment de la conclusion, même si découverte après. Par conséquent, la nullité relative du contrat entier aurait pu être possible, en plus des dommages-intérêts, mais cela n’a pas été demandé par l’acquéreur.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Arrêt Faurecia 2010 (Droit des contrats)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats Découvrez un commentaire d'arrêt portant sur l'arrêt Faurecia (2010) en droit des contrats (note : 16/20). Nous traiterons d'abord de la licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle puis de l’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde. Cette copie vous aidera à mieux comprendre la méthode de commentaire d'arrêt. 🤗 Sommaire : I - La licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle A. L’abandon d’une jurisprudence réputée non-écrite toute clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle B. Le seuil de la clause limitative de réparation : la clause contredisant l’obligation essentielle du débiteur II - L’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde A. La faute lourde non retenue, application de la jurisprudence dégagée par la chambre mixte B. L’appréciation de la gravité du comportement de l’auteur de la faute N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 L’arrêt étudié est un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 juin 2010. La Cour de cassation a dû, à l’occasion de cet arrêt, se prononcer sur la validité des clauses limitatives de réparation ainsi que sur l’appréciation des fautes lourdes susceptibles de les paralyser. Cet arrêt, rendu en chambre seule, nous empêche de parler de revirement de jurisprudence. Néanmoins, il a le mérite de rompre avec la jurisprudence antérieure en ce qu’il confirme un arrêt de résistance rendu après cassation. [Faits] La société Faurecia a conclu un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation avec la société Oracle le 29 mai 1998 ainsi qu’un contrat de mise en œuvre en juillet 1998, pour bénéficier du logiciel V 12 qui devait être disponible en septembre 1999. En 2000, la société Faurecia, qui n’avait pas reçu le logiciel, a cessé de régler ses redevances. [Procédure] La société France Finance assigne la société Faurecia en paiement. La société Faurecia appelle la société Oracle en garantie puis assigne celle-ci aux fins de résolution pour inexécution des contrats conclus. La cour d’appel a fait application d’une clause limitative de responsabilité pour limiter la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia, l’arrêt a été partiellement cassé par un arrêt du 13 février 2007. Statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, par un arrêt du 26 novembre 2008, a fait derechef application de la clause limitative de responsabilité au profit de la société Oracle. La société Faurecia se pourvoit en cassation. [Moyens] La société Faurecia fait grief à l’arrêt d’une part, d’avoir fait application de la clause limitative de réparation alors que la société Oracle a manqué à son obligation essentielle tenant à la livraison du logiciel et qu’elle ne justifiait aucune faute imputable à la société Faurecia, ni un cas de force majeur. D’autre part d’avoir considéré que la clause limitative de responsabilité au motif qu’elle aurait été librement négociée et acceptée par la société Faurecia. Enfin, que le plafond de la clause de limitation d’indemnisation n’était nullement dérisoire, et n’avait pas pour objet de décharger la société Oracle de son obligation essentielle ou même de vider son obligation de sa substance. [ Problème de droit ] La clause limitative doit-elle être réputée non écrite en ce qu’elle s’applique à une obligation essentielle ? Peut-elle être écartée en raison du retard de livraison du logiciel V12 par la société Oracle à la société Faurecia ? [ Solution ] La Cour de cassation répond par la négative en rappelant d’une part que seule une clause qui contredit la portée de l’obligation essentielle à la charge du débiteur est réputée non écrite. Et d’autre part qu’un simple manquement à une obligation essentielle du contrat n’est pas de nature à neutraliser la clause limitative de réparation. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris en date du 26 novembre 2008. Une clause limitative de responsabilité doit-elle être réputée non écrite au motif qu’elle limite la réparation d’un manquement à une obligation essentielle ? Le seul manquement à une obligation essentielle du contrat, est-il de nature à caractériser une faute lourde paralysant la clause limitative de réparation ? [Annonce de plan] Il nous faudra d’une part étudier la licéité de la clause limitative de réparation qui vient limiter les indemnités dues en cas de manquement à une obligation essentielle (I) et d’autre part si le manquement à une obligation contractuelle est suffisant pour caractériser une faute lourde (II). I. La licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle Dans cette partie nous axerons notre étude sur la licéité des clauses limitatives de réparation portant sur une obligation essentielle (II), décision de la Cour de cassation abandonnant une tendance jurisprudentielle antérieure (I). A. L’abandon d’une jurisprudence réputée non-écrite toute clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle La clause limitative de réparation est une clause « ayant pour objet de limiter par avance la réparation qui pourrait être due par un contractant en cas d’inexécution de son obligation contractuelle » selon la formule de Charles-Edouard BUCHER. La jurisprudence antérieure à l’arrêt commenté avait tendance à réputer, de façon systématique, une telle clause comme non écrite sur le fondement de l’absence de cause dès lors que ladite clause s’appliquait à une obligation essentielle. C’est d’ailleurs la première solution donnée au litige par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 13 février 2007. Pour un autre exemple, c’est ce raisonnement qu’avait déjà effectué la Cour de cassation dans un arrêt de la saga Chronopost du 30 mai 2006 en reprochant aux juges de fond de na pas avoir vérifié « si la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait la société Chronopost […] ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d’un manquement […] à une obligation essentielle du contrat ». En effet, il était considéré qu’une telle clause avait pour effet de décharger directement le débiteur d’une obligation à laquelle il venait de s’engager, lui laissant ainsi la possibilité de manquer à ses obligations en étant peu sévèrement puni, la réparation ne pouvant dépasser le montant fixé par la clause. Cette prise de position, certes protectrice des intérêts du créancier, portait une atteinte injustifiée à la liberté contractuelle des parties et constituait un obstacle à une éventuelle répartition du risque qui pouvait être voulu par les contractants. L’arrêt commenté a donc été accueilli avec soulagement par la doctrine en ce qu’il confirme l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris le 26 novembre 2008, considéré comme un arrêt de résistance face à l’éviction systématique des clauses limitatives de responsabilité. Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme qu’une clause limitative de responsabilité est applicable même lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle mais pose toutefois une limite, de sorte que le débiteur ne puisse pas être directement déchargé de son obligation, cas de figure redouté par la jurisprudence antérieure. B. Le seuil de la clause limitative de réparation : la clause contredisant l’obligation essentielle du débiteur La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, précise que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». La juridiction suprême rompt avec les jurisprudences antérieures en ce qu’elle admet l’application des clauses limitatives de réparation aux manquements affectant les obligations essentielles du contrat, avec pour limite tout de même que cette clause limitative de réparation ne vide pas l’obligation de sa substance. Ici la Cour de cassation adopte une solution équilibrée conjuguant liberté contractuelle et sécurité du créancier. Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation semble en effet confirmer une position qu’elle avait déjà adoptée en 1996 dans un arrêt Chronopost ( n°93-18632 ). La Cour avait jugé « qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle de la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ». En l’espèce, la Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel en considérant que la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat d’espèce n’est pas de nature à vider l’obligation essentielle de la société Oracle de sa substance mais qu’elle reflète « la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait », la répartition des risques étant l’objectif premier de ce type de clause. La Cour d’appel effectue en outre une appréciation de la somme à indemniser qui ne doit pas être illusoire, en l’espèce la somme de 200.000€ n’a pas été considérée comme illusoire. Cette solution a été réitérée ( Cass.com n°12-26412 ) et nous pouvons relever qu’elle est désormais consacrée par l’article 1170 du C.civ dans sa rédaction résultant de la réforme du 1er octobre 2016. En outre, cet arrêt Faurecia est considéré par la doctrine comme « une victoire d’étape » pour la clause limitative de réparation, puisque la juridiction suprême n’apporte pas de précision sur la notion d’obligation essentielle. Par ailleurs, l’article 1170 n’apporte pas non plus de précision sur l’obligation essentielle, il reviendra donc aux juges du fond d’apprécier au cas par cas si la clause limitative de responsabilité est de nature à vider ou non l’obligation de sa substance. Si cet arrêt nous apprend qu’une clause limitative de réparation peut être réputée non écrite qu’à la condition qu’elle contrevienne à l’obligation essentielle, une autre question peut être soulevée ; celle de savoir si un manquement à une obligation essentielle du contrat peut à lui seul paralyser l’efficacité de la clause limitative de responsabilité. II. L’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde Dans cette partie, notre analyse portera sur la faute lourde, faute sur laquelle la Cour de cassation portait une appréciation objective (I) ce qui posait quelques difficultés de proportionnalité la conduisant à opérer une opérer une appréciation subjective (II). A. La faute lourde non retenue, application de la jurisprudence dégagée par la chambre mixte La société demanderesse a logiquement tenté de paralyser la clause limitative de réparation qui lui était défavorable. Dans cette hypothèse, la clause est valable mais ne s’applique pas en raison de la faute lourde du débiteur, le défaut de livraison en l’espèce. Néanmoins, la société Faurecia n’obtient pas satisfaction puisque la juridiction suprême juge que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle ; fût-elle essentielle ». Il faut rappeler ici qu’avant 2005, une conception objective de la faute lourde était adoptée par la jurisprudence. En effet, un manquement à une obligation essentielle suffisait à caractériser celle-ci de faute lourde et par la même, neutraliser la clause limitative de réparation. Cette conception a été abandonnée par deux arrêts de 2005 rendus en chambre mixte (n°02-18326 et n° 03-14112) car telle appréciation de la faute lourde, aurait eu pour conséquence de paralyser la clause limitative de réparation pour tout manquement à une obligation essentielle du contrat sans considération de la gravité de ce manquement, pouvant aboutir à une disproportion entre le manquement et ses conséquences. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, suit à la lettre le sillage donné par les arrêts précités. En l’espèce, la société Faurecia demandait réparation de son préjudice résultant d’un retard de livraison, néanmoins ce retard dans la livraison (retard dans l’obligation essentielle), n’a pas été considéré par la Cour de cassation comme une faute lourde, tout comme ce fût le cas dans l’arrêt n°03-14112 du 22 avril 2005. On comprend aisément cette solution, il aurait été contradictoire pour la Cour de cassation de paralyser la clause limitative de réparation pour manquement à une obligation contractuelle alors même qu’elle venait justement d’admettre l’application de cette clause aux obligations essentielles. Cela aurait eu pour effet d’annuler « la victoire d’étape » de la clause limitative de responsabilité, du moins en l’espèce, puisque la clause aurait été paralysé et n’aurait donc pas produit d’effets. Il est nécessaire de s’intéresser à la façon dont la Cour de cassation apprécie la faute lourde désormais, c’est-à-dire de façon subjective. B. L’appréciation de la gravité du comportement de l’auteur de la faute L’appréciation qui doit être faite de la faute lourde est bien une appréciation subjective et non plus une appréciation objective se limitant à constater un manquement à une obligation essentielle du contrat. La juridiction suprême le précise d’ailleurs dans le conclusif de l’arrêt commenté : « la faute lourde […] doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». Là encore, la chambre commerciale de la Cour de cassation fait une application parfaite de la solution donnée à l’arrêt (n°03-14112) rendu le 22 avril 2005 par la chambre mixte de la Cour de cassation qui avait indiqué que la faute lourde se caractérise par « une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle ». Ainsi, un manquement à une obligation essentielle ne traduisant pas l’inaptitude du débiteur de l’obligation ne sera pas de nature à paralyser la clause limitative de responsabilité, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, une faute lourde ne peut résulter du seul retard de livraison du logiciel par la société Oracle à la société Faurecia, ce qui justifie l’application de la clause limitative de réparation. La solution n’est encore une fois pas nouvelle, elle avait été dégagée par l’arrêt susmentionné (n°03-14112). Pour un autre exemple dans ce sens, la faute lourde « ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard » (arrêt ch.mixte n°02-18326). A contrario , le professionnel qui omet d’assurer la ventilation nécessaire et de placer des absorbeurs à l’intérieur d’un conteneur contenant des meubles, et faisant escale en Malaisie, ou le climat est humide, commet une faute lourde neutralisant la clause limitative de réparation (arrêt Cass 1ère civ n°13-21980). Aucune disposition du code civil ne fait mention des différents types de fautes susceptibles d’intervenir dans les relations contractuelles, c’est la jurisprudence qui s’est chargée d’opérer les distinctions et de les hiérarchiser. Il revient donc au juge, d’apprécier souverainement et au cas par cas, la nature de la faute d’une partie au regard de son comportement. L’intérêt de pouvoir paralyser cette clause en cas de faute lourde est d’éviter qu’un contractant soit négligeant tout en étant assuré de ne pas réparer le préjudice de son cocontractant au-delà du seuil fixé. Encore une fois, la juridiction suprême concilie les intérêts de chacune des parties.
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 12/03/2008 (Usucapion)
Cours de droit > Cours de Droit des Biens Voici un exemple de commentaire d'arrêt en droit des biens. Le commentaire porte sur l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 mars 2008. Il porte sur l'usucapion d'une servitude dde surplomb et sur l'atteinte à la propriété d'autrui. La copie a obtenu la note de 17/20. Sommaire : I/ L’admission inattendue de l’usucapion d’une servitude de surplomb A) La préalable réticence à l’acquisition d’une servitude de surplomb par prescription trentenaire B) Un revirement inédit fondé sur l’utilité esthétique de la corniche II/ La mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation des juges pour retenir une solution discutable A) L’atteinte critiquable à la propriété d’autrui B) L’avenir incertain de cette consécration jurisprudentielle N.B : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Sujet : Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008 [Accroche] La jurisprudence demeure depuis longtemps attachée à une conception absolutiste de la puissance de la propriété. Toutefois, ponctuellement, elle est venue admettre l’empiètement, notamment en matière de servitude de surplomb comme l’illustre parfaitement l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008. [Faits et procédure] En l’espèce, dans cet arrêt il était question d’un immeuble sur lequel était construit une corniche qui dépassait sur le terrain voisin, ce dernier appartenant à la société Clairsienne d’HLM. À l’issue d’une longue période d’au minimum trente ans, les époux X, propriétaires de l’immeuble en question ont assigné la société Clairisenne d’HLM afin de se voir reconnaître juridiquement une servitude de surplomb qu’ils ont acquis par prescription trentenaire, du fait de la corniche construite sur leur immeuble, et ce, dans le but de s’opposer à des travaux envisagés par cette société qui étaient de nature à porter atteinte à la servitude invoquée. [Procédure] L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt en date du 30 octobre 2006, fait droit à la demande des époux X aux motifs que « le fonds des époux X, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». C’est dans ces conditions que la société Clairsienne d’HLM forme un pourvoi en cassation aux moyens que d’une part une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui et que d’autre part le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une servitude sur un autre fonds. [Problématique] La question qui se posait alors aux juges de la troisième chambre civile était de savoir dans quelles mesures une servitude peut-elle conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ? En outre, cela revenait à se demander s’il était possible d’usucaper une servitude de surplomb. [Solution] En date du 12 mars 2008, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Clairsienne d’HLM en confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, aux motifs « qu’ayant relevé que la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l'immeuble, lequel, de type "chartreuse", ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s'intégrait pour être surmontée d'une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton et souverainement retenu qu'elle présentait un avantage pour l'usage et l'utilité du fonds des époux X..., en ce qu'elle faisait partie de l'architecture même de leur immeuble, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'agrément, en a exactement déduit que le fonds des époux X..., qui pouvaient se prévaloir d'une possession utile, bénéficiait d'une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». [Annonce de plan] Dans cet arrêt inédit, les hauts magistrats du quai de l’horloge ont admis de manière inattendue l’usucapion d’une servitude de surplomb (I) grâce à leur pouvoir souverain d’appréciation, et ce, en dépit de l’atteinte qu’une telle servitude provoque à la propriété d’autrui (II) . I. L’admission inattendue de l’usucapion d’une servitude de surplomb [Chapô] En effet, la jurisprudence ancienne, avait de manière constante manifestée la puissance de la propriété en refusant d’admettre les servitudes d’empiètement (A) . Toutefois, en 2008, la Cour de cassation a changé soudainement de positionnement en admettant l’usucapion d’une telle servitude au regard du fait qu’elle présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds servant (B) . A) La préalable réticence à l’acquisition d’une servitude de surplomb par prescription trentenaire « Le fonds des époux X…, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». De cet extrait, il convient de retenir que la Cour admet en l’espèce la prescription acquisitive d’une servitude, ce qui n’a pourtant pas toujours été la position retenue par la jurisprudence, bien au contraire. Il convient ainsi dans un premier temps de procéder à la définition de l’usucapion [ Ndlr : voir un cours sur l'usucapion ], qui correspond en outre, à la prescription acquisitive qui est le mécanisme juridique qui transforme l’usage non équivoque, paisible et continu d’un bien en possession opposable à tous à l’issue de l’écoulement du délai de prescription. Pour que la prescription puisse jouer il faut que celle-ci soit pleinement constituée tant dans ses éléments matériels que psychologiques. L’article 2258 du Code civil dispose ainsi que « La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». Mais également la possession doit être utile, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être viciée d’après l’article 2261 ; ni par un vice de clandestinité, ni par un vice de violence, de discontinuité ou encore d’équivoque. Dans cet arrêt, l’usucapion concerne plus particulièrement une servitude qui correspond quant à elle à une charge entre deux fonds appartenant à deux propriétaires différents. La servitude est ainsi un droit réel qui appartient au propriétaire du fonds dominant reconnu sur le fonds servant. À ce propos, le Code civil consacre une définition de cette notion à l’article 637 qui dispose « qu’une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La servitude doit être distinguée de l’usufruit quand bien même il s’agit-il de deux hypothèses de démembrement du droit réel de propriété. La première différence est que la servitude ne peut porter que sur des héritages c'est-à-dire au sens du Code civil que sur des immeubles alors que l’usufruit peut porter sur n’importe quelle chose. La deuxième différence est que la servitude est attachée à un fonds et est perpétuelle, tandis que l’usufruit est nécessairement temporaire. La servitude directement visée par l’arrêt du 12 mars 2008 est une servitude de surplomb, soit une servitude qui confère un droit réel pour le propriétaire du fonds dominant sur le dessus du sol du fonds dominant, comme par exemple des gouttières qui empièteraient sur le terrain voisin en vertu d’une telle servitude. Les servitudes peuvent être acquises et constituées de diverses manières mais celle qui concernait l’arrêt en présence était relative à la constitution d’une servitude par la possession, par prescription acquisitive. La possibilité d’invoquer l’acquisition d’une servitude par usucapion est en principe assez restreinte, puisque dans un premier temps seule la prescription trentenaire est admise et que dans un second temps les articles 690 et 691 prévoient clairement que seules les servitudes continues et apparentes sont susceptibles d’être usucapées par la possession trentenaire. Cela s’explique en grande partie en raison des caractères de la propriété, reconnue comme étant absolue, perpétuelle et exclusive et qui excluent donc logiquement l’usucapion des servitudes d’empiètement. La jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation semblait abonder dans ce sens. En effet, « la servitude ne peut cependant pas porter atteinte, d’une façon qui ne pourrait qu’être perpétuelle, au droit de jouissance absolu reconnu, par l’article 544 du Code civil, à la propriété ». En ce sens, la Cour de cassation dans un arrêt de 2001 a considéré qu’une « servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ». De plus, cette solution loin d’être la seule en ce sens, avait été prononcée pour la première fois dans un arrêt du 24 mai 2000 selon lequel « une servitude ne peut être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété ». Enfin cette position protectrice du droit de propriété avait été réitérée en 2003 dans un arrêt dont les faits étaient identiques aux faits de l’espèce. De plus, au regard de ces trois jurisprudences, le rapport annuel de 2004 de la Cour de cassation en avait déduit que « la servitude d’empiètement est bannie du droit français, qui n’admet pas que l’empiètement puisse se pérenniser à l’abri de la notion de servitude » et que par conséquent « cette conception restrictive de la notion de servitude condamne les servitudes de surplomb ». L’enjeu de cet arrêt de 2008 était alors d’établir un revirement de jurisprudence en revenant sur sa position, ce qui permettrait de consacrer l’usucapion jusqu’ici prohibée d’une servitude de surplomb qui empiète sur la propriété d’autrui. [Transition] Ainsi à la lumière de cette position antérieure constante de la Cour de cassation en faveur de la protection de la propriété, ce revirement soudain apparaît comme étant inédit (B). B) Un revirement inédit fondé sur l’utilité esthétique de la corniche « La corniche avait été édifiée (…) avec l’immeuble, lequel, de type chartreuse, ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait ». De cet extrait transparaît la volonté de la part de la troisième chambre civile de justifier son revirement jurisprudentiel conséquent au regard de l’utilité esthétique de la corniche des avis du reste de l’immeuble afin d’admettre et de fonder l’existence d’une servitude de surplomb au profit des époux X, sur le fonds voisin appartenant à la société Clairsienne d’HLM. Toutefois, concernant la notion de servitude, et sa conception, la doctrine est divisée. Certains soutiennent en effet qu’il convient de relativiser les limites que la servitude peut apporter au propriétaire du fonds servant, et d’autres à l’inverse dénoncent le danger de consentir au propriétaire du fonds dominant les avantages, sans les obligations de l’usufruit, voire d’opérer à son profit implicitement un véritable transfert de propriété. De plus, l’auteur Charles Demolombe avait observé à propos des servitudes que ces dernières « procuraient au fonds qui en bénéficiait un avantage d’une plus grande importance que ne l’était l’inconvénient subi par le fonds assujetti ». C’est semble-t-il dans le sens de cette dernière observation que s’inscrit la solution de la Cour de cassation de ce 12 mars 2008. En effet, la société Clairsienne d’HLM dans son pourvoi, invoquait le fait qu’une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui mais aussi qu’au regard de l’article 637 du Code civil le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une telle servitude sur un autre fonds puisque cet article prévoit qu’une « servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage ou l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La Cour de cassation face à ses moyens invoqués par la société oppose qu’il appartient aux juges du fonds de la Cour d’appel le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant. Par conséquent elle rappelle en réponse à cette critique de l’utilité, que les juges de la cour d’appel avaient « souverainement retenus » que la corniche objet du litige « présentait un avantage pour l’utilité et l’usage des époux X… en ce qu’elle faisait partie de l’architecture même de leur immeuble ». Mais le fait que cette corniche appartienne à l’architecture du bâtiment ne résout rien selon Forest car cela ne préjuge pas de son utilité pour le reste de l’immeuble. Mais cet auteur retient tout de même que l’utilité requise par l’article 637 du Code civil peut reposer sur la seule esthétique, en considérant que en l’espèce la corniche objet du litige servait de support à une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton. En effet, il est possible d’admettre de telles servitudes privées en faisant un parallèle avec les servitudes d’utilité publiques dont la loi de 1913 pour la protection des monuments historiques a admis qu’il pouvait s’agir de « servitudes esthétiques ». En effet, comme il convient de l’observer dans la solution de cet arrêt, l’utilité d’une servitude pour le fonds dominant qui est une condition déterminante de son existence fait l’objet d’une appréciation assez souple par les juges du fonds. On retient par conséquent que « la servitude n’a pas à être indispensable au fonds dominant ». En ce sens Forest tout comme la Cour de cassation considère que la critique émise par le pourvoi tenant à l’inutilité d’un élément décoratif était doublement inopérante puisque de plus il a été admis très tôt par la jurisprudence que « le simple agrément suffit à justifier l’existence d’une servitude » . En outre cette solution revient donc bien à admettre qu’une servitude de surplomb puisse être acquise par usucapion trentenaire sur le fondement d’une possession utile exercée par les propriétaires du fonds dominant sur une corniche surplombant le fonds voisin en relevant que cet ornement architectural présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds des époux X. La Cour consacre donc l’existence d’une catégorie de servitudes « qu’on croyaient définitivement condamnées » comme le relèvent certains auteurs. Ainsi, la Cour de cassation fait l’emporter la servitude de surplomb sur la règle stricte applicable en matière d’empiètement et ce « dans le souci légitime de ne pas risquer la destruction d’un semblant architectural de grande qualité esthétique ». [Transition ] Mais toutefois, la solution rendue par la Cour de cassation ne répond pas et n’écarte pas définitivement la première critique adressée par le pourvoi relative à l’empiétement d’une telle servitude de surplomb sur la propriété d’autrui (II). II. La mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation des juges pour retenir une solution discutable [Chapô] En outre, une telle décision de la part de la Cour de cassation a été vivement critiquée par la doctrine des avis surtout de l’atteinte à la propriété qu’elle provoque (A) . En conséquence, au regard de ces éléments, certains auteurs déduisent alors qu’il s’agit en réalité d’un arrêt d’espèce dont la solution n’a pas forcément vocation à être réitérée (B) . A) L’atteinte critiquable à la propriété d’autrui En effet, sur la critique de l’empiètement, le rejet du pourvoi par la Cour de cassation est plus problématique. Cela se justifie au regard la solution donnée par la Cour de cassation en 2008 qui revient à admettre un empiètement sur le fonds voisin, car une servitude de surplomb s’apparente effectivement à un empiètement dans le sens où elle se manifeste par le dépassement de la propriété du dessus du fonds servant. La doctrine analyse donc cette solution retenue par la troisième chambre civile, qui s’inscrit comme étant un revirement de jurisprudence opéré après une jurisprudence constante et logique qui se voulait protectrice du droit de propriété et en déduit que cette dernière manque de cohérence des avis de sa jurisprudence antérieure. Sur ce point, il convient de rappeler qu’une jurisprudence récente par rapport à l’arrêt avait marqué son désaccord ferme à l’égard d’une solution en faveur de l’empiètement. Par ailleurs et dans le même sens, la Cour de cassation avait jugé que « tout propriétaire est en droit d’exiger la démolition d’un ouvrage qui empiète sur sa propriété, si minime que soit l’empiètement » dans un arrêt de la troisième chambre civile en date du 20 mars 2002, peu important que cet empiétement ait été commis de bonne foi d’après la troisième chambre civile dans son arrêt du 29 février 1984. Ainsi, l’arrêt en l’espèce est une exception à ce qu’avait admis de manière rigoureuse la jurisprudence en matière d’empiètement. De plus, cette solution est vivement critiquée par la doctrine, car en admettant un tel empiètement, elle porte atteinte au caractère absolu du droit de la propriété. La propriété est un droit fondamental et elle a été affirmé à de multiples reprises comme étant effectivement absolue, exclusive (dans le sens ou ses avantages et ses utilités sont réservées au propriétaire) et enfin perpétuelle car cette dernière ne s’éteint pas par le non-usage et l’action en revendication n’est pas susceptible de prescription extinctive. À ce titre, l’article 545 du Code civil prévoit que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». Cet article est une reprise de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela justifie en partie la position très stricte à l’origine de la part de la Cour de cassation sur les servitudes d’empiètement, tout comme l’article 552 alinéa premier du code civil qui prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus », qui exclut en toute logique, en principe, les servitudes de surplomb. À ce propos, la doctrine tente de relativiser cette règle en relevant le fait que « il est vrai que l’empiètement « dans les airs » n’est peut-être pas aussi gênant qu’un empiètement sur le sol, mais il reste sans aucun doute qualifiable comme tel ». Cet arrêt constitue donc par conséquent « une fissure non colmatée » à la construction qu’avait fermement tenue la haute juridiction jusqu’au présent arrêt. À l’inverse, cette décision semble être défendable, voir même justifiée pour certains auteurs qui défendent indirectement la Cour de cassation en disant et en rappelant « qu’il aurait pu paraître paradoxal à la Cour de cassation qu’une même corniche, ancienne de plus de trente ans, puisse être condamnée à la démolition parce qu’elle n’avait pu être considérée sous l’angle de la propriété ». [Transition ] Ainsi, l’atteinte à la propriété qu’opère cette solution inédite en admettant la prescription trentenaire d’une servitude de surplomb a-t-elle vocation à être réitérée par la Cour de cassation où est-ce davantage un arrêt exceptionnel applicable aux faits de l’espèce et qui ne constitue pas réellement un revirement de jurisprudence ? (B) B) L’avenir incertain de cette consécration jurisprudentielle La Cour de cassation dans cet arrêt de 2008, s’efforce de justifier sa solution au maximum en la rendant adaptée aux faits de l’espèce pour, comme énoncé précédemment, favoriser l’intégrité de l’immeuble qui forme un tout avec la corniche sur le plan architectural et permettre ainsi la conservation de la qualité esthétique du bâtiment ; « la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l’immeuble, lequel, de type « chartreuse », ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait pour être surmontée d’une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton ». De ce long extrait de la solution, transparaît de façon évidente la volonté implicite de la Cour de cassation de rendre applicable l’empiètement sur la propriété d’autrui par une servitude de surplomb seulement aux cas de l’espèce, en précisant bien que l’appréciation de l’avantage pour l’usage et l’utilité conférée aux propriétaires du fonds dominant sur le fonds servant appartient souverainement aux juges du fonds. Ainsi cette solution n’admet pas pour autant qu’une telle appréciation sera opérée de manière souple, cela peut s’observer notamment car depuis 2008 aucun arrêt de la Cour de cassation n’est venue réitérer cette solution. Par ailleurs, la doctrine partage ce point de vue. En effet à la question faut-il annoncer un revirement de jurisprudence au travers de cet arrêt ? L’auteur Forrest invoque la prudence à cet égard et pour deux raisons ; l’une tenant au fait qu’un arrêt du 19 septembre 2007 « dément toute idée d’assouplissement de l’hostilité traditionnelle dont la Cour de cassation fait preuve à l’égard de l’empiètement en considérant que cet empiètement fait obstacle à la mitoyenneté ». Et l’autre, la solution rendue le 12 mars 2008 lui semble difficilement dissociable des particularités de l’espèce. Par conséquent ceci explique peut-être, d’après lui, une « hésitation-toute passagère- à trancher en faveur de l’empiètement, cette qualification appelant une destruction inéluctable de l’ouvrage ». Par ailleurs et dans le même sens d’autres auteurs considère que « l’institution de l’usucapion sauve la situation dans cette affaire (…) mais il ne faut pas forcément en déduire que les servitudes de surplomb auront désormais bonne presse auprès de la Cour de cassation, celle-ci ayant pris soin de justifier en l’espèce, rigoureusement sa solution sur le fondement de l’utilité esthétique de la corniche pour le fonds dominant ». Cela est souligné de manière évidente lorsque la troisième chambre de la Cour de cassation évoque implicitement qu’il reviendra dans chaque espèce « aux juges du fonds le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant ». Enfin, la chronique de la Cour de cassation publiée au recueil Dalloz en 2008, elle-même rapporte que « D'aucuns penseront sans doute que cette décision n'est pas promise à un grand avenir, tant se développe aujourd'hui une nouvelle forme de démembrement de propriété, la propriété en volumes, qui dissocie la propriété du dessus et du dessous, et on devine sans peine que certains volumes pourront, en tout ou partie, notamment sous la forme de corniches, surplomber le fonds d'un tiers. Lorsque ce tiers n'aura pas consenti à la perte de partie de sa propriété (celle du dessus) au profit du volume, même minime, qui la surplombe, la difficulté pourra, le cas échéant, se trouver résolue par l'application classique des règles de l'usucapion ». Par conséquent au vu de tous ces éléments longuement évoqués et au vu des théories doctrinales, il apparaît plus vraisemblable que cet arrêt du 12 mars 2008 ne soit pas un arrêt de principe marquant un revirement de jurisprudence comme on aurait pu le penser à première vue, mais qu’il ait davantage vocation à être un arrêt d’espèce en ce qu’il admet simplement le pouvoir souverain des juges pour apprécier au cas par cas un empiètement sur la propriété d’autrui.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 22/02/2007, APREI (Service public)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif L'arrêt du 22 février 2007 du Conseil d'État « APREI » porte sur la notion de service public avec les critères traditionnels d'identification et les critères complémentaires en l'absence de prérogatives de puissance publique. Voici un exemple de copie de cet arrêt qui a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ La persistance incontestable de la démarche d’identification traditionnelle au service public A) L’inaltérable rappel de la primauté de la qualification législative du service public B) La réaffirmation manifeste des critères ordinaires d’identification du service public II/ L’affirmation inédite de critères d’identification complémentaires en l’absence de prérogative de puissance publique A) La consécration du recours à une méthode de « faisceau d’indices » B) L’application discutable du « faisceau d’indices » N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « Devoir compris, satisfaisant dans sa structure et concernant les développements. Essayez de nuancer sur le caractère controversé de cette jurisprudence car elle a malgré tout permis en clarification évidente. » 🍊 Précision de la Team Pamplemousse : L’arrêt APREI ( CE, Sect., 22 février 2007, 264541 ) est un arrêt fondamental du droit administratif. Cette décision du Conseil d'Etat a complété la méthode dégagée dans l’arrêt Narcy (28/6/1963) pour caractériser les personnes privées gérant un service public. Comme le rappelle Prosper Weil « s’il est facile de reconnaître un service public, rien n’est plus malaisé que de définir un service public au sens matériel du terme. À lui seul, le but d’intérêt général est trop flou et trop incertain, car en fin de compte, presque toutes les activités humaines concourent à un titre ou à un autre à l’intérêt général. La notion d’intérêt général est certes nécessaire, mais ne constitue pas un critère suffisant. » (Le Droit administratif, PUF, Paris, 1968). En effet, si dès 1873 le fameux arrêt Blanco du Tribunal des conflits, a consacré la compétence du juge administratif en matière de responsabilité de l’État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, les contours de la notion de « service public » n’en avaient pas pour autant été tracés [Ndlr : Voir la fiche d'arrêt de l'arrêt Blanco ]. Ensuite, la jurisprudence est intervenue à plusieurs reprises afin de préciser quels critères permettent de qualifier une activité comme une activité de service public (par exemple, les arrêts Terrier et Thérond, en date du 06/02/1903 et du 05/03/1910, mais également l'arrêt Caisse primaire « aide et protection » en date du 13/05/1938, et les arrêts Montpeurt et Bouguen, du 31/07/1942 et du 02/04/1943 ont largement contribué à la définition du service public). Un service public désigne une mission d’intérêt général, exercée via des prérogatives de puissance publique et sous contrôle de l’administration. Elle a également apporté des précisions quant à la qualification de service public, à propos du service géré par une personne morale de droit privée. La décision du 22 février 2007, rendue par la section du contentieux du Conseil d’État, relatif à la gestion d’un service public par une personne privée, reprécise, après la précédente décision Narcy, quels sont les critères permettant de qualifier de service public, une activité gérée par une personne privée. En effet, l’Association du Personnel Relevant des Établissements pour Inadaptés (APREI) a demandé la communication de certains documents administratifs à l’Association Familiale Départementale d’Aide Aux Infirmes Mentaux de l’Aude (AFDAIM). Or, l’AFDAIM a refusé de transmettre les documents à l’APREI. Face à ce refus, l’APREI décide de saisir le tribunal administratif de Montpellier afin d’obtenir la communication de ces documents. Par sa décision en date du 27 novembre 1999, le juge de première instance du Tribunal administratif de Montpellier annule le refus de communication opposé par l’AFDAIM et l’enjoint de communiquer les documents demandés. L’AFDAIM interjette alors appel et par un arrêt en date du 19 décembre 2003, la Cour d’appel administrative de Marseille fait droit à ses demandes en annulant le jugement rendu en première instance et en rejetant sa demande, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Le litige se retrouve devant les juges du Palais Royal par l’APREI. L’association demande, d’une part, l’annulation de l’arrêt du 19 décembre 2003 de la cour administrative d’appel de Marseille, d’autre part, d’annuler le refus de communiquer les documents opposés par l’AFDAIM. L’association se prévaut des dispositions de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant plusieurs mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public ainsi que diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, qui disposant que « les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu’ils émanent des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d’un service public ». L’AFDAIM étant selon l’APREI un organisme de droit privé qui est chargé de la gestion du service public, elle est ainsi tenue à l’obligation de communication des documents sollicités prévue par les dispositions de la loi précitée. L’AFDAIM fait quant à elle valoir qu’elle n’est pas en charge de la gestion d’un service public et ne serait donc pas tenue par l’obligation de communication prévue. Quelles sont les conditions devant être réunies afin qu’un organisme privé puisse être qualifié de service public ? Le fait que l’Association Familiale Départementale d’Aide Aux Infirmes Mentaux de l’Aude ait à sa charge un centre d’aide par le travail est-il susceptible de remplir ses conditions ? Enfin, ladite association est-elle un organisme privé chargé d’une mission de service public ? Par une décision auréolée des honneurs d’une publication au recueil Lebon, le Conseil d’État répond par la négative. Dans son arrêt en date du 22 février 2007, les juges du Conseil d’État estiment que l’AFDAIM n’assurait pas une mission de service public au motif « que si l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constituait une mission d’intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d’aide par le travail revête le caractère d’une mission de service public. » En outre, en se fondant sur les constatations de la cour d’appel administrative, la Conseil d’État confirme qu’il n’a pas lieu d’ordonner la communication des documents susmentionnés. C’est pourquoi la juridiction rejette le pourvoi formé par l’APREI. La décision commentée propose une précision et une appréciation concrète de la méthode du faisceau d’indices et présente des critères d’appréciation plus contemporains. Dans cette décision, le Conseil d’État confirme la décision rendue par la cour d’appel en réaffirmant, tout d’abord, de façon cohérente la persistance de la démarche d’identification traditionnelle du service public (I). Ensuite, le Conseil d’État vient de manière inédite affirmer des critères d’identification complémentaires du service public en l’absence de prérogatives de puissance publique (II). I. La persistance incontestable de la démarche d’identification traditionnelle au service public Si dans deux précédentes décisions, « Narcy » (CE, 28 juin 1963) et « Ville de Melun » (CE, 20 juillet 1990), les juges avaient précisé les principales conditions d’identification d’un service public géré par une personne privée, il n’en demeure pas moins exact que certaines incertitudes persistaient, notamment en doctrine. Dans la présente décision, il est d’abord fait un rappel de la prévalence de la qualification législative du service public (A) puis il est procédé à une réaffirmation des critères ordinaires d’identification au service public (B). A) L’inaltérable rappel de la primauté de la qualification législative du service public En l’espèce, les juges du Conseil d’État rappellent tout d’abord qu’en présence d’une qualification législative, c’est cette qualification qui prime pour identifier la présence d'un service public. En effet, la décision énonce dans son dernier considérant que « si l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d’intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centre d’Aides par le Travail revête le caractère d’une mission de service public. » Ce considérant vient ainsi rappeler la primauté de la qualification législative permettant l’identification du service public. Effectivement, si les centres d’aide par le travail remplissent, sans le nommer, les qualifications traditionnelles d’une mission de service public et pourraient par conséquent être considérés comme tels, le législateur n’a toutefois pas entendu leur accorder cette qualité. Cette décision met en avant le fait que dès lors qu’il existe une qualification législative celle-ci prévaut en cas de litige. Autrement dit, la qualification législative prévaut face aux critères dégagés par la jurisprudence. Il convient d’admettre que dans certaines conditions, le législateur a eu l’occasion de préciser que certaines activités relevaient du service public comme en témoigne la loi du 30 décembre 1982 relative à la définition du service public des transports. Le juge administratif a, par ailleurs, appliqué certaines règles juridiques à des services publics comme en témoignent notamment la loi du 17 juillet 1978 relative à l’accès des documents administratifs dont l’Association du Personnel Relevant des Établissements pour Inadaptés demandait la communication et dons son application dans le cas d’espèce. Les termes annoncés dans la loi ont donc dû être analysés, cependant ces derniers demeurant parfois imprécis ou trop général, les juges administratifs ont dû déterminer l’intention du législateur. Pour ce fait, et aux regards des éléments susmentionnés, ils ont dû analyser les projets préparatoires de ladite loi. Aux termes de cette analyse est ressortie que les centres d’aide par le travail étaient exclus de toutes les dispositions. Ainsi, et malgré l’exclusion législative de la mission attribuée au centre d’aide par le travail comme étant une mission de service public, le juge administratif a également réaffirmé les critères jurisprudentiels d’identification d’une mission de service public exercée par une personne privée. B) La réaffirmation manifeste des critères ordinaires d’identification du service public La jurisprudence avait déjà affirmé, plus tôt, dans sa décision du 13 mai 1938, qu’une personne morale de droit privé, pouvait être en charge d’une mission de service, même en l’absence d’un contrat. Ensuite, elle a dégagé des critères d’identification d’une mission de service public gérée par une personne de droit privée, rappelés après que la qualification législative soit exclue ; « considérant qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. » Il s’agit ici de la réaffirmation des critères dégagés dans la décision « Narcy » en date du 26 juin 1963 et aux termes de laquelle les trois critères permettant de qualifier de service public, la mission gérée par une personne privée a été consacrés. Ces critères sont au nombre de trois. Tout d’abord, le critère finaliste : l’activité doit poursuivre un but d’intérêt général. Ensuite, un critère organique : la personne privée doit être soumise au contrôle des pouvoirs publics. Enfin, il faut un critère matériel : la personne privée dispose, pour gérer l’activité, de prérogatives de puissance publique. Une fois ces critères posés par la jurisprudence, ils ont été appliqués à de multiples reprises par les juges afin d’identifier les personnes privées, chargées d’une mission de service public. Cependant, ces critères ont parfois été confrontés à diverses difficultés quant à leur mise en application. En effet, si à l’origine les critères étaient considérés comme cumulatifs et donc indissociables, ils ont parfois été considérés comme alternatifs comme le retranscrit l’arrêt dit « Ville de Melun » en date de 1990 qui considérait « qu’une association municipale de loisirs bien que dénuée de prérogatives de puissances publiques gérait tout de même une mission de service public. » Dans cette décision avait été consacrée la méthode d’identification du service public dite du faisceau d’indice, lorsque le critère de la détention de prérogatives de puissances publiques n’était pas rempli, élargissant, dans un premier temps, les possibilités de qualifications du service public. C’est dans cette atmosphère ambiguë que la décision « APREI » a consacré des critères complémentaires d’identification du service public en l’absence de prérogatives de puissances publiques, en précisant quels étaient les indices constituant le faisceau. II. L’affirmation inédite de critères d’identification complémentaires en l’absence de prérogative de puissance publique L’absence de prérogatives de puissance publique a offert la possibilité aux juges de rechercher la volonté de l’administration de déléguer une mission de service public à une personne privée à travers un faisceau d’indices (A). Toutefois, dans la pratique, cette disposition est parfois mise à mal, ce qui rend son application discutable (B). A) La consécration du recours à une méthode de « faisceau d’indices » Il convient de rappeler que s’il existe des prérogatives de puissances publiques, il faut rechercher si l’activité poursuit une mission d’intérêt général et que l’administration contrôle l’activité de la personne privée. Ce sont les critères traditionnels issus de la décision Narcy. Cependant, aux termes de la décision commentée « même en l'absence de [prérogatives de puissance publique], une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui conférer une telle mission. » La décision commentée précise donc qu’une activité peut être considérée comme une mission de service public, même en l’absence de prérogatives de puissance publique, mais que dans une situation dans laquelle le critère de la détention de prérogatives de puissance publique n’est pas rempli, le critère de l’intérêt général est immuable. En complément, le juge utilise la méthode du faisceau d’indices pour vérifier que l’administration a vraiment souhaité créer un service public. Ainsi, selon l’arrêt « APREI », une personne morale de droit privé peut être considérée comme exerçant une activité de service public au regard : des conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, des obligations qui lui sont imposées, des mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints. Le juge nous donne alors des critères concrets composant le faisceau d’indices. Lors d’une autre affaire portée devant le Conseil d’Etat la même année, il était question de savoir si une association qui s’occupait d’un festival de musique gérait une mission de service public. Le juge applique alors la méthode du faisceau d’indices et en conclut que l’’association a été créée par l’État et les collectivités territoriales, qu’elle est gérée par des représentants de l’État et des collectivités territoriales et que les ressources de l’association sont principalement des subventions publiques, il s’agit donc d’une activité de service public (CE 2007, « Commune d’Aix-en-Provence »). Or, en l’espèce, il est assez étonnant que cette volonté de clarification souhaitée par les juges de la Haute Juridiction Administrative ne se soit pas appliquée au litige. Pareillement, il est assez intéressant de souligner que même dans leur raisonnement, la méthode du faisceau d’indices n’a pas été utilisée dans le cas d’espèce. Si l’objectif inhérent de cette décision de justice était de compléter la notion de service public afin qu’il soit possible d’identifier et qualifier de service public les activités assurées par des personnes privées, la mise en pratique de ce dispositif s’est heurtée à des contestations. B) L’application discutable du « faisceau d’indices » Le contrôle public comme critère d’identification de service public n’est pas explicitement mentionné par l’arrêt susmentionné à de nombreuses reprises. Le juge, après l’intérêt général (ou public), utilise la méthode du faisceau d’indices, qui permet de déterminer la volonté de l’Administration, quant à la qualification ou pas, de service public. Si le juge fait référence aux conditions de création d’organisation et a fortiori de son fonctionnement, cela n’est pas le seul outil mis en place par le juge puisqu’il aborde également les obligations imposées à l’organisme et les mesures prises afin de vérifier que les objectifs qui lui ont été confiés soient respectés. À partir de cette constatation, deux analyses peuvent être faites. D’une part, si le juge continue de rechercher l’intérêt général et le contrôle public afin de définir le service public dans un intérêt pédagogique, le juge ne fait pas seulement référence au contrôle public, mais en dégage ce que doit être sa signification. [COMMENTAIRE] Arrêt sur la notion de service public D’autre part, à côté du critère d’intérêt général, le juge administratif semble en créer des nouveaux. Ces nouveaux critères ou plus précisément, ces nouveaux sous-critères formeraient donc à eux tous, un nouveau critère : celui de « l’investiture donné par la personne publique à l'exécution d'une mission de service public » comme le souligne si justement Maitre Laure-Alice Bouvier, avocat, docteur en droit et ancien professeur de droit public et privé à l’Université Paris 2, Panthéon-Assas. Il apparait donc difficile de trancher définitivement qu’elle est la juste interprétation de ces deux hypothèses. Ainsi, l’application de la méthode du faisceau d’indices est discutable voire controversée, comme le souligne Claudie Boiteau, professeur à l’Université de Poitiers, dès lors que la méthode du faisceau d’indices est retenue par le juge administratif et qu’en conséquence, il est implicitement admis que « ni la remise de prérogatives de puissance publique ni l'existence d'obligations ne constituent des éléments indispensables, à quoi bon maintenir deux critères d'identification jurisprudentielle du service public ? Plus encore, ces deux critères n'entraînent-ils pas deux définitions contradictoires du service public ? L'une conduisant à considérer qu'il n'y a de service public que si le gestionnaire privé de cette activité bénéficie de prérogatives de puissance publique, l'autre, considérant que le service public est une activité d'intérêt général soumise à un certain degré de contrôle d'une personne publique. » Si cette contradiction n’est apparente qu’à la relecture de la jurisprudence « Narcy » puisqu’elle apparait « comme n'exprimant pas obligatoirement l'exigence de prérogatives de puissance publique », il est toutefois opportun de s’interroger afin de savoir si une réécriture du critère n’aurait-il pas été plus judicieuse afin de rendre toute la cohérence de la méthode d'identification du service public. Toutefois, quelle que soit l'interprétation retenue par le juge administratif, l'idée que nous devons retenir est qu’il faut une présence publique, un rattachement à celle-ci pour qu'une activité donnée soit qualifiée de service public. Si la personne publique n'assure pas elle-même la mission, elle doit au moins l’assumer.
- Exemple de commentaire d'arrêt en droit administratif (compétence juge)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Voici un exemple de commentaire d’arrêt corrigé en droit administratif portant sur la compétence du juge administratif et du juge judiciaire. Le commentaire aborde des notions telles que la théorie du faisceau d'indices et le dualisme juridictionnel. Cette copie a obtenu la note de 14/20. Sommaire : I/ L'application stricte de la théorie du faisceau d'indices A) Une réaffirmation de l'amalgame des compétences juridictionnelles et administratives B) Un dernier indice révélant le caractère administratif du service public II/ Une solution traditionnelle au détriment du dualisme juridictionnel A) Le refus de dissociation des différents services d'une piscine municipale B) Une reconsidération de la compétence juridictionnelle du juge administratif à l'égard des particuliers N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l’enseignant : « Votre commentaire d’arrêt est très pertinent bien que je n’étais pas d’accord sur tous les points. Bon travail ! C’est bien, vous utilisez bien vos connaissances pour commenter le raisonnement du juge, ce qui est vraiment bien. Le devoir est intéressant à lire » Sujet : T. confl., 9 janvier 2017, C4074 [ Accroche ] « Un service ne sera reconnu comme industriel et commercial que si aux trois points de vue, il ressemble à une entreprise privée. Il suffit qu'il en diffère à l'un de ces trois points de vue pour qu'il soit tenu pour administratif », René Chapus. Cet auteur qualifiait de service public industriel et commercial les activités du plus grand profit et il qualifiait les services publics administratifs les activités du plus grand service. La distinction entre les deux services connait de nombreuses exceptions et de nombreux débats et l'arrêt du Tribunal des conflits du 9 janvier 2017 en a fait l'illustration [ Ndlr : voir une dissertation sur la pertinence de la distinction entre SPA et SPIC ]. « Précisez à quel niveau » [Faits qualifiés juridiquement] En l'espèce, un centre appelé « Château bleu » est une piscine publique exploitée par une communauté d'agglomération. Une société qui exploite un établissement similaire prétend être victime d'une concurrence déloyale eu égard aux tarifs proposés à sa clientèle par la communauté d'agglomération. [Procédure] Le tribunal administratif s'est déclaré incompétent pour statuer sur ce litige après avoir considéré que ce litige reposait sur un conflit de nature commerciale . (« Ok ») Le tribunal de commerce, saisi par la société au vu d'une réparation du préjudice résultant des tarifs occasionnés par le centre, s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige et il a donc renvoyé l’affaire au tribunal des conflits. [Moyens] Les deux parties au litige tiennent un avis opposé concernant cette question. En effet, la société victime de concurrence déloyale prétend qu'il s'agit d'un service public industriel et commercial au vu des tarifs proposés du centre. Qualifier un service d'industriel et commercial reviendrait à dire que ce service doit être jugé par le juge judiciaire, ce qui favorise nettement la situation de la société. À l'inverse, le centre aquatique prétend qu'elle est un service public administratif car elle est exploitée par une communauté d'agglomération. En principe, ces services sont jugés par le juge administratif. [Problème de droit] Le Tribunal des conflits devait donc se poser la question suivante (« Répondre à la question suivante, non ? ») : une piscine publique exploitée par une communauté d'agglomération mais qui se comporte comme une entreprise privée constitue- t-elle un service public industriel et commercial ou bien un service public administratif ? [Solution] Par un arrêt du 9 janvier 2017, le Tribunal des conflits statue et décide que le litige relève de la compétence du juge administratif de par l'organisation et le fonctionnement du service. Le centre est donc un service public administratif et le tribunal administratif est compétent pour statuer sur ce litige . « Oui » Cet arrêt illustre parfaitement la théorie du faisceau d'indices qui consiste à qualifier un service de service public administratif ou de service public industriel et commercial. Cet arrêt énonce que les piscines publiques exploitées par une communauté d'agglomération sont désormais des services publics administratifs, puisqu'il n'existait pas de loi pouvant classer les centres aquatiques, c'est au juge de l'établir par le biais des faisceaux d'indices. Le Tribunal des conflits tient à ce que l'accessoire suive le principal. En effet, par principe, tous les services publics sont des services publics administratifs mais des exceptions peuvent les rendre industriels et commerciaux. Les trois critères retenus depuis un arrêt du Conseil d'État sont l'objet du service, l'origine des ressources ainsi que les modalités de fonctionnement et l'organisation (CE, 1956, Union syndicale industries aéronautiques). Le Tribunal des conflits a appliqué à la lettre la théorie du faisceau d'indices en ne retenant que le dernier critère pour établir le caractère administratif du centre aquatique. « Ce sont des éléments qui vont dans les développements. L'annonce du plan doit venir après avoir posé la problématique pas un contexte. » En effet, bien que l'objet relève davantage d'un service public industriel et commercial, le tribunal retient que son fonctionnement relève davantage d'un service public administratif puisque le tribunal retient par exemple que certains agents sont des fonctionnaires et que ce centre ne saurait donc être regardé comme un service public industriel et commercial. Le tribunal adopte un jugement traditionnel et se rattache laborieusement au caractère administratif des services publics. [ Annonce de plan ] Ainsi, le Tribunal des conflits applique strictement la théorie du faisceau d'indices (l) et adopte ainsi une solution traditionnelle remettant en cause le dualisme juridictionnel (II) . I/ L'application stricte de la théorie du faisceau d'indices [ Chapô ] Le Tribunal des conflits applique la théorie du faisceau d'indices afin de déterminer la nature du service public dans notre arrêt . (« Aurait dû faire l'objet d'un I.A. voire I. B. et pas d'une suite d'introduction. ») Il réaffirme dès lors l'amalgame des compétences des juges judiciaires et des juges administratifs pour les litiges concernant les services publics (A) mais qui nécessite un décèlement d'indice (« formule à revoir ») pour caractériser la nature de ces services (B) . A) Une réaffirmation de l'amalgame des compétences juridictionnelles et administratives « Ah bon ? Est-ce que l'amalgame concerne les compétences juridictionnelles et administratives ou la distinction SPA / SPIC ? Il faut être plus précis/ rigoureux. » À l'origine, on assimilait les services publics administratifs aux activités gérées par l'administration, mais la jurisprudence administrative a évoluée et elle a consacré de nombreuses exceptions quant au caractère administratif des services publics [ Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la notion de service public ]. Les origines de la distinction remontent à un arrêt du Tribunal des conflits datant de 1921, « Bac d'Eloka », qui considère pour la première fois que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les litiges résultant d'un service public industriel et commercial. Le tribunal considère que ces services relèvent du régime de droit privé et de la compétence du juge judiciaire. Cet arrêt est très important dans l'étude de notre arrêt puisque les deux situations sont très similaires mais l'issue est différente. Dans l'arrêt Bac d'Eloka , le Tribunal des conflits considère que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur un service de transport par bacs organisé par la Côte d'ivoire, mais ce service était exploité dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire, il était exploité comme un organisme de droit privé. Le service a été considéré comme étant un service public industriel et commercial donc ce sont les règles de droit civil qui se sont appliquées. Dans notre arrêt, il s'agit d'un centre aquatique exploité par une communauté d'agglomération mais une société voisine s'est sentie victime d'une concurrence déloyale. Elle a prétexté que les tarifs et l'objet du service de la piscine rendaient le service public industriel et commercial. Dans notre arrêt, la piscine est exploitée comme s'il s'agissait d'un organisme de droit privé concernant les services proposés comme l'aqua gym, la société victime aurait pu obtenir gain de cause en 1921. « Je n’en suis pas convaincu à titre personnel. Ne spéculez pas ou alors appuyez avec des fondements juridiques solides » Cependant, les règles de droit ont évolué et les services publics administratifs ne sont plus forcément des activités gérées par l'administration. Les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux peuvent être gérés tant par une personne publique qu'une personne privée ( CE, 1938, Caisse primaire « aide et protection » ). En l'espèce, ce n'est pas parce que le centre aquatique a une activité commerciale et qu'il agit comme s'il s'agissait d'une entreprise privée qu'il doit forcément être un service public industriel et commercial. « Oui, en effet. OK pour ce développement. » [ Transition ] Notre arrêt tient à garder une certaine rigidité quant à la distinction entre les deux services publics. Le Tribunal des conflits adopte une position juste mais stricte (« Bien !! ») en admettant le caractère administratif du centre aquatique. « Oui » B) Un dernier indice révélant le caractère administratif du service public « Je ne sais pas pour ce "dernier indice" » En droit administratif, le principe est le suivant : les services publics sont par principe des services publics administratifs. C'est l'arrêt du Conseil d'État de 1956, « Union syndicale industrie aéronautique » qui établit ce principe, mais il rajoute les trois critères de distinction entre les services publics industriels et commerciaux et les services publics administratifs. La distinction dépendra de l'objet du service, de l'origine des sources et des modalités de fonctionnement. L'arrêt laisse apparent les étapes de la théorie de faisceau des indices. En effet, il montre d'abord l'objet du service : « le centre aquatique Château bleu, qui comprend notamment une piscine olympique et un espace "bien-être" doté d'une salle de "cardio-fitness", d'un sauna, d'un hammam et d'un bain à remous, propose des activités d' "aqua-gym" et d' "aqua-bike" ». Les juges ont énuméré toutes les activités du centre aquatique afin de montrer qu'ils respectent à la lettre la théorie des faisceaux et qu'ils vérifient chaque critère . (« OK ») L'article L2221-1 du Code général des collectivités territoriales précise qu'un service sera industriel et commercial si son objet est analogue à celui d'une entreprise privée, c'est-à-dire s'il exerce une activité économique consistant à vendre des biens ou des services. Ils évoquent ensuite le mode de financement du service, le critère des ressources incline la balance du côté du service public administratif (« Bien cette idée ! ») puisque le financement du centre grève directement le budget de la collectivité. Enfin, l'arrêt évoque le dernier critère : « que ce centre est exploité directement par la communauté d'agglomération d'Annemasse, Les Voirons, qui en assure la direction et y affecte des agents dont certains ont la qualité de fonctionnaire ; que les produits et charges d'exploitation sont portés au budget de la communauté d'agglomération ». Les modalités et fonctionnements du service sont mis en avant à la fin de l'arrêt pour appuyer sur la décision des juges en ce qui consiste de donner un caractère administratif au centre aquatique. [ Transition ] En énumérant toutes les étapes à la fin de l'arrêt, les juges montrent qu'ils appliquent la théorie du faisceau d'indices, car aucune loi ne rend les piscines publiques de service public administratif. Par conséquent, les juges montrent que les critères doivent être tous remplis et que le caractère administratif absorbe le caractère industriel et commercial si l'un d'eux n'est pas rempli. « Effectivement ! » II/ Une solution traditionnelle au détriment du dualisme juridictionnel « Intéressante cette idée (mais parallélisme des titres => si vous mettez LE/LA/LES en I. gardez la même chose en II. LE/LA/LES). » [ Chapô ] Le Tribunal des conflits adopte une solution dans la lignée jurisprudentielle et réaffirme dès alors le caractère administratif du service public, mais il refuse de dissocier les différents services que peuvent comporter une piscine municipale (A) ce qui peut questionner la compétence du juge administratif quant à un éventuel jugement d'un particulier au sein de ce même service public (B) . A) Le refus de dissociation des différents services d'une piscine municipale « C’est oui. Bien, cette idée est centrale dans la décision. » Notre arrêt est un arrêt de principe . (« De quoi le déduisez-vous ? Soyez précis. ») Il s'inscrit dans la continuité du champ administratif (« ? Précisez ? ») et respecte les règles et les principes en vigueur. Cependant, la théorie du faisceau d'indices semble être automatisée (« Expliquez cette idée ») dans notre arrêt. Les juges rappellent avec rigueur que c'est le caractère administratif du service public qui prévaut . (« Oui ! ») En effet, les juges du Tribunal des conflits ont décidé qu'un centre aquatique exploité par une communauté d'agglomération était un service public administratif même s'il se comporte comme une entreprise. Les juges n'ont pas adopté une décision de cœur puisqu'une société voisine se prétend victime d'une concurrence déloyale. Cela signifie que même si l'activité économique d'un commerce est un déclin, le caractère administratif d'un service passera avant tout ! « OK, mais ne répétez-vous pas votre I.B. ici ? » Par conséquent, les juges ne cachent pas l'étanchéité administrative du service public . (« Bien cette idée !! ») En effet, l'arrêt précise que certains agents sont fonctionnaires : « et y affecte des agents dont certains ont la qualité de fonctionnaire ». Cette précision est importante dans notre arrêt, elle vient appuyer leur propos , (« Très bien !! ») même si par exemple, la plupart des agents ne sont pas des fonctionnaires, il suffit qu'il y en ait quelques-uns, même en minorité, pour satisfaire l'exigence du mode de fonctionnement. Quant à l'objet, les prestations fournies auraient pu être remises en question par les juges . (« OK, vous êtes dans le commentaire, vous analysez le raisonnement du juge, c'est bien. ») En effet, les activités telles que l'aquabike ou l'aquagym sont des services très ressemblants à des activités d'une entreprise privée. Mais les juges considèrent que l'accessoire suit le principal donc même si les prestations fournies sont similaires à celles d'une entreprise privée, les juges considèrent que le caractère administratif s'applique à l'ensemble du service public. Il était aussi question pour les juges de savoir s'il était possible de dissocier la nature de la piscine et les activités d'aquagym et d'aquabike . (« Oui ») Les juges ont décidé de ne pas les dissocier puisque les activités d'aquabike ne sont pas d'une longue durée contrairement à la continuité de la piscine municipale. Une nouvelle fois, l'accessoire suit le principal . (« Bien ! Vous utilisez vos connaissances. ») En l'espèce, il n'est pas possible de dissocier les deux services, mais il aurait été possible de dissocier un service de restauration avec le service de la piscine par exemple. Il s'agit juste d'un cas d'espèce, d'où l'importance de la théorie du faisceau d'indices. [ Transition ] Il est intéressant de remarquer que la méthode de jugement est automatisée, il semble même logique pour les juges de définir la piscine municipale de service public administratif par son financement. Cet arrêt s'inscrit dans la continuité puisque les juges souhaitent garder les principes traditionnels de la jurisprudence administrative. Le moindre indice ayant un caractère administratif absorbe le régime juridique du service. B) Une reconsidération de la compétence juridictionnelle du juge administratif à l'égard des particuliers « Même remarque pour le parallélisme, mais idée intéressante "reconsidération" » Les piscines municipales semblent être souvent qualifiées de service public administratif. Bien que leur mode de financement et leur organisation relève du juge administratif, leur objet peut cependant faire débat dans d'autres contextes (« Oui ») [ Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la juridiction administrative ]. En effet, dans de nombreuses situations, sous le prétexte qu'une piscine municipale soit un service public administratif, c'est alors le juge administratif qui statue sur des litiges seulement entre particuliers. (« Bien de mettre ces éléments en parallèle. ») Par exemple, le Conseil d'État s'est reconnu compétent pour prendre intégralement le préjudice causé par un particulier qui avait sauté d'un tremplin haut de cinq mètres (Conseil d'État, 9 juillet 1975). Notre arrêt qui adopte une décision de principe réaffirmant le caractère administratif des services publics peut donc voir des controverses juridiques. Cette solution de principe semble dès alors rigide quant aux problèmes qui peuvent se présenter. En effet, le juge administratif doit désormais statuer sur des litiges qui peuvent sembler relever du juge judiciaire au premier abord. En l'espèce, si un accident vient à se présenter lors d'un entrainement à l'aquagym ou à l'aqua bike entre deux particuliers, (« Si l’accident est causé par un particulier, on remettra en cause la responsabilité civile voire pénale de ce particulier. Si l’accident est dû à une négligence du centre aquatique, dans ce cas-là, on prendra en compte la responsabilité administrative du centre exerçant un SPA ») le juge administratif devra donc statuer puisqu'il s'agit d'un service public administratif. La séparation des deux pouvoirs qu’est le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif semble de moins en moins stricte, mais au contraire, de plus en plus étanche. « OK, en quoi ? Au contraire, je trouve cette séparation beaucoup trop stricte mais c’est mon avis personnel et vous êtes tout à fait en droit de penser le contraire. »
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 08/04/2022 (Légalité actes de droit)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif L'arrêt du 8 avril 2022 du Conseil d'État rendu par les 10e et 9e chambres réunies portant sur l'élargissement du champ de légalité à des actes de droit souple et sur la contestabilité grandissante du droit. Cet exemple de copie de commentaire d'arrêt en droit administratif a obtenu la note de 15/20. Cette copie vous aidera à mieux comprendre la méthode du commentaire d'arrêt. 😁 Sommaire : I - L’élargissement du champ de légalité à des actes de droit souple : le recours pour excès de pouvoir ouvert à des actes ne faisant pas grief auparavant A. Une nouvelle catégorie d’actes de droit souple pouvant faire grief entrainant élargissement du recours devant le juge administratif B. Une ouverture rationalisée par des conditions et un régime juridiqu e II - La contestabilité grandissante du droit souple : l’œuvre du juge administratif A. L’ouverture des saisines, un processus mis en œuvre par le juge administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir B. Une position jurisprudentielle s’inscrivant dans une lignée continue N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « Cette copie est extrêmement claire. La rédaction est fluide. Les majuscules au bon endroit. Les termes employés sont définis avec rigueur. L’arrêt est bien compris et le plan construit à partir de sa solution. Le raisonnement du juge est analysé et inscrit dans le cadre du cours, ce qui correspond exactement aux attentes en commentaire de décision. En somme, le cours est utilisé pour commenter la décision du CE. Il apporte une plus-value et permet de mieux comprendre le raisonnement du juge et ses incidences d’ordre juridique. En particulier, l’étudiante justifie ses propos à l’aide de fondements juridiques ce qui enrichit son commentaire. Sur le fond, parfois des éléments sont avancés sans être exploités, ce qui est dommage. Il faut toujours aller au bout des idées. Si des jurisprudences/ éléments doctrinaux sont exploités, il faut en tirer des conclusions par rapport à la décision commentée. À certains moments, l’étudiante se contente d'effleurer la décision, ce qui n’est pas suffisant. D’autres fois, des éléments semblent placés au mauvais endroit et auraient été plus pertinents dans d’autres sous-parties du devoir. Sur la forme, néanmoins, les titres gagneraient en clarté et intelligibilité s’ils étaient raccourcis. » [Accroche] « La littérature grise » est une expression employée par les maîtres des requêtes au Conseil d’Etat C. Malverti et C. Beaufils dans leur article « La littérature grise tirée au clair » publié dans l’AJDA de 2020 à la page 1417, pour qualifier « l’ensemble des documents que, sous des appellations diverses – circulaires, instructions, notes de services, directives, lignes directrices, etc.—les autorités administratives produisent. ». On observe donc que ces actes qui relèvent traditionnellement du droit souple rencontrent une tension entre leur objectif primaire de fluidification de la machine administrative (blanc) et leur impact pouvant être normatif (noir). Cet impact sur l’ordre juridique devrait en théorie être soumis au contrôle de légalité [Ndlr : Voir un autre commentaire d'arrêt sur le contrôle de légalité ]. Depuis plusieurs dizaines d’années, on observe dans la jurisprudence du Conseil d’Etat une évolution consacrant le caractère normateur de certains actes de droit souple et la possibilité de les soumettre au contrôle de légalité : c’est le sujet de l’arrêt porté à notre analyse aujourd’hui. [Faits] Il s’agit d’un arrêt de rejet du Conseil d’État rendu le 8 avril 2022, nommé Syndicat National du Marketing à la Performance et qui a été publié au recueil Lebon. Il concerne la possibilité d’un recours pour excès de pouvoir contre une « question-réponse » d’un document de portée générale. Le Syndicat national du marketing à la performance (SNMP) et le Collectif des acteurs du marketing digital (CAMD) ont chacun déposé une requête que le Conseil traite conjointement. [Procédure] Les requérants demandent au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir une question-réponse publiée par la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) sur son site internet. Ce texte a été pris en application de lignes directrices et d’une recommandation intitulée "cookies et autres traceurs" conformes à l’interprétation par la CNIL de l'article 82 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. [Moyens] Les requérants estiment que ce document de portée générale présente un contenu tenant à produire des effets notables sur la situation des personnes qui se livrent à des opérations d'affiliation, des utilisateurs et des abonnés de services électroniques et que cela affecte leurs activités économiques de manière disproportionnée. Les deux requérants réclament en complément un dédommagement à hauteur de 5 000€ pour le préjudice subi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. [Problème de droit] La question de droit posée ici est la suivante : une question-réponse peut-elle faire l’objet d’une demande en annulation par un recours pour excès de pouvoir ? [Solution] Tout d’abord, le Conseil d’État a reconnu l’intérêt suffisant à agir des requérants par les activités de défense des intérêts des entreprises qu’ils exercent et le recours est jugé comme recevable. Le Conseil reconnait qu’il appartenait du ressort de la CNIL de prendre de telles mesures car ces deux délibérations s'inscrivent dans le plan d'action de la CNIL sur le ciblage publicitaire annoncé le 28 juin 2019 visant à préciser les règles applicables et à accompagner les acteurs dans leur mise en conformité. Il est donc de la mission de cette Autorité Administrative Indépendante de prendre des mesures à ce sujet pour avertir la population. Ensuite, le Conseil précise que le recours pour excès de pouvoir est ouvert aux documents de portée générale émanant d'autorités publiques du moment qu’ils présentent des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Le juge administratif, par son pouvoir de juge de l’excès de pouvoir, a le devoir d’examiner les vices pouvant entrainer l’illégalité de l’acte incriminé et potentiellement de l’annuler même s’il s’agit d’un acte de droit souple qui n’est en principe pas normateur. Enfin, le Conseil d’État rejette la demande d’annulation pour excès de pouvoir des recommandations et de la question-réponse mises en ligne par la CNIL car celle-ci n’a édicté aucune interdiction générale et absolue du dépôt des traceurs incriminés, elle n'a pas excédé sa compétence. Cet arrêt répond à une question fondamentale : un document de portée générale relevant du droit souple peut-il faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir comme les actes normateurs ? [Annonce de plan] Dans une première partie nous verrons que le champ de légalité s’élargit en incluant une nouvelle catégorie d’actes administratifs susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (I). Dans une deuxième partie nous démontrerons que cette évolution jurisprudentielle n’est pas nouvelle et s’inscrit en réalité dans une lignée continue d’ouverture du champ de légalité par le juge administratif (II). I. L’élargissement du champ de légalité à des actes de droit souple : le recours pour excès de pouvoir ouvert à des actes ne faisant pas grief auparavant 🌥 La reconnaissance que fait le Conseil d’Etat de la portée normative d’actes de droit souple leur permet d’acquérir la qualification d‘acte faisant grief et par conséquent de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (A). Cependant, le raisonnement des juges reste rationnel car sont posées des conditions qui permettent d’identifier les documents visés par l’ouverture du recours pour excès de pouvoir (B). A. Une nouvelle catégorie d’actes de droit souple pouvant faire grief entrainant élargissement du recours devant le juge administratif En principe, les actes de l’Administration peuvent être classés en deux catégories suivant leur justiciabilité : les actes faisant grief et les actes ne faisant pas grief. Les premiers sont des actes normateurs et peuvent faire l’objet d’un recours contentieux mais les seconds, par leur faible portée normative, sont considérés comme de simples actes non-décisoires et en étaient exclus. Cette distinction ne cesse d’être remise en cause ces dernières années par différents arrêts du Conseil d’Etat. L’un d’entre eux ayant précédé notre arrêt est un exemple notable : l’arrêt d’assemblée du 21 mars 2016 intitulé Fairvesta et qui consacre que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés peuvent être déférés devant le juge pour excès de pouvoir. Ainsi, le juge administratif dissocie les notions d’acte normateur et d’acte faisant grief car à présent un acte non-normateur peut également faire grief et être porté au contrôle du juge de l’excès de pouvoir. On observe un déplacement des notions de juridicité et de justiciabilité. Dans notre arrêt, le juge a admis la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre des actes qualifiés de non-normateurs, appartenant au droit souple : « Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. ». On remarque que la précédente exclusion du droit souple du recours contentieux est révolue. De nouvelles catégories variées d’actes non-décisoires peuvent faire grief à condition d’avoir une portée générale, y compris une Foire aux Questions en l’occurrence, des lignes directrices ou tout autre document à caractère impératif. Ainsi, des actes non-normateurs peuvent faire l’objet de recours pour excès de pouvoir et les administrés bénéficier d’un champ de recours plus large. Mais cette ouverture comporte tout de même certaines limites : des conditions posées par l’arrêt et le régime du recours pour excès de pouvoir. B. Une ouverture rationalisée par des conditions et un régime juridique Dans leur décision, les juges du Conseil d’Etat ont prévu les conditions nécessaires à l’ouverture du recours pour excès de pouvoir pour des actes qui en étaient auparavant exclus. Tout d’abord il doit s’agir de « documents de portée générale » qui ont vocation à s’appliquer au plus grand nombre et non pas à des situations particulières. Ces dispositions doivent naturellement émaner d’autorités publiques. De plus, ces documents doivent être légitimement soupçonnés « d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. ». Ainsi, peuvent être examinés les recours portant sur des dispositions générales « qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. ». Il s’agit de nouveaux critères qui permettent de préciser l’étendue de l’ouverture du prétoire au droit souple. Un plus grand nombre d’actes peuvent être concernés par le recours pour excès de pouvoir grâce à ces nouveaux critères. Il appartient au juge de déterminer l’ampleur des effets notables en s’aidant de la nature de l’acte et de son caractère impératif, bien que dans sa formulation l’arrêt peut être compris comme ne posant pas ces critères comme limitants. Ces effets peuvent être dirigés contre les destinataires primaires de l’acte mais ont été étendus par cet arrêt à toutes les personnes chargées de les mettre en œuvre, c’est un effet par ricochet. On retrouve ici la volonté d’ouvrir les possibilités de recours pour excès de pouvoir. Ces dispositions peuvent prendre différentes formes. Elles peuvent être « matérialisées ou non » ce qui ne limite pas les recours aux simples supports matériels et inclut les supports électroniques comme une Foire aux Questions en ligne. Enfin, l’ouverture du recours pour excès de pouvoir aux actes de droit souple ne les exempte pas de se soumettre au régime juridique de l’excès de pouvoir : le requérant doit prouver qu’il a intérêt à agir. En l’espèce, le juge a vérifié que les requérants présentaient un intérêt suffisant à agir avant de déclarer leur recours recevable. Bien que cette ouverture du champ de légalité semble innovante, elle s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle de longue date qui démontre que le juge administratif étend sa compétence de contrôle [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la compétence du juge administratif ]. II. La contestabilité grandissante du droit souple : l’œuvre du juge administratif 🦸♀️L’ouverture des possibilités de recours aux actes ne faisant pas grief n’est pas une position nouvelle. Le juge administratif est maître de cet élargissement (A), il poursuit un travail d’ouverture des saisines entamé depuis quelques années déjà (B). A. L’ouverture des saisines, un processus mis en œuvre par le juge administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir Le juge administratif ouvre lui-même son prétoire en permettant à des actes auparavant exclus de tout recours contentieux de pouvoir en bénéficier. Il octroie un nouveau droit aux administrés : le recours pour excès de pouvoir contre des actes non normateurs de droit souple. Ainsi, les administrés bénéficient de davantage de possibilités de recours et le contrôle de la légalité des actes est accru. Mais cette compétence de fixation des conditions appartient au juge et bien qu’il soit enclin à l’ouvrir, si jamais les recours venaient à proliférer il pourrait les limiter dans un souci de bonne administration. Son but n’est pas de consacrer une possibilité de recours exagérée mais de rationnaliser le contrôle de légalité opérable. En l’espèce, il se réserve le droit d’apprécier la recevabilité d’un recours en vertu de la procédure pour excès de pouvoir : « Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. ». Il précise également, selon la procédure du recours pour excès de pouvoir, que le requérant doit présenter un intérêt à agir, ce qu’il n’avait pas fait dans sa précédente décision GISTI du 12 juin 2020. Pourtant, le Professeur Laferrière dans son ouvrage Chapitre II – Conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir rejoint ce principe car selon lui « pour former valablement un recours pour excès de pouvoir, il faut être réellement touché par une décision actuelle ». B. Une position jurisprudentielle s’inscrivant dans une lignée continue L’arrêt porté à notre analyse n’est pas isolé dans les évolutions qu’il consacre. On observe depuis plusieurs années une ouverture progressive mais continue du prétoire au contrôle de la légalité du droit souple. Ces évolutions ont ouvert la voie à notre décision. Ainsi, il convient de citer comme pionnier de l’ouverture des saisines l’arrêt de section du 11 décembre 1970, Crédit foncier de France où le Conseil d’Etat était amené à se prononcer sur la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir formé contre une directive. Sa réponse avait été positive pour la première fois. Par la suite dans un arrêt de 2002 intitulé Madame Duvignères, le juge administratif a élargi davantage la possibilité de recours pour excès de pouvoir en ne fixant qu’un critère d’impérativité aux directives et circulaires afin d’être susceptible de recours pour excès de pouvoir. Plus récemment, dans un arrêt très similaire au nôtre rendu en section le 12 juin 2020 intitulé Groupe d'information et de soutien des immigrées (GISTI), le Conseil d’Etat atteint sa jurisprudence actuelle qui permet aux documents de portée générale dès qu’ils ont un caractère impératif ou des effets notables d’être portés devant le juge et faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Notre arrêt s’inscrit dans une lignée de jurisprudences évolutives et consacre en plus une nuance propre à son cas d’espèce permettant à une disposition issue d’une Foire aux Questions de faire grief. Elise HEIDER
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 31/07/2017, (Autorités publiques)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Ce commentaire de l'arrêt du Conseil d'État du 31 juillet 2017, « Commune de Calais » en droit administratif porte sur la carence des autorités publiques de répondre aux besoins élémentaires des migrants, constituant ainsi des traitements inhumains ou dégradants et portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. (Note : 15/20) 🔥 Sommaire : I/ La réunion des conditions nécessaires à la saisine du juge statuant sur le référé-liberté A) La caractérisation de la liberté fondamentale bafouée : l'atteinte à la dignité humaine B) L'affirmation d'une atteinte à la dignité humaine grave et manifestement illégale imputable à l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs II/ L'application rigoureuse du pouvoir d'injonction par le juge des référés A) Un pouvoir d'injonction en référé légitimé par la nécessité de sauvegarder la dignité humaine B) Un pouvoir d'injonction en référé limité à une application stricte des mesures jugées nécessaires et urgentes N.B. : Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. En 2020, le ministère de la Justice, dans son rapport annuel, dénombrait 1208 décisions rendues par le juge des référés contre 354 en 1999. Cette évolution exponentielle tient à un facteur : la création des référés-libertés, suspensions et conservatoires instaurés par la loi du 30 juin 2000. La simplification de ces procédures d'urgence explique leur notoriété. Effectivement, la complexité relative de ces voies de recours a permis une meilleure efficacité pour garantir les droits des citoyens. La décision rendue par le Conseil d'État en date du 31 juillet 2017 traduit le rôle du référé-liberté : faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. « OK mais le début de l'accroche est un peu long. Il faut conserver l'attention du lecteur et lui donner envie d'en savoir plus avec l'accroche. » En l'espèce, l'État a fermé des centres d'hébergement et d'accueil pour les migrants situés à proximité de la ville de Calais. En conséquence, des migrants sans abri vivent sur la commune Calais dans des conditions sanitaires déplorables. Les autorités publiques n'agissant pas, cinquante migrants et onze associations les représentant saisissent le tribunal administratif le 16 juin 2017 en déposant un référé-liberté [Ndlr: Voir un autre commentaire d'arrêt sur le référé-liberté ]. « Oui, faits + procédure. Bien. » Les demandeurs exigent à ce que les pouvoirs publics soient enjoints d'améliorer les conditions de vie des migrants vivant à Calais, étant victimes d'une atteinte à une liberté fondamentale. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille statue sur la demande le 26 juin 2017. Il enjoint au préfet du Nord-Pas-de-Calais diverses mesures : organisation de maraudes ayant pour but une meilleure information des demandes d'asile auxquelles les migrants peuvent prétendre, mais également dans le but de délivrer des renseignements concernant les dispositifs auxquels peuvent prétendre les migrants en raison de leur situation de sans-abris. Également, le juge des référés demande que soient prises des mesures pour permettre une prise en charge de ces migrants par un hébergement d'urgence. Diverses autres mesures sont enjointes par le juge tendant à améliorer la qualité de vie des migrants à l'instar de l'installation de points d'eau ou de latrines, à l'exclusion des forces de l'ordre des centres et installations destinés aux migrants. Des astreintes à hauteur de cent euros par jour accompagnent la non-exécution des maraudes quotidiennes, la non-installation des points d'eau dans les 10 jours suivant la présente décision ainsi que le refus d'orienter les migrants vers des centres d'accueil et d'orientation ouverts sur le territoire français. Le Juge Administratif déboute certaines demandes. En l'occurrence, l'inventaire des ressources foncières publiques pour loger les migrants est rejeté. « Oui. » L'ordonnance étant exécutoire, mais sans autorité de la chose jugée, la Commune de Calais et le ministre de l'Intérieur font appel de l'ordonnance du juge des référés dans une requête enregistrée le 5 juillet 2017. (« Bien de le dire : on voit que vous comprenez les rouages d'une procédure ! Les termes sont bien employés. ») Le maire de la Commune de Calais demande l'annulation de l'article 3 de la présente ordonnance lui imposant de créer des points d'eau et latrines. Le ministre de l'Inté rieur réclame, quant à lui, au Conseil d'État l'annulation intégrale de cette ordonnance. Les Juges du Palais Royal doivent répondre à la question de droit suivante : le juge des référés, en vertu de l'article L.521-2 du Code de justice administrative, est-il habilité à enjoindre à la Commune de Calais et et au préfet du Nord-Pas-de-Calais la réalisation de mesures destinées à sauvegarder les libertés fondamentales des migrants ? « Ok » Pour le Conseil d'État, les autorités de l'État sont garantes du respect des libertés fondamentales. (« Parlez d'autorités publiques comme dans la décision. Et parlez de la carence, car c'est ces termes qu'il emploie. Il évoque une carence de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une LF. Il n'évoque pas que les autorités de l'État sont garantes [...]. ») De ce fait, personne ne doit être soumis à un traitement dégradant ou inhumain. Le Conseil d'État confirme l'ordonnance du juge des référés-libertés, jugeant qu'il est habilité à prendre toutes les mesures urgentes et nécessaires dans le but de sauvegarder les droits fondamentaux. La Haute Juridiction estime que les mesures prises en l'espèce sont justifiées, les migrants se trouvant « dans un état d'épuisement et de dénuement » et souffrant « de pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques résultant de cette situation ». Ainsi, il sera intéressant d'observer que d'une part, le juge administratif a apprécié valablement (« Je ne suis pas sûre de saisir l'adverbe ? ») les conditions permettant sa saisine dans le cadre du référé-liberté (I) . Mais aussi que d'autre part, l'ordonnance rendue par le juge en référé ne peut être contestée, celle-ci appliquant strictement le pouvoir d'injonction (II) . « La dichotomie I / II est intéressante ! Recevabilité du référé / injonction » I/ la réunion des conditions nécessaires à la saisine du juge statuant sur le référé-liberté Le juge des référés doit s'assurer premièrement qu'il existe une atteinte à une liberté fondamentale (A) . Il doit secondement vérifier que cette atteinte est grave et manifestement illégale et est le fait d'une personne morale ou de droit privé chargée de gérer un service public (B) [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la notion de service public ]. « OK mais il manque à votre développement le critère de l'urgence. » A) La caractérisation de la liberté fondamentale bafouée : l'atteinte à la dignité humaine « Ok » L'article L.521-2 du Code de justice administrative dispose que « le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ». En l'espèce, comment le juge des référés a-t-il pu juger que les migrants connaissaient une atteinte à leur liberté fondamentale ? Une liberté fondamentale peut se définir comme les « droits primordiaux de l'individu dans un État démocratique » (dictionnaire Larousse 2021). « Prendre une définition de Larousse n'est pas très approprié. Préférez un dictionnaire de vocabulaire juridique, d'autant plus pour une thématique qui est aussi riche. » La liberté fondamentale est définie de manière casuistique et autonome par le juge des référés. (« En effet. ») La caractérisation de la liberté fondamentale est explicitée dans la décision du Conseil d'État, celui-ci rappelant à l'administration qu'elle est « garante du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine ». (« Oui, mais plus précisément, il parle des traitements inhumains et dégradants lorsqu'il fait le lien avec la liberté fondamentale. ») En l'espèce, des migrants se trouvent « d ans un état d'épuisement et de dénuement » et souffrant « de pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques résultant de cette situation », le principe d'atteinte à la dignité est ainsi bien fondé . (« Fondé sur ? Corroboré par les faits, plutôt ? ») Cette liberté fondamentale déjà été souligné dans une décision du Conseil d'État en date du 14 novembre 2008. « Bien de faire le lien avec d'autres jurisprudence : tirez-en quelque chose par rapport à la décision que vous commentez. Aussi, plutôt que « soulignée » un autre terme, peut-être ? » Également, par hypothèse, le juge aurait pu qualifier l'atteinte à la liberté fondamentale comme « droit à l'hébergement d'urgence », principe consacré comme liberté fondamentale depuis la décision du Conseil d'État en date du 10 février 2012. Effectivement, en rendant sa décision, le juge des référés a relevé qu'il s'agissait de « milliers de migrants », « installés dans des logements précaire s ». « OK bien. Vous auriez pu en faire une sous-partie. C'est une idée intéressante qui méritait d'être développée. » Bien que le juge des référés ait déterminé qu'une atteinte à la dignité humaine est appréciable en l'espèce, il faut que celle-ci ait une gravité certaine au surplus d'être illégale et puisse être incriminable à l'administration (B) . « En effet ! » B) L'affirmation d'une atteinte à la dignité humaine grave et manifestement illégale imputable à l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs « OK mais quid de la question d'urgence qui n'apparait pas dans vos intitulés alors qu'elle est une condition du référé-liberté ? Et le titre me semble un peu long, il est mieux de faire plus court. » Dans le cadre d'un référé-liberté, le juge dministratif, au regard de l'article L.521-2 du Code de justice administrative « se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Compte tenu de la brièveté du délai, l'urgence de la demande doit être caractérisée et fondée. Ce qui, dans le cas d'espèce, est vérifiable. L'atteinte à la dignité humaine nécessite une solution impérieuse. (« Une solution impérieuse ? Que voulez-vous dire ? ») Les migrants connaissent en effet une carence en alimentation. Ils n'ont pas non plus accès à de l'eau potable pour laver leurs vêtements, se laver eux-mêmes ou simplement s'hydrater. L'accès à ce bien vital est corrélé à une hygiène plus que déplorable. Tous ces facteurs font qu'il y a une atteinte grave à une liberté fondamentale, qui nécessite une réponse hâtive. « OK oui, mais plutôt que "hâtive", rapide ? » De surcroît, l'atteinte est illégale. En l'espèce, le Conseil d'État se base sur « la Constitution » et la « Convention Européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » entre autres. Bien que la Constitution ne consacre pas explicitement l'atteinte à la dignité humaine comme illégale, sa jurisprudence le confirme. Dans sa décision « bioéthique » en date du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a retenu le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. (« En effet. ») Quant à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, elle dispose dans son article 3 que « la dignité humaine doit être respectée ». Ainsi, l'atteinte à la dignité humaine est manifestement illégale. « OK bien, mais vous auriez dû analyser ce caractère « manifeste » plus en profondeur, cela aurait été intéressant ! » Enfin, cette atteinte à la dignité humaine est la conséquence de l'action ou la non-action (« l'inaction ») de l'administration. Effectivement, l'action de l'administration se matérialise par le fait d'accroître les conditions de vie et d'accueil déplorables des migrants en enlevant en 2016 les centres d'accueil « les autorités publiques compétentes ont adopté une nouvelle politique visant à répartir la prise en charge des migrants se trouvant alors à Calais ; elles ont décidé la fermeture du centre ». Le C onseil d'État fait grief à l'administration de ne pas réagir quant à la « situation d'urgence caractérisée » alors que « plusieur s centaines de migrants se trouvent à nouveau à proximité de Calais ». « Oui, vous évoquez l'urgence. Dommage de ne pas l'avoir mise plus en avant. Il aurait juste fallu reconstruire vos sous-parties pour un meilleur équilibre et l'inclusion de cette idée. Vous faites le tour de tous les éléments mais il faut affiner la construction du raisonnement. » De plus, l'atteinte à la dignité étant un principe constitutionnel, le Conseil d'État soutient qu'il doit être défendu par l'État et donc l'administration« il appartient en tout état de cause aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller, notamment, à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti ». C'est ce qui est d'ailleurs défendu par une décision du Conseil d'État en date du 23 novembre 2015 « l orsque la carence des autorités publiques expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant ». Cet arrêt se rapproche conséquemment de celui du 31 juillet 2017, les faits d'espèce étant similaires, ce qui amplifie sa portée « la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des migrants vivant sur le site en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation et en eau potable demeure insuffisante ». « Très de citer de la jurisprudence et de la rapprocher de la décision ! » L'infraction (« Infraction ? ») étant caractérisée, le juge doit prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la liberté fondamentale, ce que le Conseil d'État lui reconnaît (II) . II/ L'application rigoureuse du pouvoir d'injonction par le juge des référés Le juge des référés est légitimé à utiliser son pouvoir d'injonction envers l'administration (A) . Toutefois, ce pouvoir d'injonction, dans le cadre du référé-liberté, n'a pour but que de répondre à une situation urgente nécessitant une résolution rapide (B) . A) Un pouvoir d'injonction en référé légitimé par la nécessité de sauvegarder la dignité humaine Le Conseil d'État énonce qu'il appartient au juge des référés « d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative, les mesures urgentes que la situation permet de prendre dans un délai de quarante-huit heures et qui sont nécessaires pour faire disparaître, à bref délai, les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales ». Son rôle de gardien des libertés fondamentales légitime l'étendue de ses pouvoirs d'injonction. En l'espèce, le juge des référés a ordonné des obligations de faire précises, que le Conseil d'État approuve : « un disp ositif adapté de maraude quotidienne à Calais à destination des mineurs non accompagnés ». Cette m esure est urgente dans la mesure où les mineurs sont particulièrement vulnérables. Aussi, le juge des référés a porté une attention particulière pour que l'or bleu soit accessible à tous les migrants, ceux-ci connaissant une carence en eau « plusieurs points d'eau situés à l'extérieur du centre de Calais dans des lieux facilement accessibles aux migrants et leur permettant de boire, de se laver et de laver leurs vêtements, ainsi que des latrines et d'organiser un dispositif d'accès à des douches ». Le Conseil d'État valide ce point de l’ordonnance soulignant qu'un mauvais accès à l'eau développe « des pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ». E nfin, le juge des référés a enjoint l'administration d'organiser « des départs, depuis la commune de Calais, vers les centres d'accueil et d'orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles ». « OK, mais commentez l'approche/ l'analyse/le raisonnement du juge. C'est dommage car vous ne faites que citer la décision est l'expliquer brièvement. Étudiez son raisonnement et demandez-vous pourquoi il en arrive à cela ou comment il le fait. » Le Conseil d'État, approuve cette décision du juge des référés en arguant que c'« est de nature à éviter que ces migrants s'installent durablement sur le territoire de la commune de Calais dans des conditions méconnaissant le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants ». Le j uge est légitimé à prendre ces mesures dès lors « qu'il c onstate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale ». L'étend u du pouvoir d'injonction du juge qui est notable en l'espèce est par ailleurs rappelée dans un arrêt du Conseil d'État en date du 1er juin 2017 La Marne Fo urmies. Le pouvoir d'injonction du juge des référés se montre étendu. Toutefois, il est rappelé dans la décision du Conseil d'Etat que son pouvoir doit se limiter à l'instauration de mesures de « brefs délais », ce qui sous-entend une limite du pouvoir d'injonction du juge des référés-libertés (B) . « Une idée intéressante !! Une auto-limitation de son office ? » B) Un pouvoir d'injonction en référé limité à une application stricte des mesures jugées nécessaires et urgentes « OK l'idée me semble aller avec le titre du II mais elle est peut-être un peu dense ? » Le Conseil d'État affirme que le Juge des référés a pris seulement les mesures nécessaires et qui pouvaient améliorer la situation des migrants dans un délai de quarante-huit heures « Le juge des référés, qui a notamment rejeté́ la demande dont il était saisi tendant à la création d'un centre d'accueil des migrants ou de centres de distribution alimentaire sur le territoire de la commune de Calais ». Effectivement, une des requêtes formulées par les demandeurs au référé était de « d'enjoindre au maire de la commune de Calais et au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un inventaire des ressources foncières publiques afin que les bâtiments inoccupés soient affectés au Logement temporaire et d'urgence des personnes exilées et sans abri vivant actuellement sur le territoire de la commune de Calais » . Cela rejoint la pensée de Benoît Plessix qui est d'avis que le juge du référé est un juge de l'urgence et non de « l'évidence superficielle ». (« Très bien le lien que vous faites avec cette idée ! ») Dans le cas du référé-liberté, le juge administratif ne peut ainsi pas trancher définitivement le litige dont il a la charge. Les décisions prises dans le cadre du référé-liberté sont à titre définitif et non provisoire, c'est ce qui explique aussi pourquoi le juge du référé-liberté reste sur la réserve. (« Mettez en évidence cette idée de réserve en citant le / les passage[s]. ») Le caractère exceptionnel de ces mesures se justifie par l'urgence à intervenir dans les 48 heures comme le rappel un arrêt du Conseil d'Etat en date du 23 février 2003 Commune de Pertuis . (« Vraiment très bien la manière dont vous liez vos connaissances au commentaire ! ») Il faut en effet qu'il y ait urgence à prendre des mesures conservatoires dans les quarante-huit heures. En addition le Conseil d'État certifie qu' « il ne relève pas de l'office du juge des référés de remettre en cause le choix des autorités publiques ». On comprend ici que le juge des référés doit se limiter à prendre seulement les mesures urgentes. (« Très bien ! Vous commentez ! ») Il ne peut pas interférer dans le choix de la politique publique, qui n'est pas de son ressort de compétence.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3e civ 10/12/1997 (Offre)
Cours de droit > Cours de Droit Responsabilité Civile Ce commentaire d'arrêt de la 3e civ. de la Cour de cassation du 10 décembre 1997 traite du délai déterminé de l’offre, entrave à la caducité de l’offre du fait du décès d’un pollicitant, de la consécration explicite puis de l’abandon de la théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur. Ce commentaire a obtenu 17/20 et vous permettra de mieux comprendre la méthode de rédaction d'un commentaire d'arrêt. 😜 Sommaire : I- Le délai déterminé de l’offre, entrave à la caducité de l’offre du fait du décès d’un pollicitant A. La difficile consécration jurisprudentielle de la théorie de la survie de l’offre à son pollicitant B. La distinction implicite mais fondamentale entre une offre à durée déterminée et une offre à durée indéterminée dans le cadre d’une promesse de vente II - La consécration explicite puis l’abandon de la théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur A. La promesse unilatérale de vente, vecteur de l’affirmation explicite de la non-caducité de l’offre à durée déterminée du fait du décès du pollicitant B. La réitération du principe par la jurisprudence et son abandon paradoxal par le législateur N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. La promesse unilatérale de vente est un avant-contrat très utilisé et utile car il ne manque que le consentement du destinataire afin que le contrat définitif soit conclu. Cependant, la question se pose de l’état de ce contrat si l’un des contractants, comme le pollicitant, venait à décéder. Quel serait l’état de l’offre ? L’arrêt de cassation rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 10 décembre 1997 a justement répondu à cette question, en traitant du délai d’une offre dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente et de la caducité d’une offre suite au décès du pollicitant. En l’espèce, une promesse unilatérale de vente avait été conclue par acte sous seing privé en 1987, promettant une vente, et assortie d’une date d’expiration de l’offre : le 31 décembre 1991. L’un des pollicitants est décédé le 3 février 1989 et le bénéficiaire de la promesse a accepté l’offre le 27 avril 1990 puis a levé l’option le 1er novembre 1991. Le bénéficiaire de la promesse a assigné les pollicitants afin d’obtenir la signature de l’acte authentique de vente, auquel ils s’opposaient. La cour d’appel de Toulouse a, dans un arrêt rendu le 27 mars 1995, déclaré l’offre de vente faite par les pollicitants caduque au moment de l’acceptation de cette offre par le bénéficiaire, du fait du décès de l’un des pollicitants, survenu antérieurement à cette acceptation. Au soutien de ces propos, la cour d’appel retient que le délai prévu par la promesse unilatérale de vente n’était pas un délai de maintien de l’offre, mais seulement un délai de levée d’option. La question de droit posée à la cour de cassation était donc la suivante : le délai posé par la promesse unilatérale de vente est-il seulement un délai de levée d’option et le décès de l’un des pollicitants entraîne-t-il la caducité de l’offre ? Dans cet arrêt du 10 décembre 1997, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative puis a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse, en renvoyant les parties devant la cour d’appel de Bordeaux. Au soutien de sa décision, la Cour de cassation a retenu que la cour d’appel avait, par ses propres constatations, déterminé que les pollicitants s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991, et que le décès de l’un des pollicitants n’avait pas pu rendre l’offre caduque, au visa de l’ancien article 1134 du Code civil. Il convient d’étudier tout d’abord le caractère déterminé du délai de l’offre, permettant de faire obstacle à la caducité de l’offre du fait du décès d’un pollicitant (I.), puis la consécration explicite de la théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur opérée par la Cour de cassation et son abandon paradoxal par le législateur (II.). I. Le délai déterminé de l’offre, entrave à la caducité de l’offre du fait du décès d’un pollicitant La théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur a d’abord été difficilement consacrée par la jurisprudence (A.). Une distinction implicite mais fondamentale semble ensuite être opérée par la Cour de cassation entre une offre à durée déterminée et une offre à durée indéterminée dans le cadre d’une promesse de vente (B.). A. La difficile consécration jurisprudentielle de la théorie de la survie de l’offre à son pollicitant La Cour de cassation établit tout d’abord que les pollicitants « s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991 ». En effet, il résulte des faits de l’arrêt qu’une promesse de vente avait été conclue et vérifiée par acte sous seing privé entre les parties, assortie d’une date d’expiration. En vertu du premier alinéa de l’article 1186 actuel du Code civil, un contrat valablement formé devient caduque si l’un de ses éléments disparaît. Or, la promesse unilatérale de contracter, en l’espèce une promesse unilatérale de vente est un contrat. En l’espèce, l’un des pollicitants est décédé avant l’expiration du délai. La question peut donc se poser de la qualité essentielle du pollicitant au contrat, permettant de faire tomber le contrat en cas de disparition. La jurisprudence a été contradictoire sur ce point. En effet, par un arrêt du 9 novembre 1983, la chambre civile de la Cour de cassation a admis le détachement de l’offre de la volonté de son émetteur en vertu de la théorie de l’engagement unilatéral. Ainsi, à partir du moment où une offre était émise, celle-ci devrait se détacher de la volonté de son émetteur, puisque l’on impose son maintien durant tout le délai fixé. Cette décision semble coïncider avec l’arrêt de 1997 étudié. Or, le 10 mai 1989, la troisième chambre civile a opéré un revirement de jurisprudence en prenant le parti directement opposé et en considérant qu’une offre devenait caduque du fait du décès de l’offrant. C’est enfin par cet arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 10 décembre 1997, que la Cour de cassation a à nouveau opéré un revirement, en rejoignant son arrêt de 1983, afin d’asseoir le principe que l’offre survivait à son pollicitant. La question a été posée en doctrine du réel caractère du revirement de jurisprudence opéré. En effet, l’arrêt de 1997 est rendu par la même chambre de la Cour que l’arrêt de 1989. Ne pourrait-on donc pas considérer que la jurisprudence est simplement prolongée ? Selon Denis Mazeaud, la Cour a repris sa jurisprudence de 1983 et non celle de 1989 et sa décision constitue un réel revirement de jurisprudence car la Cour de cassation assimile l’offre à un engagement unilatéral quand elle est faite à certaines conditions (notamment de temps) et à une ou des personnes déterminées. Cela lui confère la force obligatoire d’un contrat, et constitue un rempart à la caducité de l’offre du fait de décès du pollicitant. Le parti inverse aurait aussi pu être adopté : la Cour de cassation en 1989 a déterminé que l’offre de vente en question ne constituait pas une promesse unilatérale de vente, et ne pouvait donc pas prolonger sa jurisprudence de 1983 afin d’admettre la survie de l’offre à son pollicitant. Le revirement est toutefois opéré par cet arrêt de 1997 car la Cour de cassation s’inscrit réellement dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, et consacre une place fondamentale à la durée de l’offre. La consécration du principe de survie de l’offre au pollicitant par la jurisprudence a donc été long et rebondissant, mais la Cour de cassation y est parvenue. B. La distinction implicite mais fondamentale entre une offre à durée déterminée et une offre à durée indéterminée dans le cadre d’une promesse de vente La solution de la Cour de cassation pose implicitement dans l’ensemble de sa solution une distinction fondamentale entre une offre à durée déterminée et une offre à durée indéterminée dans le cadre d’une promesse de vente. Cette distinction est notamment révélée par : « les époux Y… s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 déc 1991 et que le décès de M.Y… n’avait pu rendre cette offre caduque ». La Cour de cassation vient en effet casser l’arrêt d’appel qui pose une distinction entre le délai de levée d’option et le délai de maintien de l’offre, servant de fondement à sa décision. La Cour de cassation semble passer sous silence cette distinction pour en imposer une plus importante entre une offre à durée indéterminée et une offre à durée déterminée dans le cadre d’une promesse de vente. Le délai est clairement rappelé par la Cour de cassation à la fois dans les faits et dans sa décision : les pollicitants étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991, l’offre est donc faite à durée déterminée. La promesse unilatérale de vente est aujourd’hui définie par l’actuel article 1124 du Code civil, et constitue un « contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». Les parties étaient donc bien engagées dans un contrat, assorti d’un délai d’expiration. Le cadre d’une offre à durée déterminée en matière de promesse unilatérale de vente était donc bel et bien posé. La Cour de cassation a affirmé ensuite la non-caducité de l’offre malgré le décès du pollicitant, en semblant établir une voie de conséquence entre la promesse unilatérale de vente et cette non-caducité par l’utilisation de la conjonction de coordination « et ». À cela s’ajoute l’utilisation des termes « n’avait pu » qui consacrent l’impossibilité de la caducité par la négative, et semblent poser un principe plus général : le décès du pollicitant ne peut pas entraîner la caducité de l’offre à durée déterminée dans une promesse unilatérale de vente. La Cour de cassation consacre ainsi la théorie de l’indépendance de l’offre par rapport à son émetteur dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente. Cette consécration de l’offre qui survit à son émetteur peut être interprétée comme étant logique dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, car le contrat est formé par l’acceptation de l’offre, donc la seule volonté qui importe ici est celle du bénéficiaire, le pollicitant ayant déjà affirmé sa volonté d’être lié dans les termes de l’offre. Cette volonté du pollicitant est caractérisée pendant toute la durée de l’offre, donc il est possible d’envisager que si l’auteur n’était pas décédé, sa volonté aurait été conservée jusqu’à l’expiration du délai. Les juges de cassation semblent donc œuvrer en faveur de la sécurité juridique, principe souverain en matière de contrats, et protègent le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente. Mais cette solution pose de nombreuses questions, dont les réponses sont déduites du raisonnement des juges ou simplement laissées sans réponse. Quid d’une offre faite à durée indéterminée ? Le lien de causalité établi entre le caractère déterminé de la durée de l’offre dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente et la non-caducité de l’offre du fait du décès de son auteur entraîne un raisonnement a contrario : dans le cas d’une offre à durée indéterminée, l’offre est emportée par la mort du pollicitant. L’offre ne devrait donc pas survivre à son émetteur. Ce raisonnement a été confirmé par la Cour de cassation elle-même dans un arrêt rendu le 25 juin 2014. De même, quid du décès du pollicitant dans le cadre d’une offre à durée indéterminée mais dont le maintien correspond à un délai raisonnable, déterminé par les juges du fond ? Cette question est ici laissée sans réponse. La décision des juges est donc assez discutable, d’autant plus que des questions quant à leur raisonnement peuvent-être posées. Pourquoi accorder tant d’importance à la durée d’une offre ? Les juges ont certainement tenté de préserver la sécurité juridique, car la mort d’un cocontractant a obligatoirement des conséquences sur le contrat et pourrait engendrer une importante insécurité juridique. Il est intéressant de noter que la formation de la Cour de cassation n’était pas très solennelle, car la Cour était réunie en troisième chambre civile et non en Assemblée Plénière, et sa décision a pourtant permis de dégager un principe très important mettant fin à un débat doctrinal et jurisprudentiel. Notons enfin que la solution est discutable quant à sa réponse aux faits : seul l’un des pollicitants est ici décédé, et non les deux, et la Cour de cassation semble utiliser ce cas assez spécial pour dégager un principe général important. Les juges de cassation ont ainsi voulu se faire entendre et ont consacré un principe fondamental avec de nombreuses conséquences implicites qu’ils n’éclaircissent pas, en laissant un rôle certainement très important à la jurisprudence future. La durée déterminée de l’offre dans le cadre de la promesse unilatérale de vente constitue donc un rempart clair à la caducité de l’offre du fait du décès de l’un des pollicitants. La théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur est ainsi consacrée et explicitée, mais a été abandonnée par le législateur. II. La consécration explicite puis l’abandon de la théorie du détachement de l’offre de la volonté de son émetteur ✍🏻 La promesse unilatérale de vente est ici le vecteur de l’affirmation explicite de la non-caducité de l’offre du fait du décès du pollicitant, permettant d’asseoir la position de la Cour de cassation sur cette question (A.). L’importance de cette décision a été mise en valeur par sa réitération en jurisprudence mais ce principe a paradoxalement été abandonné par le législateur (B.). A. La promesse unilatérale de vente, vecteur de l’affirmation explicite de la non-caducité de l’offre à durée déterminée du fait du décès du pollicitant La Cour de cassation a habilement utilisé le cadre de la promesse unilatérale de vente afin d’affirmer explicitement la non-caducité de l’offre à durée déterminée du fait du décès du pollicitant. Cela se retrouve notamment dans sa solution par les mots « le décès de M. Y… n’avait pu rendre cette offre caduque » et dans le visa, l’ancien article 1134 du Code civil, qui explicite que les conventions font la loi entre les parties et qu’elles ne peuvent être révoquées que par consentement mutuel. Le caractère déterminé de l’offre émise et l’acte sous seing privé promettant la vente permettent à la Cour de cassation d’utiliser la promesse unilatérale de vente comme fondement à sa décision et au principe de survie de l’offre à son émetteur. La promesse unilatérale de vente sert réellement de vecteur afin d’expliciter que le décès du pollicitant ne rend pas l’offre caduque. Ce cadre qui semble explicite est toutefois discutable, du fait de nombreuses interrogations implicites qui en découlent. En effet, l’on pourrait affirmer que le pollicitant est un élément essentiel du contrat en vertu de l’actuel article 1186 du Code civil, et que la disparition du pollicitant ferait tomber le contrat. Le pollicitant semble ici toutefois être en dehors du champ des éléments essentiels du contrat. Ensuite, quid des contrats conclus intuitu personae dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, comme la promesse d’acheter ou de vendre une maison à un ami ? Les juges semblent consacrer un principe général dont les limites sont déduites implicitement mais toutes les questions ne trouvent pas de réponses. Cela participe à souligner la volonté des juges de consacrer un principe général, ayant vocation à s’appliquer dans d’autres affaires, soulignant aussi l’importance accordée à la jurisprudence future, et notamment de la place de cet arrêt, qui semble être de principe. À cela s’ajoute que les juges laissent présager la possibilité de l’existence de certaines exceptions à ce principe en matière de promesses unilatérales de vente. En effet, les mots « le décès de M. Y… n’avait pu rendre cette offre caduque » laissent imaginer que d’autres éléments peuvent rendre cette promesse caduque, mais ceux-ci ne sont en aucun cas explicités par l’arrêt de 1997. La jurisprudence est donc à nouveau appelée à jouer une rôle capital dans l’explicitation et l’application de cette jurisprudence. Malgré ces interrogations, il est clair que la promesse unilatérale de vente est le vecteur utilisé par la Cour de cassation afin de consacrer et justifier la non-caducité d’une offre à durée déterminée du fait de la mort du pollicitant. B. La réitération du principe par la jurisprudence et son abandon paradoxal par le législateur La Cour de cassation, par les mots « les époux Y… s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991 » et « le décès de M. Y… n’avait pu rendre cette offre caduque » a clairement posé le principe de survie de l’offre au pollicitant. Ce principe a d’abord été repris et explicité par la jurisprudence. En effet, par un arrêt de la première chambre civile rendu le 25 juin 2014, la Cour de cassation semble s’être inspirée de l’arrêt étudié du 10 décembre 1997 afin de consacrer un raisonnement a contrario . Les juges de cassation ont affirmé qu’une offre, qui n’était pas assortie d’un délai, devenait caduque en cas de décès de son auteur, avant que l’offre n’ait été acceptée. La jurisprudence de la Cour n’est donc plus remise en question, même presque 20 ans après, mais semble être élargie et appliquée. Le législateur a tout de même opéré une remise en question du principe de survie de l’offre à son émetteur par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Il a partiellement rejoint la jurisprudence de la Cour de cassation de 2014, en insérant un second alinéa à l’article 1117 du Code civil. Celui-ci affirme la caducité de l’offre en cas de décès de l’auteur, mais n’opère aucune distinction entre une offre à durée déterminée ou à durée indéterminée, d’où le paradoxe : la décision de 1997 de la Cour de cassation semble ainsi être abandonnée par le législateur. Celui-ci qui consacre un principe plus général, peut-être plus ferme et simple : l’offre n’est donc pas détachable de la volonté de son auteur, et ne survit pas à son auteur. Ce principe a même été élargi au décès du destinataire par la loi de ratification de 2018. La décision de la Cour de cassation, pourtant fondamentale à son époque et réitérée, a été invalidée et abandonnée par le législateur, pour laisser place au principe opposé. Malgré son invalidation par le législateur, l’arrêt de la troisième chambre civile de la cour de cassation du 10 décembre 1997 a été surprenant, intéressant et fondamental, et participe réellement à montrer l’importance de la jurisprudence en droit, une importance qui ne risque pas de diminuer. Elea Werner
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ., 18/04/2019, n° 18-14948 (Loi de 1985)
Cours de droit > Cours de Droit Responsabilité Civile Découvrez un exemple de commentaire d’arrêt corrigé sur l'indemnisation des accidents de la circulation (responsabilité civile). L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 18 avril 2019, apporte des précisions sur l'application de la loi de 1985. Cette copie a obtenu la note de 14/20. Sommaire : I/ L’implication ou la causalité A) Le problème de l’implication : un contentieux dépassé ? B) L’implication ou l’absence de causalité II/ Une extension de l’implication favorable à la victime conducteur A) Accident de la circulation ou chute accidentelle ? B) Pour une application favorable de la loi de 1985 à la victime conducteur N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « Ces éléments doivent figurer : La seule présence du VTAM sur les lieux de l’accident suffit à caractériser l’implication ; Les juges sont souverains pour apprécier l’implication ; « a exactement décidé » ; « Allure réduite » ; Action de fauchage ; Un parallèle avec la jurisprudence constante relative à l’utilisation d’un engin dans sa fonction de déplacement et pas d’outil aurait été intéressant ; car il semble qu’ici le tracteur était utilisé dans sa fonction d’outil. La position de la Cour est donc intéressante (valeur) ; Empiètement sur la voie de circulation --> c’est probablement cet empiètement qui a fait se positionner la Cour de cassation comme elle l’a fait et on retrouve ici la condition de la voie de circulation de la L. Badinter ; Avait contraint la victime a une manœuvre de dépassement. Ils ne ressortent pas des titres mais y figurent sur le fond ; fond qui est très intéressant Tous les éléments attendus dans un commentaire figurent sur le fond. Le style rédactionnel est intéressant, mais simplifiez pour ne pas alourdir les phrases et être plus intelligible pour le lecteur. » Sujet : Cass. 2e civ., 18 avril 2019, n° 18-14948 [Accroche] L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 énonce que : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur (…) ». La loi n’ayant pas pris le soin de définir avec précision la notion d’« implication » – condition nécessaire à la mise en œuvre de ce régime spécial de responsabilité – la jurisprudence s’est vue confier cette tâche, et en a développé une approche matérielle et pragmatique, sans en donner de définition stricte. Aussi, certains points d’ombre demeurent, ce qui amène les juges du droit à redéfinir à l’occasion leurs exigences eu égard à cette notion. Il en va ainsi de la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendue le 18 avril 2019. « OK, bien ! » [Qualification juridique des faits] Dans cette affaire, le chauffeur d’une motocyclette (« victime ») a « perdu le contrôle » de son véhicule alors qu’il dépassait un tracteur appartenant au département, « qui procédait au fauchage du bas-côté de la route ». La victime de l’accident a assigné en réparation de son préjudice le département propriétaire de l’engin cause de sa perte de contrôle et son assureur. « OK, bien et clair ! » [Procédure] Sur un premier renvoi après cassation, une cour d’appel a déclaré le département « intégralement responsable des préjudices subis par la victime » du fait de son accident, et l’a condamné solidairement avec son assureur à lui payer une certaine somme avant fixation du montant de la dette définitive ; aux motifs que le tracteur était impliqué dans l’accident du seul fait de sa présence sur les lieux du dommage, en ce qu’il avait « contraint la victime à une manœuvre de dépassement ». En d’autres termes, sans la présence du tracteur litigieux, le dommage ne serait pas survenu. Le département et son assureur se pourvoient une seconde fois en cassation aux motifs qu’ : « est impliqué dans un accident de la circulation tout véhicule qui a joué un rôle quelconque dans sa réalisation », et que sa « seule présence » sur les lieux de l’accident ne saurait suffire à caractériser son implication dans l’accident ayant causé un préjudice. « OK » [Question de droit] Dès lors, la Cour Suprême (« Expression à revoir ») doit se prononcer sur les critères qui permettent de caractériser l’implication d’un véhicule dans la survenance d’un accident dans les hypothèses où il n’y a pas eu de contact entre ledit véhicule et la victime , (« Bien ! ») et plus particulièrement sur son acception du « rôle quelconque » que ledit véhicule doit jouer pour engager la responsabilité de son conducteur ou de son gardien. [Solution de la Cour de cassation] Dans l’arrêt en cause, la Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant que : « c’est la présence du tracteur qui (…), avait contraint (la victime) à cette manœuvre de dépassement » causant son accident et par extension la survenance de son dommage ; c’est pourquoi elle affirme que : « la Cour d’appel a exactement décidé que ce tracteur était impliqué dans l’accident ». Ce faisant, eu égard aux faits de l’espèce, la cour suprême adopte une décision pour le moins sujette à caution en ce qu’elle semble peu scrupuleuse de respecter la technique juridique, ce qu’elle se permet malgré tout pour gratifier la victime d’une indemnisation qu’elle n’aurait pu obtenir si elle s’était pliée aux canons de la technique de droit. « Pour la 2e partie, bien mais simplifiez la première. » [Annonce de plan] Il apparait tout d’abord que la Cour de cassation vient consacrer dans cette décision une certaine « présomption d’implication » (« bien !!! ») du véhicule non entré en contact avec la victime de l’accident, aux dires de P. Jourdain (I). Mais cette solution ne semble pas lever toutes les hypothèses qui pèsent sur cette notion pour le moins ambiguë, ainsi que sur celles qu’elle génère dans l’approche qui en est faite ici. Ce qui nous pousse à y voir une décision d’espèce permettant à la victime de l’accident de bénéficier exceptionnellement du régime spécial de la responsabilité instauré par la loi de 1985 auquel elle n’aurait normalement pas eu droit, en raison de sa situation par rapport à l’accident (II). « OK, mais cette idée est seulement un II. B. » I/ L'implication ou la causalité « À la lecture de ce titre, je ne sais pas ce que vous commentez. Et il faut faire un choix. » [Chapô] La question de l’implication d’un véhicule terrestre à moteur (VTM) dans la réalisation d’un accident donne lieu à une controverse jurisprudentielle de taille que cette décision vient, dans une certaine mesure, clôre (« Contradictoire, vous dites qu'il s'agit d'une décision d'espèce... ») (A) ; en adoptant une approche à tout le moins extensive de cette notion (« Bien ! ») (B). A) Le problème de l’implication : un contentieux dépassé ? « Attention, vous faites un commentaire pas une dissertation. Il ne ressort pas de la décision qu'il s'agisse d'un contentieux dépassé. » La lettre même de la loi du 5 juillet 1985 se présente comme un nid à contentieux, en ce sens qu’elle mobilise des expressions dont l’ambiguïté ne pouvait être levée autrement que par l’office des juges, dans la mesure où elle n’apporte pas les précisions nécessaires sur le sens qu’on leur doit reconnaître. Ainsi de la notion d’implication, condition sine qua non de l’exercice du régime spécial de responsabilité introduit en droit positif par cette même loi. Un bref regard sur la jurisprudence, pléthorique en la matière, nous indique que les difficultés inhérentes à cette expression semblent se cristalliser autour de l’hypothèse dans laquelle le VTM litigieux n’est pas entré en contact avec la victime de l’accident, et qui demande réparation . (« OK, citez des jurisprudences. ») Le pourvoi faisait valoir, de manière judicieuse, que : « la seule présence d’un véhicule sur les lieux de l’accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication dans ledit accident ». Observation pertinente s’il en est, dans l’exacte mesure où elle faisait fond sur une décision précédente, rendue en date du 13 décembre 2012 par la 2e chambre civile, qui allait dans ce sens ; et dont elle ne faisait que reprendre, ce disant, l’attendu de principe. « OK, et donc ? » Cependant, les cas d’espèces étant aussi divers que variés dans l’économie générale de ce type de contentieux, une seule et même décision ne saurait faire autorité. Et, si la présence d’un VTM n’est pas – normalement – susceptible de permettre d’en déduire son implication dans l’accident survenu sur les mêmes lieux, la jurisprudence se fonde souvent sur cette dernière pour établir qu’elle a joué – comme il est dit dans notre affaire : « un rôle quelconque », ou encore qu’elle est intervenue « à quelques titres que ça soit » (2e civ. 24 juin 1998), (« Bien !! ») dans la réalisation de l’accident. De sorte que, l’implication d’un VTM dans un accident de la circulation semble suspendue à son intervention – directe ou indirecte, active ou passive – dans l’enchainement général des événements ayant conduit à sa production ; ce que laissent à penser les expressions susmentionnées. Ce qui revient à dire, en d’autres termes, que pour les hypothèses de ce type, l’implication se rapproche de manière significative de la causalité, malgré que (« Attention, malgré que !! ») le législateur ait choisi ce terme justement pour faire l’économie du contentieux abondant lié à la caractérisation du lien de causalité. En effet, comme le fait observer P . (« Monsieur ») Jourdain – dans le commentaire qu’il propose de cet arrêt – la notion cardinale dans ce type de différend est le critère du « rôle quelconque », qui « oblige à réfléchir en termes de causalité », et plus encore pourrions-nous dire, en termes d’équivalence des conditions, puisque le raisonnement tenu dans ces situations se résume en quelques mots : s’il n’y avait pas eu le VTM litigieux, l’accident ne se serait pas produit . (« Bien !! ») En l’espèce, le tracteur occupé à faucher le bas-côté de la route a : « contraint la victime à une manœuvre de dépassement » (aux termes de l’arrêt), ce qui semble suffisant pour conclure à l’établissement de son « rôle quelconque » dans la réalisation de l’accident, et partant, de son implication dans celui-ci. « Oui !! » Ce faisant, la Haute juridiction judiciaire vient consacrer une approche éminemment large de cette notion , (« Très Bien !! ») par le biais d’une participation négative à la production du dommage, ce qui est conforme à la logique d’ensemble de ce régime spécial de responsabilité, qui vise à proposer aux victimes des accidents de la route un traitement qui leur soit favorable. « Oui mais c'est une transition pour une autre idée. » B) L'implication ou l'absence de causalité « OK mais les "ou" alourdissent et ne laissent pas savoir quelle est l'idée. Simplifiez. » Et cependant, dans quelle mesure, en privilégiant une approche extensive de l’implication, la Cour suprême (« Attention ») ne prête-t-elle pas le flanc à la critique la plus vigoureuse ? En effet, en reconnaissant un rôle causal au tracteur, ou, pour reprendre les mots de M. Baccache, en reconnaissant que ce dernier est « une composante du processus accidentel » – alors même qu’il n’est matériellement pas intervenu, en aucune manière que ce soit, dans la production du dommage – ; l’implication semble devenir une cheville juridique, une copule, que l’on utiliserait dès que le besoin s’en ferait ressentir. Partant, l’implication serait le miroir aux alouettes des tribunaux ne trouvant aucun motifs de condamnation dans le malchanceux spectateur des accidents de la route . (« OK ») Ce qui est tout à fait perceptible, semble-t-il, dans cette décision, tant la motivation peut être prise dans un sens complètement différent, et pourtant donner lieu à la même solution. (« OK ») Le raisonnement tenu par la cour d’appel, et que les hauts magistrats entérinent, repose sur la base de l’hypothèse suivante : si le tracteur n’avait pas été présent sur les lieux de l’accident, celui-ci ne se serait jamais produit, en tant que le conducteur de la motocyclette n’eut pas été contraint d’effectuer un quelconque dépassement . (« Oui, vous pourriez faire un parallèle avec le lien de causalité ») Et pourtant, si le tracteur n’avait pas été là, la végétation du bas-côté de la route n’eut pas été fauchée, de sorte qu’elle aurait potentiellement contraint la victime à un écart, lors duquel elle aurait eu autant de chance de choir que lors du dépassement du tracteur, qu’elle n’a heurté en aucune manière. Aussi, l’absence du tracteur aurait été reprochée au département et retenue contre lui pour engager sa responsabilité, au même titre que sa présence. Et l’on voit ainsi les limites d’une causalité négative – donc inexistante – qui confère à une abstention – l’absence de contact entre le tracteur et la victime – une force positive, et en fait l’un des facteurs déterminants de la réalisation du dommage ; puisqu’avec la même logique, l’on peut arriver à une décision identique, alors même que l’on change radicalement les données de l’équation. Ce que la sagesse populaire exprime très doctement sous la formule bien connue suivant laquelle, avec des si, on met Paris en bouteille. (« OK ») Il en résulte que, en voulant privilégier le dynamisme interne de ce régime spécial de responsabilité, et en favorisant à outrance la situation des victimes, la Cour de cassation viole le principe même d’un mécanisme de responsabilité juridique, qui verse désormais plus dans un système d’indemnisation automatique, que dans l’identification d’un responsable, qui serait amené à répondre de son dol, ou du risque que l’activité à laquelle il s’adonne génère : fondement initial de ce régime de responsabilité. De surcroît, en faisant porter le débat sur la composante causale de l’implication, qu’elle motive sur le fondement d’une participation négative du tracteur à la survenance du dommage, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire sape elle-même la logique, et partant la justesse, de sa décision, qui ne semble pas reposer sur autre chose qu’un mirage : celui de l’implication pour le moins superfétatoire du tracteur à l’accident en cause. (« OK ») Ce que la Cour de cassation elle-même semble reconnaître – ne serait-ce que de manière tacite – lorsqu’elle déclare que la cour d’appel a : « exactement décidé (« Très bien ! ») que ce tracteur était impliqué dans l’accident ». L’adverbe « exactement » se plaçant en porte-à-faux avec les formules traditionnelles de la cour suprême, telles que : l a Cour d’appel a décidé « à bon droit », ou encore , « a tiré les conséquences légales de ses constatations »… Or, ces expressions habituelles traduisent le respect du droit positif (« Très bien !!! ») – ou leur irrespect – des décisions examinées en cassation. Alors que le terme « exactement » traduit un certain respect de la logique elle-même, mais pas du droit. Dès lors, l’extension de l’implication semble bien ôter toute forme de réalité à cette notion, et lui fait atteindre les confins du mystère : un tracteur presque immobile se voit déclarer responsable de la chute d’un motard, sans qu’il y ait eu le moindre contact entre les deux. In fine, il semblerait, a priori, que la limite de cette décision repose sur l’extension de l’implication à l’absence de contact, qui accorde au véhicule dépassé la fonction d’un « rôle quelconque » , (« OK ») fonction qui lui aurait été reconnue de la même manière si la victime lui était franchement rentrée dedans, ou même – si l’on procède à un raisonnement par l’absurde – s’il n’avait pas été là. Enfin, il ne s’agit pas ici d’exiger de la victime de prouver le rôle causal du tracteur dans la production de son dommage, ce qui reviendrait à ajouter à la lettre de la loi, mais seulement de constater l’absence d’une motivation solide au titre de l’implication du tracteur dans la production du dommage. [ Transition ] Quelles sont les conséquences d’une telle extension de la notion d’implication dans l’espèce en cause ? II/ Une extension de l’implication favorable à la victime conducteur « OK pas mal, mais je me demande si ce n'est pas seulement une idée pour une sous-partie de type » [Chapô] La notion d’implication n’est pas la seule à souffrir d’une extension qui semble faire fi du respect de la technique juridique , (« C'est-à-dire ? ») dans la mesure où la notion d’accident de la circulation est elle aussi battue en brèche – ce qui au demeurant découle de l’extension de l’implication – (A). Mais ces subtilités juridiques ne semblent pas avoir d’autre finalité que celle de permettre – pour une fois ? – une application favorable de la loi du 5 juillet 1985 à la victime de l’accident conducteur d’un VTM impliqué dans celui-ci (B). « Intéressant » A) Accident de la circulation ou chute accidentelle ? « OK mais ça fait beaucoup de titre avec des "?". Vous devez tout de même être sûr.e de ce dont vous parlez. » L’expression d’« accident de la circulation », utilisée dans le titre même de la loi, ne pose pas de problème, ni au commun des mortels ni dans le langage courant ; mais elle est loin d’être évidente pour les juristes. Ordinairement, un accident s’entend d’un événement fortuit et soudain, indépendamment de toute manifestation de volonté. En droit, au sens de la loi de 1985, il y a accident pour autant qu’il y ait, dans la somme des faits qui concourent à la survenance du dommage, au moins un fait qui échappe à la volonté de celui qui le subit ; sans quoi l’on estime, en droit, que nous sommes devant une manifestation de volonté – dont les conséquences doivent être assumées par celui qui en est à l’origine. « OK » Les choses se corsent malgré tout avec la notion de circulation. Le principe, sur cette question, est de retenir une approche large de ce terme, l’important étant que le véhicule soit en mouvement, qu’il ait été mis en circulation par son conducteur : c’est la vocation même du véhicule à circuler qui compte avant tout. Cependant, dans certaines situations, la loi du 5 juillet 1985 est écartée, puisque l’on estime être en face d’un accident qui ne relève pas de la circulation. Ainsi, des hypothèses où l’un des VTM impliqués est un engin de travail, soit quand le véhicule est occupé à une fonction autre que le déplacement. Dans ces situations, la fonction de déplacement s’efface au profit de l’utilisation du véhicule comme outil. La Haute juridiction judiciaire s’est prononcée en ce sens dans plusieurs décisions : en 2001, 2006 et plus récemment en 2017. « Oui, Très bien !!! » Or, dans l’espèce rapportée, il est évident que le tracteur déclaré comme responsable de la chute de la motocyclette était en « mode » outil de travail : (« Oui !! Très Bien !! ») « il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation ». Plusieurs remarques peuvent être faites sur ces énonciations. Tout d’abord, le tracteur en cause était manifestement en train de travailler, ce qui aurait déjà pu servir à fonder un moyen visant à l’exclusion de l’application de la loi de 1985. Ensuite, il allait à une « allure très réduite », ce qui renforce le doute qui flotte autour de son implication dans l’accident : son allure réduite permettait de bien anticiper son dépassement, et ce, d’autant plus que ces engins opèrent traditionnellement à grand renfort de gyrophares, voire même de panneaux de prévention en amont de là où ils travaillent . (« Bien ! Vous citez. ») De surcroît, cette précision devrait suffire à lever la présomption d’implication qui pèse sur un véhicule en mouvement, d’une part parce que celui-ci travaille et n’est pas rentré en contact avec la victime ; mais aussi parce que le mouvement retenu à l’encontre des véhicules engagés dans d’autres situations infractionnelles est tenu pour être la cause déterminante du dommage, or, la vitesse « très réduite » du tracteur de notre affaire devrait suffire à invalider ce raisonnement. Enfin, il est dit qu’il « empiétait » sur la voie de circulation, ce qui revient à dire qu’il ne contraignait pas les conducteurs qui étaient sur la même route à un dépassement dangereux puisqu’il ne faisait que mordre sur la voie sans l’obstruer de manière importante. Suivant ces constatations il y a lieu de s’étonner à deux titres. D’abord, en ce que les juges, aussi bien du fond, que de droit, aient conclu à la possibilité de l’application de la loi relative à l’indemnisation des victimes des accidents de la route . (« OK !! ») Et enfin , (« ensuite ») en ce que le pourvoi ne se soit prévalu que du simple argument de la présence du tracteur comme étant un élément insuffisant pour caractériser l’implication de son tracteur dans l’accident, alors même qu’il avait d’autres arguments à faire valoir. En définitive, cette décision semble peu soucieuse du respect de la technique juridique, ce qui demanderait à être dénoncé vertement si ce n’était pour permettre à la victime de l’accident en cause d’être indemnisé de son préjudice. B) Pour une application favorable de la loi de 1985 à la victime conducteur « OK, c'est bien ce que je disais, le titre du II. est une sous-partie. » Nombre d’auteurs voient dans le traitement accordé à la victime conducteur des accidents de la circulation une certaine forme de scandale en ce que ce protagoniste de ce type de contentieux est lotie différemment des autres protagonistes, comme par exemple les passagers, ce qui les conduits à considérer les victimes conducteurs comme les mal-aimées de cette loi. En effet, l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subi ». Ce qui est logique dans la mesure où les victimes d’un accident de la circulation ne peuvent agir que contre « le conducteur ou le gardien » du VTM impliqué dans l’accident, comme l’énonce l’article 2 de ladite loi, ce qui induit que le conducteur victime de lui-même ne saurait réparer son propre préjudice : cela n’aurait aucun sens, puisque cela reviendrait à ce qu’il se verse une indemnité à lui-même. De telle sorte que le régime d’indemnisation instauré par cette loi est sans application dans les situations où le conducteur a été blessé par son propre véhicule lorsque ce dernier était le seul impliqué dans l’accident. À titre d’exemple, la 2e chambre civile jugeait une affaire dans ce sens le 13 juillet 2006. Or, dans l’arrêt en cause, la Cour de cassation motive sa décision au visa de l’article 1er de la loi de 1985, ce qui permet, non seulement de faire l’impasse sur l’application possible de l’article 4 de cette loi, et partant de la possibilité pour la victime de se voir opposer sa faute – faute probable eu égard aux contorsions nécessaires pour admettre l’implication du tracteur dans l’accident et partant exclure un éventuel comportement dolosif de la victime – vitesse excessive, inattention … (« Très bien : lien entre fondement juridique et la décision !!! ») ; mais encore, grâce au recours à une vision étendue de l’implication, de reconnaître que la motocyclette de la victime n’était pas le seul VTM impliqué dans l’accident en cause, ce qui octroi à son conducteur, victime de l’accident, la possibilité de bénéficier du régime d’indemnisation instauré par cette loi. Aussi la présence d’un tracteur appartenant au département était pour elle une bénédiction, dans la mesure où son conducteur, en tant que préposé du département, ne pouvait pas être tenu pour gardien du véhicule, de sorte que la dette d’indemnisation ne pouvait pas peser sur les épaules d’un innocent, dirions-nous de manière un peu pompeuse, mais seulement sur le patrimoine généreux d’une personne moral de droit public. En effet, depuis l’arrêt Costedoat du 28 mai 2009, le préposé qui agit dans le cadre de sa mission n’engage pas sa responsabilité civile envers les tiers victimes de l’exécution de ses obligations. Aussi, cette solution se présente-t-elle comme une application de la jurisprudence Costedoat au préposé conducteur . (« Intéressante cette ouverture ») En effet, dans l’affaire en cause, le tracteur : qui « était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation ». Aux termes de ces énonciations, il y a lieu d’estimer que le préposé conducteur agissait bien dans les limites de ses missions. Cette solution, nettement favorable à la victime de l’accident, n’a été possible qu’au prix d’une entorse importante à la notion d’implication, et partant à celle d’accident de la circulation ; ce qui semble suffire à n’y voir qu’une décision d’espèce destinée à rester un îlot isolé de l’archipel jurisprudentiel constitué par ce contentieux. « Peut-être ! »
- Exemple de commentaire d'arrêt en droit administratif (contrat administratif)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Voici un exemple de commentaire d’arrêt en droit administratif portant sur les critères jurisprudentiels de qualification du contrat administratif . L'arrêt Société Eveha contre INRAP , rendu le 2 novembre 2020 par le Tribunal des conflits, précise les critères permettant de qualifier un contrat comme administratif. Cette copie a obtenu la note de 16,5/20. Sommaire : I/ L’apport d’une importante précision concernant les critères jurisprudentiels de qualification du contrat administratif A) Le rappel de l’indice jurisprudentiel de la présence de clauses exorbitantes du droit commun comme moyen de qualification du contrat administratif B) La nécessité d’une clause exorbitante du droit commun stipulée au bénéfice de la personne publique II/ Le service public au cœur de la notion de contrat administratif A) L’exécution même d’une mission de service public conférant au contrat le caractère administratif B) La compétence du juge administratif pour le litige en cause N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : devoir bien rédigé, plan cohérent, introduction complète. L'introduction est claire et complète mais la construction du devoir mériterait d'être revue et vous pouviez davantage exploiter vos connaissances pour commenter. Sujet : T. confl., 2 nov. 2020, Sté Eveha contre INRAP [Accroche] Le Conseil d’État, dans son arrêt intitulé « Société des Granits porphyroïdes des Vosges » datant de 1912, soutient que si un contrat contient une ou plusieurs clauses exorbitantes de droit commun, il s’agit d’un contrat administratif. En revanche, si le contrat est passé « selon les règles et conditions des contrats intervenues entre particuliers », il s’agit d’un contrat de droit privé. Or, par son arrêt rendu le 2 novembre 2020 intitulé « Société Eveha contre INRAP », le Tribunal des conflits relève désormais que ces critères d’identification ne sont plus suffisants. « OK ou alors il vient les "préciser" ? Dans l'idée l'accroche est bien choisie mais sur la fin, à reformuler. » [Faits qualifiés juridiquement] En l’espèce, un contrat a été conclu entre une personne de droit privé, à savoir la société publique locale d’aménagement (SPLA), et une personne morale de droit public, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en vue de réaliser des fouilles archéologiques préventives préalables à la construction d’une zone d’aménagement concertée. Ce contrat présentait la particularité de comporter des clauses exorbitantes de droit commun, à savoir la possibilité pour la SPLA de résilier le contrat unilatéralement pour motif d’intérêt général. [Procédure] Saisi en première instance dans le cadre de l’examen d’une demande relative à l’attribution de ce contrat formée par un candidat évincé du processus d’attribution dudit contrat, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande par un jugement du 6 novembre 2018. La société demanderesse a donc saisi la Cour administrative d’appel de Marseille en appel qui, par un arrêt du 15 juin 2020, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence. [Moyens] Pour défendre la soumission de ce contrat au droit administratif, l’INRAP soutient que le contrat en cause a pour objet l’exécution de fouilles archéologiques préventives qui relèvent directement du domaine de la mission de service public confiée à celle-ci. Il rappelle également le contexte exorbitant en soutenant que le régime applicable à l’exécution des contrats de fouilles est exorbitant du droit commun et que le contrat en cause comporte lui-même des clauses exorbitantes du droit commun. La SPLA quant à elle, tendant également à ce que la juridiction administrative soit compétente, soutient que le contrat en cause a pour objet l’exécution même d’une mission de service public et que le régime exorbitant applicable au contrat justifie le fait qu’il soit régi par le droit public. « Oui, vous avez très bien décrit la procédure et résumé les faits. C'est très clair ! » [Problématique] La présence d’une clause exorbitante du droit commun dans un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée confère-t-elle au contrat le caractère d’un contrat administratif ? « OK mais dans cette problématique vous n'incluez pas la question que vous soulevez implicitement dans votre devoir, par rapport à la qualification de travaux publics. » [Annonce de plan] Par son arrêt rendu le 2 novembre 2020, le Tribunal des conflits répond par la négative en démontrant que la présence d’une clause exorbitante du droit commun dans un contrat entre une personne publique et une personne privée ne confère pas en elle-même le caractère administratif au contrat lorsque (« aurait dû être le [I] ») celle-ci est stipulée au bénéfice de la personne privée . (« aurait dû être le II dans lequel vous pouviez terminer sur l'idée des TP/ compétence du JA par exemple ») En plaçant la notion de service public au cœur du contrat administratif, le Tribunal des conflits apporte à travers cet arrêt une précision importante concernant les critères jurisprudentiels de qualification des contrats. « Oui, très bien et cela aurait fait votre ouverture, donc je maintiens sur la construction que vous auriez pu procéder comme indiqué ci-dessus. » I. L’apport d’une importante précision concernant les critères jurisprudentiels de qualification du contrat administratif [Chapô] À travers son arrêt rendu le 2 novembre 2020, le Tribunal des conflits rappelle dans un premier temps que la présence de clauses exorbitantes ainsi que la soumission à un régime exorbitant du droit commun confère au contrat entre une personne privée et une personne publique le caractère administratif (A) , tout en apportant l’importante précision selon laquelle la clause exorbitante du droit commun doit nécessairement être stipulée au bénéfice de la personne publique afin que le caractère administratif soit conféré au contrat en cause (B) . A) Le rappel de l’indice jurisprudentiel de la présence de clauses exorbitantes du droit commun comme moyen de qualification du contrat administratif « OK bien mais le titre est trop long. Cette idée pourrait faire l'objet d'une seule sous-partie complète. Tout l'intérêt de la décision se situe au niveau de la précision qu'un contrat n'est pas qualifié de contrat administratif si les prérogatives exorbitantes sont attribuées à une personne privée. » En vertu de la traditionnelle jurisprudence « Société des Granits porphyroïdes des Vosges » établie par le Conseil d’État en 1912, est un contrat administratif tout contrat incluant des clauses exorbitantes de droit commun. En revanche, tout contrat passé selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers constitue un contrat de droit privé. La notion de clause exorbitante du droit commun a d’ailleurs été développée par le Tribunal des conflits lui-même. En effet, dans son arrêt « SA Axa France IARD » datant du 13 octobre 2014, le Tribunal des conflits définie cette notion comme « la clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». « OK très bien de citer la JP, mais c'est long comme paragraphe sans que vous ne fassiez de lien avec notre arrêt. Il faut mettre en parallèle ces connaissances avec la décision à commenter. » Par ailleurs, la possibilité de résiliation unilatérale du contrat est un élément qualifié comme une clause exorbitante en vertu de la jurisprudence du Tribunal des conflits « Société du Vélodrome du Parc des Princes contre ville de Paris » du 16 janvier 1967. (« Toujours OK mais c'est vraiment dommage que vous ne fassiez encore aucun lien avec l'arrêt à commenter à ce stade de votre développement. ») La jurisprudence établit donc que tout contrat conclu entre une personne privée et une personne publique comportant une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit commun est caractérisé comme un contrat administratif. En l’espèce, le contrat litigieux conclu entre la SPLA et l’INRAP comportait une clause permettant à la SPLA, personne privée, de résilier unilatéralement le contrat pour motif légitime. À cette occasion, le Tribunal des conflits ne manque pas de rappeler à travers son arrêt que tout contrat passé entre une personne publique et une personne privée comportant une clause exorbitante du droit commun, qui implique qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, est un contrat administratif. « OK vous faites la transition avec le I.B. mais n'avez pas dû tout commenté la décision dans ce I.A. qui ne fait que décrire / rappeler la jurisprudence antérieure sans la mettre en parallèle avec la décision. » [ Transition ] Cependant, il rappelle une condition très importante en précisant que les prérogatives exorbitantes doivent être établies au bénéfice de la personne publique cocontractante. B) La nécessité d’une clause exorbitante du droit commun stipulée au bénéfice de la personne publique « Et ici nous aurions eu la 2e idée. » L’existence de clauses exorbitantes ne suffit pas à caractériser le contrat comme administratif, (« Très bien : dites que la décision le met en évidence ») il est impératif que celles-ci soient stipulées au bénéfice de la personne publique. C’est ici que se trouve l’apport du Tribunal des conflits dans le litige en cause . (« OK bien mais alors s'il s'agit de « l'apport », cette idée trouve sa place en II. B. en général, non ? ») En effet, celui-ci soutient qu’en l’espèce, la circonstance que le contrat litigieux confère des clauses exorbitantes au seul bénéfice de la personne privée, notamment la prérogative de résiliation unilatérale du contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à caractériser l’administrativité du contrat en cause dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique. La juridiction précise donc à cette occasion la portée de sa jurisprudence antérieure « SA Axa France IARD » en insistant sur la précision selon laquelle la partie bénéficiaire des prérogatives reconnues par les clauses exorbitantes doit être la personne publique et non la personne privée . (« Oui, pourquoi ce positionnement est-il intéressant ? Commentez ») Une clause exorbitante du droit commun ne vaut donc pas qualification de contrat administratif, une telle qualification est établie uniquement si la clause bénéficie à la personne publique. La juridiction entérine donc ici le grand critère jurisprudentiel de la présence de clauses exorbitantes avec l’importante précision que l’existence d’une telle clause ne confère le caractère administratif uniquement si celle-ci est en faveur de la personne publique. « Oui, que pourriez-vous en tirer ? Il faut commenter. » [ Transition ] Cependant, le contrat conclu en l’espèce entre la SPLA et l’INRAP relève tout de même du droit administratif selon le Tribunal des conflits. Après avoir rappelé l’importante précision du bénéfice de la personne publique concernant les clauses exorbitantes du droit commun, la juridiction saisie ne manque pas de mettre au cœur du contrat administratif la notion de service public afin de caractériser l’administrativité du contrat litigieux en cause. II/ Le service public au cœur de la notion de contrat administratif [Chapô] Dans l’affaire dont il s’agit, le Tribunal des conflits conclut tout de même à caractériser l’administrativité du contrat au regard de la mission de service public exercée par l’INRAP (« En effet, dit de cette façon, c'est plus intéressant ») (A) , dans la mesure où l’objet du contrat se résignait à l’accomplissement de travaux publics (B) . A) L’exécution même d’une mission de service public conférant au contrat le caractère administratif « À reformuler dans l'idée que vous énoncez dans votre chapeau introductif. OK surtout l'objet de travaux publics, c'est ce que dit la décision, est-ce que c'est ce qui était central ici, je ne suis pas sûre. » En vertu de la jurisprudence « Consorts Grimouard » établie par le Conseil d’État en 1956, est administratif le contrat qui constitue l’une des modalités de l’exécution même d’un service public. En l’espèce, le contrat conclu entre la SPLA et l’INRAP avait pour objet la réalisation des fouilles archéologiques préventives préalables aux travaux d’une zone d’aménagement concerté . (« Ah, bien ! Vous faites le lien entre la décision et vos connaissances. Que pouvez-vous dire de ces éléments ? ») Il semble donc que ce soit cette notion même de service public qui fonde la compétence du contrat administratif dans le litige en cause au regard des arguments établis par le Tribunal des conflits. En effet, celui-ci rappelle en premier lieu la définition de l’archéologie préventive en vertu de l’article L. 521-1 du Code du patrimoine. Il rappelle également dans un second temps les conditions de mise en place de diagnostics d’archéologie préventive aux termes de l’article L. 523-1 du Code de patrimoine dans lequel il est précisé que « les diagnostics d’archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif qui les exécute conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l’État et sous la surveillance de ses représentants ». La juridiction établit donc que le législateur a entendu créer un service public de l’archéologie préventive et a notamment, dans ce cadre, chargé l’INRAP de réaliser des diagnostics d’archéologie préventive et d’effectuer, dans les conditions prévues par le Code du patrimoine, des fouilles. [ Transition ] C’est donc la notion d’exécution du service public que met ici en avant et au cœur du contrat administratif le Tribunal des conflits afin d’établir que le contrat litigieux relève d’un caractère administratif et se trouve sous la compétence de la juridiction administrative [ Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la juridiction administrative ]. B) La compétence du juge administratif pour le litige en cause « Est-ce vraiment ce qu'apporte la décision ? Je ne suis pas sûre. Cette partie aurait été intéressante dans une partie relative à la qualification de travaux publics pour reconnaître la compétence du juge administratif. » Dans son arrêt dont l’apport consiste en une grande précision concernant le critère jurisprudentiel de la présence de clauses exorbitantes du droit commun confèrent au contrat le caractère administratif , (« Oui ») la juridiction appelée à statuer établit tout de même la compétence du juge administratif pour le litige en cause en établissant le caractère administratif du contrat litigieux dont il s’agit en écartant le régime exorbitant ainsi que la présence de clauses exorbitantes tout en mettant en avant l’exécution d’un service public dont fait l’objet le contrat conclu entre la SPLA, personne privée et l’INRAP, personne publique. En effet, le Tribunal des conflits termine son examen en précisant que le contrat par lequel la personne projetant d’exécuter les travaux qui ont donné lieu à la prescription, par l’État, de réaliser des fouilles d’archéologie préventive confie à l’INRAP, établissement public, le soin de réaliser ces opérations de fouilles a pour objet l’exécution même de la mission de service public (« Oui, tirez-en quelque chose ») de l’archéologie préventive et que ces opérations de fouilles, dès lors qu’elles sont effectuées par cet établissement public dans le cadre de cette mission de service public, présentent le caractère de travaux publics. « Oui, donc ? Allez plus loin, soyez plus dans le commentaire. » Ici, le Tribunal des conflits établit la compétence du juge administratif non pas au regard de la présence de clauses et de régime exorbitants, mais en mettant en lumière la notion d’exécution de service public conférant au contrat un caractère administratif. « OK bien !! »
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] T. confl. 17/06/2013 TC (Voie de fait)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Ce commentaire porte sur l’arrêt du 17/06/2013 où le Tribunal des conflits vient préciser la notion de voie de fait, permettant exceptionnellement au juge judiciaire de régler le litige portant sur une atteinte de l’administration à une liberté individuelle ou au droit de propriété. Découvrez comment réussir un commentaire d’arrêt avec cette copie (15/20).🔥 Sommaire : I- La consécration d’une nouvelle définition de la voie de fait tout en maintenant la généralité de la structure initiale A- L’établissement du concept de liberté individuelle à défaut de la liberté fondamentale B- L’affirmation au seul cas d’extinction du droit de propriété plutôt qu’au cas d’atteinte grave au droit de propriété II- Une restriction du champ d’application de la voie de fait A- Une réduction du domaine d’application du juge judiciaire au profit du juge administratif B- La contribution d’une jurisprudence antérieure et restrictive N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Par un arrêt en date du 17 juin 2013 (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), le Tribunal des conflits est venu préciser la notion de voie de fait, permettant exceptionnellement au juge judiciaire de régler le litige portant sur une atteinte de l’administration à une liberté individuelle ou au droit de propriété. La société ERDF, en 1983, avait irrégulièrement implanté un poteau électrique sur un terrain privé. Le nouveau propriétaire, qui avait acquis le terrain en 1990 a formé une demande devant le Tribunal de grande instance, tendant au déplacement du poteau litigieux au frais de la société, sous astreinte. Seulement par une décision du 21 janvier 2011 le Tribunal de grande instance de Chambéry a décliné sa compétence pour juger cette affaire. Dès lors, le propriétaire saisit la Cour d’appel de Chambéry, qui par un arrêt du 6 octobre 2011 affirme son incompétence. Par conséquent, le propriétaire se pourvoit en cassation, seulement cette dernière saisit le Tribunal des conflits pour régler ce litige. Dès lors, le requérant énonce que la juridiction judiciaire doit être déclarée compétente car elle peut ordonner le déplacement d’un poteau électrique implantée sans titre sur une propriété privée, même en l’absence de voie de fait, par application de l’article 12 de la loi du 15 juin 1906 alors la société ERDF a commis une voie de fait car il n’y a eu de prescription acquisitive applicable et qu’il n’y a eu aucun accord à l’implantation litigieuse. Les défendeurs donc la société ERDF tendent à ce que le juge administratif soit déclaré compétent car aucune voie de fait n’a été commise car les propriétaires successifs n’ont jamais contesté l’implantation de l’ouvrage litigieux. Le Tribunal des conflits va devoir déterminer si le cas litigieux relève d’une voie de fait et ainsi pouvoir préciser devant quelle juridiction le conflit devra être apprécié. Dès lors, les juges du Tribunal des conflits ont été amenés à s’interroger si l’implantation, même sans titre d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée relève-t-il d’une atteinte grave au droit de propriété et par conséquent de la voie de fait ? Par un arrêt du 17 juin 2013 (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman) , le Tribunal des conflits revient à redéfinir la notion de voie de fait en énonçant : « que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. » Par conséquent que : « l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration » . Les juges du Conseil d’État admettent qu’il n’y a pas de voie de fait car l’acte litigieux ne relève pas d’une extinction du droit de propriété. C’est alors au juge administratif d’apprécier le litige et non pas au juge judiciaire [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la compétence du juge administratif et du juge judiciaire ]. Par conséquent, en quoi dans cet arrêt le Tribunal des conflits a été amené à redéfinir la notion de voie de fait et ainsi réduire le champ d’application du juge judiciaire ? Au terme de cet arrêt (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), le Tribunal des conflits est venu consacrer une nouvelle définition de la voie de fait, tout en maintenant la structure générale de cette dernière. Ainsi, les juges sont venus restreindre la compétence du juge judiciaire au niveau de la voie de fait, en augmentant a contrario le domaine d’application du juge administratif sur le plan du référé liberté. Dès lors, le Tribunal des conflits est venu consacrer une nouvelle définition de la voie de fait tout en perpétuant la généralité de la structure initiale (I), par conséquent, les juges sont venus restreindre le champ d’application de la voie de fait (II). I. La consécration d’une nouvelle définition de la voie de fait tout en maintenant la généralité de la structure initiale : Au terme de cet arrêt le Tribunal des conflits est venu consacrer une nouvelle définition du concept de la voie de fait, en établissant la notion de liberté individuelle à défaut de la liberté fondamentale (a) ainsi que d’affirmer au seul cas d’extinction du droit de propriété plutôt qu’au cas d’atteinte grave au droit de propriété (b). a. L’établissement du concept de liberté individuelle à défaut de la liberté fondamentale : Au terme de cet arrêt (17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), le Tribunal des conflits établit une nouvelle définition du concept de voie de fait, en restreignant son champ d’application. Tout d’abord, les juges considère qu’il n’y a voie de fait : « de la part de l'administration que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle (…), soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle (…) et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. » Dès lors, les juges du Tribunal des conflits considèrent que pour que la voie de fait soit établie, il faut que l’acte de l’administration porte atteinte à une liberté individuelle et non plus à la liberté fondamentale. En effet, la liberté individuelle rentre dans le champ de la liberté fondamentale. Mais les juges considèrent que la voie de fait ne peut se qualifier qu’en présence d’un acte de l’administration portant atteinte à une liberté individuelle. Dès lors, les atteintes aux libertés collectives ne sont pas prises en compte pour qualifier une voie de fait, ainsi la liberté de la presse est une liberté fondamentale qui dans le passé pouvait être qualifiée de voie de fait, mais au terme de l’arrêt du Tribunal des conflits de 2013, seules les atteintes aux libertés individuelles peuvent rentrer dans le champ d’application de la voie de fait. De même pour la liberté d’aller et venir qui n’est pas constitutive d’une liberté individuelle comme en rappelle un arrêt du Conseil d’État du 12 février 2018. En consacrant, que les atteintes aux libertés fondamentales ne sont plus constitutives de la voie de fait, seulement les atteintes aux libertés individuelles, le Tribunal des conflits porte une conception stricte de la notion de voie de fait. En rappelant, que dans les années 80, le Conseil constitutionnel énonce que l’article 66 de la constitution ne concerne que la liberté individuelle et donc ne concerne pas l’ensemble des libertés. Ce qui signifie que toutes les atteintes aux libertés fondamentales qui auparavant relevaient de la voie de fait mais qui ne relevaient pas d’une atteinte à la liberté individuelle, aujourd’hui vont relever de la seule compétence du juge administratif et donc se contiennent dans le champ du référé liberté. Seulement, les juges du Tribunal des conflits ont redéfini le concept d’atteinte au liberté fondamental au profit de la seule atteinte à la liberté individuelle pour qualifier la voie de fait. Mais les juges dans cette nouvelle définition de la voie de fait ne se sont pas arrêtés là, et ont ainsi redéfinit le concept d’atteinte grave au droit de propriété. b. L’affirmation au seul cas d’extinction du droit de propriété plutôt qu’au cas d’atteinte grave au droit de propriété : Au terme de cet arrêt (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman) , le Tribunal des conflits a institué une nouvelle définition du concept de voie de fait, en restreignant son champ d’application. Les juges ont dans un premier temps redéfini l’atteinte aux libertés fondamentales, au seul cas d’atteinte aux libertés individuelles. Dans un second temps, les juges considère qu’il n’y a voie de fait : «de la part de l'administration que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, (…) aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets (…) d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. » Dès lors, les juges du Tribunal des conflits viennent redéfinir la notion d’atteinte grave au droit de propriété afin de qualifier la voie de fait. Avant la décision du 17 juin 2013, la voie de fait était caractérisée au seul moment où l’administration avait porté une atteinte grave au droit de propriété ou à une vraie dépossession. Cependant, le Tribunal des conflits estime qu’il n’y a voie de fait que si l’administration a adopté une mesure, ou action qui a pour effet une extinction du droit de propriété. Ainsi, le Tribunal des conflits en caractérisant que seul l’atteinte grave au droit de propriété ne peut plus se qualifier de voie de fait, ou seulement si l’acte de l’administration a pour effet une extinction du droit de propriété. Le conseil constitutionnel, en adoptant une interprétation restrictive de l’article 66 de la constitution, reconnaît l’importance des compétences d’attributions données au juge judiciaire en matière de protection du droit de propriété mais cette compétence est limitée car elle ne concerne que la propriété immobilière. Et, considère que la compétence judiciaire ne peut se faire que par des atteintes plus graves comme la dépossession, l’expropriation et donc l’extinction du droit de propriété. En effet, au terme de cet arrêt le Tribunal des conflits énonce que tout ce qui relevait de la voie de fait, mais qui aujourd’hui ne peut être analysé comme une extinction du droit de propriété vont donc basculer dans le champ de compétence du juge administratif et donc dans le champ du référé liberté. Seulement, le Tribunal des conflits au terme de cet arrêt a donc redéfini le concept de voie de fait tout en gardant la structure générale. Cependant, en définissant la voie de fait, les juges sont venus restreindre le champ d’application du juge judiciaire au profit du juge administratif. Le tribunal des conflits, en rendant cette décision en 2013 s’est appuyé sur des jurisprudences antérieures ainsi que l’avis de la doctrine . II. Une restriction du champ d’application de la voie de fait : Au terme de cet arrêt (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), le Tribunal des conflits est venu restreindre le champ d’application de la voie de fait, en réduisant la compétence du juge judiciaire au profit du juge administratif (a), en établissant avec l’aide d’une jurisprudence restrictive et antérieure restrictive (b). a. Une réduction du domaine d’application du juge judiciaire au profit du juge administratif : Au terme de cet arrêt, le Tribunal des conflits à donner une nouvelle définition de la théorie de la voie de fait. Théoriquement, la voie de fait constitue une atteinte grave portée par l’administration au droit de propriété aboutissant à son extinction ou une liberté individuelle. Sa reconnaissance provoque la compétence du juge judiciaire pour la constater, la faire cesser et en réparer les conséquences dommageables. Les juges du Tribunal des conflits ont énoncé que : « l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration ». C’est-à-dire, que les juges estiment que l’acte litigieux ne caractérise pas une voie de fait et par conséquent que ce litige ne doit pas être apprécié par le juge judiciaire mais par le juge administratif. En effet, au terme de cet arrêt le Tribunal des conflits est venu admettre une définition moins extensive de la théorie de la voie de fait et de restreindre le champ d’application du juge judiciaire. Cependant, le juge judiciaire va conserver une compétence large, en constatant la voie de fait, en faisant cesser cette dernière mais aussi en condamnant l’administration à réparer le préjudice. Le Tribunal des conflits est venu admettre l’existence d’une frontière entre de ce qui relève de la voie de fait et par conséquent de la compétence du juge judiciaire et de ce qui relève du référé liberté et donc de la compétence du juge administratif. Mais ce qui les distingue, c’est qu’il y’a voie de fait lorsque l’administration porte atteinte au droit de propriété allant jusqu’à son extinction ou à une liberté individuelle, donnant compétence au juge judiciaire. De ce fait, tous les actes de l’administration portant atteinte à une liberté fondamentale et au droit de propriété ne rentrant pas dans le cadre de la voie de fait, sont vu comme théorie du référé liberté, dirigé par le juge administratif. Au terme de cet arrêt, le juge judiciaire va se voir retirer toute une série d'hypothèses qui avant était qualifié de voie de fait et qui maintenant va être récupéré par le juge administratif, se basant sur le référé liberté. Cependant, pour que le Tribunal des conflits puisse arriver à rendre cette décision, les juges ont dû se baser sur une jurisprudence et une doctrine antérieure. b. La contribution d’une jurisprudence antérieure et restrictive : Pour rendre la décision du 17 juin 2013 (M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), les juges du Tribunal des conflits ont dû se fonder sur une jurisprudence du Conseil d’État, ainsi que la doctrine et le conseil constitutionnel, afin de redéfinir au mieux la notion de voie de fait, tout en conservant une frontière assez étanche entre le juge judiciaire et administratif. Tout au long du XXème siècle, la jurisprudence administrative et la doctrine publiciste ont été critiques sur la manière dont le juge judiciaire faisait application de la voie de fait. Ils reprochaient au juge judiciaire d’avoir une interprétation extensive de la notion de voie de fait au détriment du juge administratif, avec une tendance à dire qu’une simple illégalité suffirait à qualifier une voie de fait. Le juge administratif, à l’époque ne disposait pas d’outils lui permettant de protéger les droits de propriété et les libertés fondamentales contre les agissements de l’administration. Seulement, par une réforme du 1er juillet 2000, le juge va être doté des outils lui permettant de protéger le droit de propriété et les libertés fondamentales contre les agissements de l’administration. Cet outil, c’est le référé liberté, introduit par l’article L521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. » Les juges du Tribunal des conflits pour rendre la décision de 2013 vont donc s’appuyer sur ce texte en redéfinissant le concept de voie de fait. Le Tribunal des conflits va donc s’appuyer sur les recherches de Michel Debré et du conseil constitutionnel, en disposant que l’article 66 de la constitution ne concerne que la liberté individuelle mais ne concerne pas l’ensemble des libertés. Cette interprétation du Conseil constitutionnel va être fortement appréciée par les juges du tribunal des conflits lors de l’arrêt du 17 juin 2013. C’est au terme d’un arrêt du Conseil d’État que la chute de la définition initiale de la voie de fait va être provoquée, avec une décision du 23 janvier 2013 où les juges vont statuer en qualité de référé liberté donc au profit du juge administratif même si l’action litigieuse de l’administration constituait une voie de fait. C’est donc avec l’aide de ces décisions antérieures que les juges du Tribunal des conflits sont parvenus à redéfinir la notion de voie de fait et répartir les compétences du juge judiciaire mais aussi du juge administratif. Au terme de cet arrêt de 2013 (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman), les juges de la Haute cour vont reprendre de façon constante la nouvelle définition de la voie de fait, comme en témoigne un arrêt du Tribunal des conflits du 9 décembre 2013. Laura Dubuis
Si des dizaines de milliers d'étudiants nous font confiance, c'est qu'il y a une bonne raison, non ?



![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ, 07/07/2022 (Accident circulation)](https://static.wixstatic.com/media/6b92b7_adff2f4b6fe242f6a143ca9f40c63648~mv2.png/v1/fit/w_176,h_124,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/6b92b7_adff2f4b6fe242f6a143ca9f40c63648~mv2.png)
![[COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3e civ., 16/03/2011 (Devoir d'information)](https://static.wixstatic.com/media/6b92b7_ad7837aba6db467e9429c46e556db3c5~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/6b92b7_ad7837aba6db467e9429c46e556db3c5~mv2.jpg)
![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Arrêt Faurecia 2010 (Droit des contrats)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_cd7afff68d1642b59c74d87f3ec92d5a~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_cd7afff68d1642b59c74d87f3ec92d5a~mv2.jpg)
![[COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 12/03/2008 (Usucapion)](https://static.wixstatic.com/media/6b92b7_84c6f4df26584aa89deff73234c5b85f~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/6b92b7_84c6f4df26584aa89deff73234c5b85f~mv2.jpg)
![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 22/02/2007, APREI (Service public)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_75d8b9a1d0db4784a4b179e1476a8e8d~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_75d8b9a1d0db4784a4b179e1476a8e8d~mv2.jpg)

![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 08/04/2022 (Légalité actes de droit)](https://static.wixstatic.com/media/03d090_a93b3f1e7f834f138deb2a1b172da817~mv2.png/v1/fit/w_176,h_124,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/03d090_a93b3f1e7f834f138deb2a1b172da817~mv2.png)
![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 31/07/2017, (Autorités publiques)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_abbe27eec6084496a13a214802afdce7~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_abbe27eec6084496a13a214802afdce7~mv2.jpg)
![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3e civ 10/12/1997 (Offre)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_693d971614804075b1e661180e3e26d4~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_693d971614804075b1e661180e3e26d4~mv2.jpg)
![[COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ., 18/04/2019, n° 18-14948 (Loi de 1985)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_a422f28f7d9540528ec9310131584a0f~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_a422f28f7d9540528ec9310131584a0f~mv2.jpg)

![[COMMENTAIRE D'ARRÊT] T. confl. 17/06/2013 TC (Voie de fait)](https://static.wixstatic.com/media/df85a3_a6b5c15ecc2a4c18acf299a05ce38e85~mv2.jpg/v1/fit/w_176,h_124,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,blur_3,enc_auto/df85a3_a6b5c15ecc2a4c18acf299a05ce38e85~mv2.jpg)