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[COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 12/03/2008 (Usucapion)

Cours et copies > Droit des biens


Voici un exemple de commentaire d'arrêt en droit des biens. Le commentaire porte sur l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 mars 2008. Il porte sur l'usucapion d'une servitude de surplomb et sur l'atteinte à la propriété d'autrui. La copie a obtenu la note de 17/20.

 

Sommaire :


 
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N.B : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊


Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.

 

Sujet : Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008


[Accroche] La jurisprudence demeure depuis longtemps attachée à une conception absolutiste de la puissance de la propriété. Toutefois, ponctuellement, elle est venue admettre l’empiètement, notamment en matière de servitude de surplomb comme l’illustre parfaitement l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008.


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[Faits et procédure] En l’espèce, dans cet arrêt il était question d’un immeuble sur lequel était construit une corniche qui dépassait sur le terrain voisin, ce dernier appartenant à la société Clairsienne d’HLM. À l’issue d’une longue période d’au minimum trente ans, les époux X, propriétaires de l’immeuble en question ont assigné la société Clairisenne d’HLM afin de se voir reconnaître juridiquement une servitude de surplomb qu’ils ont acquis par prescription trentenaire, du fait de la corniche construite sur leur immeuble, et ce, dans le but de s’opposer à des travaux envisagés par cette société qui étaient de nature à porter atteinte à la servitude invoquée.


[Procédure] L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt en date du 30 octobre 2006, fait droit à la demande des époux X aux motifs que « le fonds des époux X, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». C’est dans ces conditions que la société Clairsienne d’HLM forme un pourvoi en cassation aux moyens que d’une part une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui et que d’autre part le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une servitude sur un autre fonds.


[Problématique] La question qui se posait alors aux juges de la troisième chambre civile était de savoir dans quelles mesures une servitude peut-elle conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ?


En outre, cela revenait à se demander s’il était possible d’usucaper une servitude de surplomb.


[Solution] En date du 12 mars 2008, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Clairsienne d’HLM en confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, aux motifs « qu’ayant relevé que la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l'immeuble, lequel, de type "chartreuse", ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s'intégrait pour être surmontée d'une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton et souverainement retenu qu'elle présentait un avantage pour l'usage et l'utilité du fonds des époux X..., en ce qu'elle faisait partie de l'architecture même de leur immeuble, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'agrément, en a exactement déduit que le fonds des époux X..., qui pouvaient se prévaloir d'une possession utile, bénéficiait d'une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ».


[Annonce de plan] Dans cet arrêt inédit, les hauts magistrats du quai de l’horloge ont admis de manière inattendue l’usucapion d’une servitude de surplomb (I) grâce à leur pouvoir souverain d’appréciation, et ce, en dépit de l’atteinte qu’une telle servitude provoque à la propriété d’autrui (II).


 
 

I/ L’admission inattendue de l’usucapion d’une servitude de surplomb


[Chapô] En effet, la jurisprudence ancienne, avait de manière constante manifestée la puissance de la propriété en refusant d’admettre les servitudes d’empiètement (A). Toutefois, en 2008, la Cour de cassation a changé soudainement de positionnement en admettant l’usucapion d’une telle servitude au regard du fait qu’elle présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds servant (B).


A) La préalable réticence à l’acquisition d’une servitude de surplomb par prescription trentenaire


« Le fonds des époux X…, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». De cet extrait, il convient de retenir que la Cour admet en l’espèce la prescription acquisitive d’une servitude, ce qui n’a pourtant pas toujours été la position retenue par la jurisprudence, bien au contraire. Il convient ainsi dans un premier temps de procéder à la définition de l’usucapion [Ndlr : voir un cours sur l'usucapion], qui correspond en outre, à la prescription acquisitive qui est le mécanisme juridique qui transforme l’usage non équivoque, paisible et continu d’un bien en possession opposable à tous à l’issue de l’écoulement du délai de prescription. Pour que la prescription puisse jouer il faut que celle-ci soit pleinement constituée tant dans ses éléments matériels que psychologiques. L’article 2258 du Code civil dispose ainsi que « La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». Mais également la possession doit être utile, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être viciée d’après l’article 2261 ; ni par un vice de clandestinité, ni par un vice de violence, de discontinuité ou encore d’équivoque.


Dans cet arrêt, l’usucapion concerne plus particulièrement une servitude qui correspond quant à elle à une charge entre deux fonds appartenant à deux propriétaires différents. La servitude est ainsi un droit réel qui appartient au propriétaire du fonds dominant reconnu sur le fonds servant. À ce propos, le Code civil consacre une définition de cette notion à l’article 637 qui dispose « qu’une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La servitude doit être distinguée de l’usufruit quand bien même il s’agit-il de deux hypothèses de démembrement du droit réel de propriété.


La première différence est que la servitude ne peut porter que sur des héritages c'est-à-dire au sens du Code civil que sur des immeubles alors que l’usufruit peut porter sur n’importe quelle chose.


La deuxième différence est que la servitude est attachée à un fonds et est perpétuelle, tandis que l’usufruit est nécessairement temporaire. La servitude directement visée par l’arrêt du 12 mars 2008 est une servitude de surplomb, soit une servitude qui confère un droit réel pour le propriétaire du fonds dominant sur le dessus du sol du fonds dominant, comme par exemple des gouttières qui empièteraient sur le terrain voisin en vertu d’une telle servitude.


Les servitudes peuvent être acquises et constituées de diverses manières mais celle qui concernait l’arrêt en présence était relative à la constitution d’une servitude par la possession, par prescription acquisitive. La possibilité d’invoquer l’acquisition d’une servitude par usucapion est en principe assez restreinte, puisque dans un premier temps seule la prescription trentenaire est admise et que dans un second temps les articles 690 et 691 prévoient clairement que seules les servitudes continues et apparentes sont susceptibles d’être usucapées par la possession trentenaire. Cela s’explique en grande partie en raison des caractères de la propriété, reconnue comme étant absolue, perpétuelle et exclusive et qui excluent donc logiquement l’usucapion des servitudes d’empiètement.


La jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation semblait abonder dans ce sens.


En effet, « la servitude ne peut cependant pas porter atteinte, d’une façon qui ne pourrait qu’être perpétuelle, au droit de jouissance absolu reconnu, par l’article 544 du Code civil, à la propriété ». En ce sens, la Cour de cassation dans un arrêt de 2001 a considéré qu’une « servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ». De plus, cette solution loin d’être la seule en ce sens, avait été prononcée pour la première fois dans un arrêt du 24 mai 2000 selon lequel « une servitude ne peut être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété ».


Enfin cette position protectrice du droit de propriété avait été réitérée en 2003 dans un arrêt dont les faits étaient identiques aux faits de l’espèce. De plus, au regard de ces trois jurisprudences, le rapport annuel de 2004 de la Cour de cassation  en avait déduit que « la servitude d’empiètement est bannie du droit français, qui n’admet pas que l’empiètement puisse se pérenniser à l’abri de la notion de servitude » et que par conséquent « cette conception restrictive de la notion de servitude condamne les servitudes de surplomb ».


L’enjeu de cet arrêt de 2008 était alors d’établir un revirement de jurisprudence en revenant sur sa position, ce qui permettrait de consacrer l’usucapion jusqu’ici prohibée d’une servitude de surplomb qui empiète sur la propriété d’autrui.

 

[Transition] Ainsi à la lumière de cette position antérieure constante de la Cour de cassation en faveur de la protection de la propriété, ce revirement soudain apparaît comme étant inédit (B).


 
 

B) Un revirement inédit fondé sur l’utilité esthétique de la corniche


« La corniche avait été édifiée (…) avec l’immeuble, lequel, de type chartreuse, ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait ». De cet extrait transparaît la volonté de la part de la troisième chambre civile de justifier son revirement jurisprudentiel conséquent au regard de l’utilité esthétique de la corniche des avis du reste de l’immeuble afin d’admettre et de fonder l’existence d’une servitude de surplomb au profit des époux X, sur le fonds voisin appartenant à la société Clairsienne d’HLM.


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Toutefois, concernant la notion de servitude, et sa conception, la doctrine est divisée. Certains soutiennent en effet qu’il convient de relativiser les limites que la servitude peut apporter au propriétaire du fonds servant, et d’autres à l’inverse dénoncent le danger de consentir au propriétaire du fonds dominant les avantages, sans les obligations de l’usufruit, voire d’opérer à son profit implicitement un véritable transfert de propriété. De plus, l’auteur Charles Demolombe avait observé à propos des servitudes que ces dernières « procuraient au fonds qui en bénéficiait un avantage d’une plus grande importance que ne l’était l’inconvénient subi par le fonds assujetti ». C’est semble-t-il dans le sens de cette dernière observation que s’inscrit la solution de la Cour de cassation de ce 12 mars 2008.


En effet, la société Clairsienne d’HLM dans son pourvoi, invoquait le fait qu’une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui mais aussi qu’au regard de l’article 637 du Code civil le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une telle servitude sur un autre fonds puisque cet article prévoit qu’une « servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage ou l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La Cour de cassation face à ses moyens invoqués par la société oppose qu’il appartient aux juges du fonds de la Cour d’appel le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant.


Par conséquent elle rappelle en réponse à cette critique de l’utilité, que les juges de la cour d’appel avaient « souverainement retenus » que la corniche objet du litige « présentait un avantage pour l’utilité et l’usage des époux X… en ce qu’elle faisait partie de l’architecture même de leur immeuble ». Mais le fait que cette corniche appartienne à l’architecture du bâtiment ne résout rien selon Forest car cela ne préjuge pas de son utilité pour le reste de l’immeuble.


Mais cet auteur retient tout de même que l’utilité requise par l’article 637 du Code civil peut reposer sur la seule esthétique, en considérant que en l’espèce la corniche objet du litige servait de support à une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton. En effet, il est possible d’admettre de telles servitudes privées en faisant un parallèle avec les servitudes d’utilité publiques dont la loi de 1913 pour la protection des monuments historiques a admis qu’il pouvait s’agir de « servitudes esthétiques ».


En effet, comme il convient de l’observer dans la solution de cet arrêt, l’utilité d’une servitude pour le fonds dominant qui est une condition déterminante de son existence fait l’objet d’une appréciation assez souple par les juges du fonds. On retient par conséquent que « la servitude n’a pas à être indispensable au fonds dominant ».


En ce sens Forest tout comme la Cour de cassation considère que la critique émise par le pourvoi tenant à l’inutilité d’un élément décoratif était doublement inopérante puisque de plus il a été admis très tôt par la jurisprudence que « le simple agrément suffit à justifier l’existence d’une servitude » .


En outre cette solution revient donc bien à admettre qu’une servitude de surplomb puisse être acquise par usucapion trentenaire sur le fondement d’une possession utile exercée par les propriétaires du fonds dominant sur une corniche surplombant le fonds voisin en relevant que cet ornement architectural présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds des époux X. La Cour consacre donc l’existence d’une catégorie de servitudes « qu’on croyaient définitivement condamnées » comme le relèvent certains auteurs.


Ainsi, la Cour de cassation fait l’emporter la servitude de surplomb sur la règle stricte applicable en matière d’empiètement et ce « dans le souci légitime de ne pas risquer la destruction d’un semblant architectural de grande qualité esthétique ».


[Transition] Mais toutefois, la solution rendue par la Cour de cassation ne répond pas et n’écarte pas définitivement la première critique adressée par le pourvoi relative à l’empiétement d’une telle servitude de surplomb sur la propriété d’autrui (II).



II/ La mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation des juges pour retenir une solution discutable


[Chapô] En outre, une telle décision de la part de la Cour de cassation a été vivement critiquée par la doctrine des avis surtout de l’atteinte à la propriété qu’elle provoque (A). En conséquence, au regard de ces éléments, certains auteurs déduisent alors qu’il s’agit en réalité d’un arrêt d’espèce dont la solution n’a pas forcément vocation à être réitérée (B).


A) L’atteinte critiquable à la propriété d’autrui


En effet, sur la critique de l’empiètement, le rejet du pourvoi par la Cour de cassation est plus problématique. Cela se justifie au regard la solution donnée par la Cour de cassation en 2008 qui revient à admettre un empiètement sur le fonds voisin, car une servitude de surplomb s’apparente effectivement à un empiètement dans le sens où elle se manifeste par le dépassement de la propriété du dessus du fonds servant. La doctrine analyse donc cette solution retenue par la troisième chambre civile, qui s’inscrit comme étant un revirement de jurisprudence opéré après une jurisprudence constante et logique qui se voulait protectrice du droit de propriété et en déduit que cette dernière manque de cohérence des avis de sa jurisprudence antérieure. Sur ce point, il convient de rappeler qu’une jurisprudence récente par rapport à l’arrêt avait marqué son désaccord ferme à l’égard d’une solution en faveur de l’empiètement. 


Par ailleurs et dans le même sens, la Cour de cassation avait jugé que « tout propriétaire est en droit d’exiger la démolition d’un ouvrage qui empiète sur sa propriété, si minime que soit l’empiètement » dans un arrêt de la troisième chambre civile en date du 20 mars 2002, peu important que cet empiétement ait été commis de bonne foi d’après la troisième chambre civile dans son arrêt du 29 février 1984. Ainsi, l’arrêt en l’espèce est une exception à ce qu’avait admis de manière rigoureuse la jurisprudence en matière d’empiètement.


De plus, cette solution est vivement critiquée par la doctrine, car en admettant un tel empiètement, elle porte atteinte au caractère absolu du droit de la propriété. La propriété est un droit fondamental et elle a été affirmé à de multiples reprises comme étant effectivement absolue, exclusive (dans le sens ou ses avantages et ses utilités sont réservées au propriétaire) et enfin perpétuelle car cette dernière ne s’éteint pas par le non-usage et l’action en revendication n’est pas susceptible de prescription extinctive.


À ce titre, l’article 545 du Code civil prévoit que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». Cet article est une reprise de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela justifie en partie la position très stricte à l’origine de la part de la Cour de cassation sur les servitudes d’empiètement, tout comme l’article 552 alinéa premier du code civil qui prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus », qui exclut en toute logique, en principe, les servitudes de surplomb. À ce propos, la doctrine tente de relativiser cette règle en relevant le fait que « il est vrai que l’empiètement « dans les airs » n’est peut-être pas aussi gênant qu’un empiètement sur le sol, mais il reste sans aucun doute qualifiable comme tel ».


Cet arrêt constitue donc par conséquent « une fissure non colmatée » à la construction qu’avait fermement tenue la haute juridiction jusqu’au présent arrêt.


À l’inverse, cette décision semble être défendable, voir même justifiée pour certains auteurs qui défendent indirectement la Cour de cassation en disant et en rappelant « qu’il aurait pu paraître paradoxal à la Cour de cassation qu’une même corniche, ancienne de plus de trente ans, puisse être condamnée à la démolition parce qu’elle n’avait pu être considérée sous l’angle de la propriété ».


[Transition] Ainsi, l’atteinte à la propriété qu’opère cette solution inédite en admettant la prescription trentenaire d’une servitude de surplomb a-t-elle vocation à être réitérée par la Cour de cassation où est-ce davantage un arrêt exceptionnel applicable aux faits de l’espèce et qui ne constitue pas réellement un revirement de jurisprudence ? (B)


 
 

B) L’avenir incertain de cette consécration jurisprudentielle


La Cour de cassation dans cet arrêt de 2008, s’efforce de justifier sa solution au maximum en la rendant adaptée aux faits de l’espèce pour, comme énoncé précédemment, favoriser l’intégrité de l’immeuble qui forme un tout avec la corniche sur le plan architectural et permettre ainsi la conservation de la qualité esthétique du bâtiment ; « la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l’immeuble, lequel, de type « chartreuse », ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait pour être surmontée d’une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton ».


De ce long extrait de la solution, transparaît de façon évidente la volonté implicite de la Cour de cassation de rendre applicable l’empiètement  sur la propriété d’autrui par une servitude de surplomb seulement aux cas de l’espèce, en précisant bien que l’appréciation de l’avantage pour l’usage et l’utilité conférée aux propriétaires du fonds dominant sur le fonds servant appartient souverainement aux juges du fonds. Ainsi cette solution n’admet pas pour autant qu’une telle appréciation sera opérée de manière souple, cela peut s’observer notamment car depuis 2008 aucun arrêt de la Cour de cassation n’est venue réitérer cette solution.


Par ailleurs, la doctrine partage ce point de vue. En effet à la question faut-il annoncer un revirement de jurisprudence au travers de cet arrêt ? L’auteur Forrest invoque la prudence à cet égard et pour deux raisons ; l’une tenant au fait qu’un arrêt du 19 septembre 2007 « dément toute idée d’assouplissement de l’hostilité traditionnelle dont la Cour de cassation fait preuve à l’égard de l’empiètement en considérant que cet empiètement fait obstacle à la mitoyenneté ». Et l’autre, la solution rendue le 12 mars 2008 lui semble difficilement dissociable des particularités de l’espèce. Par conséquent ceci explique peut-être, d’après lui, une « hésitation-toute passagère- à trancher en faveur de l’empiètement, cette qualification appelant une destruction inéluctable de l’ouvrage ».


Par ailleurs et dans le même sens d’autres auteurs considère que « l’institution de l’usucapion sauve la situation dans cette affaire (…) mais il ne faut pas forcément en déduire que les servitudes de surplomb auront désormais bonne presse auprès de la Cour de cassation, celle-ci ayant pris soin de justifier en l’espèce, rigoureusement sa solution sur le fondement de l’utilité esthétique de la corniche pour le fonds dominant ». Cela est souligné de manière évidente lorsque la troisième chambre de la Cour de cassation évoque implicitement qu’il reviendra dans chaque espèce « aux juges du fonds le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant ».


Enfin, la chronique de la Cour de cassation publiée au recueil Dalloz en 2008, elle-même rapporte que « D'aucuns penseront sans doute que cette décision n'est pas promise à un grand avenir, tant se développe aujourd'hui une nouvelle forme de démembrement de propriété, la propriété en volumes, qui dissocie la propriété du dessus et du dessous, et on devine sans peine que certains volumes pourront, en tout ou partie, notamment sous la forme de corniches, surplomber le fonds d'un tiers. Lorsque ce tiers n'aura pas consenti à la perte de partie de sa propriété (celle du dessus) au profit du volume, même minime, qui la surplombe, la difficulté pourra, le cas échéant, se trouver résolue par l'application classique des règles de l'usucapion ».


Par conséquent au vu de tous ces éléments longuement évoqués et au vu des théories doctrinales, il apparaît plus vraisemblable que cet arrêt du 12 mars 2008 ne soit pas un arrêt de principe marquant un revirement de jurisprudence comme on aurait pu le penser à première vue, mais qu’il ait davantage vocation à être un arrêt d’espèce en ce qu’il admet simplement le pouvoir souverain des juges pour apprécier au cas par cas un empiètement sur la propriété d’autrui.


 
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